Comme les années précédentes, 2006 a été marquée par une des tendances lourdes du capitalisme mondialisé : les fusions, acquisitions ou rachats entre grands groupes. Elles ont battu un record historique et totalisé plus de 3600 milliards de dollars dans le monde dont 1300 milliards en Europe. Il s’agit d’une accélération de la concentration du capital par la création de grands oligopoles mondiaux, qui sont en concurrence mais peuvent aussi collaborer par des fusions et des rachats pour empêcher l’arrivée de nouveaux concurrents.
Et en terme de profits, les entreprises s’en sortent bien : il est passé de 20 700 euros par salarié en 2000 à 33 300 euros en 2005 pour les entreprises non financières du CAC 40, soit une hausse de 61 % (Alternatives économiques n° 250, septembre 2006). Cette hausse des profits est accompagnée de licenciements en cascades et de délocalisations qui sont une mise en concurrence des salariés sur le grand marché mondial du travail. Ces opérations sont des investissements qui ne créent aucune richesse supplémentaire puisqu’il s’agit de déplacements d’entreprises, mais elles sont accompagnées de « rationalisations » qui génèrent des destructions d’emplois d’un côté et des milliards de dividendes pour les actionnaires de l’autre.
La récente fusion d’Alcatel avec Lucent s’inscrit dans le cadre de ces opérations de concentration qui se sont accélérées ces dernières années chez les opérateurs téléphoniques en Europe. Par cette fusion, avec aujourd’hui 79 000 salariés dans 130 pays, le groupe Alcatel Lucent devient le numéro deux mondial des équipements de réseaux pour Internet et mobiles et le numéro un pour les infrastructures de télécommunication fixe.
Le premier objectif d’Alcatel Lucent est de réduire les coûts de 1,7 milliard d’euros en trois ans. Le « dégagement de synergie » se traduit par un plan de 12 500 licenciements dont 1 500 à 2 000 en France d’ici 2008, soit plus de 16 % des effectifs ! Dans un contexte où Alcatel et Lucent ont enregistré un bénéfice net de 522 millions d’euros en 2005 ! Com me d’habitude, à l’annonce du plan de licenciements, l’action en Bourse a grimpé. Les « deux patrons pour le prix d’un » d’Alcatel et de Lucent n’en sont pas à leur premier coup d’essai. Patricia Russo, nouvelle PDG d’Alcatel-Lucent, a déjà supprimé 30 00 em plois entre 2002 et 2005 chez Lucent et le PDG d’Alcatel Tchuruk a supprimé plus de 55 000 postes entre 1995 et 2006.
Les salariés ne doivent pas faire les frais des réorganisations capitalistes, et celles-ci n’ont rien d’inéluctable si les salariés se mobilisent. Le 15 février, le jour où le groupe doit officiellement annoncer les restructurations sur les sites français, l’intersyndicale appelle à la grève. La proposition de la LCR d’une loi interdisant les licenciements prend encore ici toute sa pertinence.