De Kiev,
Au moment de la chute de l’Union soviétique, en 1991, quelques partis politiques ukrainiens disaient vouloir s’opposer aux réformes capitalistes. Les deux principaux étaient le Parti communiste d’Ukraine (PCU) et le Parti socialiste d’Ukraine (PSU). Ces deux partis, créés par les anciens membres du Parti communiste de l’Union soviétique dissous, ont été rejoints par ceux qui contestaient la transformation capitaliste du pays. Aujourd’hui, ils font partie de la coalition dirigée par le Parti des régions, parti libéral de droite ayant pour dirigeant Viktor Ianoukovitch, Premier ministre depuis l’été 2006.
Le PCU a 21 députés et sa rhétorique populiste cache mal son abandon de toute résistance au cours néolibéral pris par le gouvernement. Il a soutenu les décisions d’augmentation des loyers et des prix des services communaux. Il défend une politique prorusse1, l’introduction du russe comme deuxième langue d’État, l’adoption d’une union économique avec la Russie et l’Église orthodoxe dont le patriarche est à Moscou2. Durant les années de crise économique, le PCU a bénéficié, électoralement, de la nostalgie pour la « mère patrie soviétique », en particulier chez les personnes âgées. Mais la politique bourgeoise suivie, la diminution naturelle de la population et la croissance économique de ces dernières années ont fini par le priver de ce soutien. Le PSU a 31 députés et son dirigeant, Alexander Moroz, est le président du Parlement. Les socialistes détiennent le ministère des Trans ports, la direction du Fonds de propriété de l’État (responsable de la privatisation du domaine public), le ministère de la Santé et le ministère de l’Intérieur. Politiquement, le PSU est plus à droite que le PCU et il n’a pas son orientation prorusse.
Les dirigeants de ces deux partis ne s’intéressent qu’aux élections et vont toujours plus à droite afin d’essayer de trouver leur place parmi l’élite bourgeoise. Il est donc difficile de les considérer comme une alternative de gauche. De son côté, le Parti progressiste socialiste d’Ukraine (PPSU) est le plus gros parti non parlementaire. Financé par des bourgeois russes bien connus, il a fait, aux élections du printemps 2006, une campagne chauviniste et prorusse, défendant l’Église orthodoxe de Moscou. Depuis l’indépendance, la place de la gauche radicale et socialiste est donc très réduite dans la vie politique du pays. Le groupe Initiative de gauche compte 50 à 70 personnes, dont des anarchistes et des antifascistes. Son idéologie mélange des thèmes anti-impérialistes et nationalistes. Le syndicat de gauche Défense du travail à Lvov, dans l’ouest de l’Ukraine, compte environ 300 mem bres. Il mène campagne contre les privatisations et pour soutenir les habitants des villes dortoirs dont les logements sont privatisés.
Avec 120 militants, la plus grande organisation de gauche est l’association Che Guevara, composée de jeunes marxistes, principalement étudiants. En 2006, elle a créé, avec d’autres, l’Organisation des marxistes ukrainiens pour rassembler la gauche et les militants syndicaux. De tradition marxiste et internationaliste, elle participe aux mouvements sociaux et défend les droits des travailleurs, des jeunes, des migrants et des minorités nationales, se positionnant contre le nationalisme ukrainien ou russe. Son avenir dépendra de sa capacité à dépasser un certain sectarisme militant et certains stéréotypes staliniens. Car, sans se revendiquer du stalinisme, beaucoup pensent qu’il y avait, malgré tout, une société socialiste en URSS. D’autres militants ne confondent pas stalinisme et socialisme. L’organisation tiendra une conférence constitutive en mars 2007.
Notes
1. L’Ukraine compte une forte minorité russe (17 %) concentrée dans l’est du pays.
2. Il y a deux Églises orthodoxes en Ukraine : l’une a son patriarcat à Kiev, l’autre à Moscou.