Il faut dire que la variable météo fausse forcément la donne. Malgré le froid, la pluie, le temps maussade, les Algériens sont sortis massivement et ont fait entendre leur voix.
Avant les coups de midi, les premiers groupes de hirakistes se jettent littéralement à l’eau et occupent la rue Didouche Mourad en scandant : « El hirak wadjeb watani ! » (Le hirak est un devoir national). Ce sont bientôt des dizaines de manifestants qui se déversent sur la grande artère, battant le pavé jusqu’aux abords de la Grande- Poste. A 13h, le tronçon allant du lycée Barberousse (ex-Delacoix) au bout de la rue Abdelkrim Khettabi est noir de monde.
Les manifestants ont une nouvelle fois réitéré leur attachement au principe de la séparation du politique et du militaire en chantant : « Asmaâ ya El Gaïd, dawla madania, asmaâ ya el Gaïd, machi askaria ! » (Ecoute Gaïd, Etat civil, écoute Gaïd, pas militaire). Le cri de ralliement « Ya Aliii ! » a tonné de nouveau comme une invocation impérieuse suivie de sifflements stridents.
Des youyous fusent. Des automobilistes expriment leur connivence à coups de klaxons. Une ambiance festive qui tranche avec l’humeur du ciel. Le rejet des élections est dit sans ambages : « Makache intikhabate ya el issabate ! » (Pas d’élections avec la bande). Des voix renchérissent : « Dirou el intikhabate fel Imarate ! » (Faites vos élections aux Emirats).
Un homme en colère s’écrie : « El khawana yaqatlou fel djounoud ! » (Les traîtres tuent les soldats), allusion aux trois militaires tombés, mercredi dernier, près de Damous, dans la wilaya de Tipasa, lors d’une opération antiterroriste. Le masque à l’effigie de Bouregaâ refait son apparition en l’honneur du héros de la Wilaya IV historique qui vient de subir une intervention chirurgicale à l’hôpital Mustapha.
« Les résidus du système se régénèrent avec 5 branches »
Le dispositif de police est un tantinet allégé. Ammi Saïd, 69 ans, un des « historiques » du hirak qui n’a pratiquement manqué aucune manif’, parade avec une pancarte où il fustige les 5 candidats à l’élection présidentielle en écrivant : « Les résidus du système se régénèrent avec 5 branches. » Au dos de sa pancarte, il s’indigne : « Où est l’intégrité et la transparence ?
Le système se renouvelle et ils ne veulent pas de changement. C’est une honte ! » Ammi Saïd nous confie qu’il a été interpellé et tabassé le vendredi 1er novembre : « J’ai été arrêté le matin, vers 6h45. Les policiers m’ont tout de suite repéré et m’ont embarqué violemment. J’ai fait le tour de plusieurs commissariats : Châteauneuf, Ben Aknoun… avant d’atterrir à Tessala El Merdja, près de Birtouta. Le fourgon était plein de citoyens arrêtés. Là-bas, j’ai eu la chance de tomber sur un brave officier qui s’est étonné de mon interpellation.
Il a dit à ses collègues : ‘‘Il est là depuis le 22 février et il n’a jamais rien fait de mal.’’ C’est grâce à lui que j’ai été relâché. Il m’a même demandé si j’avais de l’argent pour rentrer. A peine libéré, j’ai retrouvé mon épouse et nous sommes venus manifester ensemble. » Avec un tel état d’esprit, il serait presque indécent de demander à Ammi Saïd s’il n’avait pas hésité à sortir vu la météo, surtout qu’il vient de loin…
« Le peuple est en route, système en déroute »
Nous remontons jusqu’à la rue Victor Hugo où une foule est massée comme chaque vendredi, en attendant la fin de la prière. D’autres sont regroupés devant l’agence BNA de la rue Didouche. Le ciel est couvert. Il pleuvote de nouveau. Le mercure tourne autour de 16°C. Mais la température sociale ne fait que grimper. « Ya Aliii ! » crient des gorges excitées.
D’autres voix commencent à marteler : « Dawla madania, machi askaria ! » Un fumigène est allumé, libérant un panache de fumée rougeâtre qui enflamme l’atmosphère. Un large drapeau USMA flotte dans l’air. Des pétards y vont de leur délire, rappelant fort opportunément que nous sommes la veille du Mawlid. Dès la fin de la prière à la mosquée Errahma, pratiquants et non-pratiquants fusionnent dans une marée flamboyante qui envahit la rue Didouche Mourad. On a beau voir et revoir cette image, elle ne manque jamais de faire son effet.
Une claque à chaque fois. Le fleuve humain déferle sur le boulevard aux cris de : « Asmaâ ya el Gaïd, dawla madania, asmaâ ya el Gaïd, machi askaria ! » « Ya Ali Ammar, bladi fi danger. Nekemlou fiha la Bataille d’Alger ! » (Ali Ammar, mon pays est en danger, on poursuivra la Bataille d’Alger). Puis, on entend ce gigantesque cri de colère : « Echaâb yourid isqate Gaïd Salah ! » (Le peuple veut la chute de Gaïd Salah), suivi de « L’istiqlal ! » (l’indépendance), répété plusieurs fois.
Exalté par cette ambiance épique, un homme dressé sur un balcon communie avec la foule en tapant dans une casserole. Les protestataires enchaînent par « Dégage Gaïd Salah, had el âme makache el vote » (pas de vote cette année), « Les généraux à la poubelle, wel Djazaïr teddi l’istiqlal » (et l’Algérie accédera à l’indépendance), « Elli yvoti khayen watani ! » (celui qui votera est un traître à la patrie), « Eddouna gaâ lel habss, echaâb marahouche habess ! » (Emmenez-nous tous en prison, le peuple ne s’arrêtera pas).
Sur les pancartes, le slogan « Etat civil, pas militaire » est omniprésent. On peut lire également : « Solidarité avec les détenus d’opinion », « Libérez les détenus », « Justice algérienne : le téléphone ordonne au marteau de détruire la balance », « Non au scénario égyptien en Algérie », « Le peuple est en route, système en déroute », « Non aux élections, continuité du système maffieux »… Une dame arbore un écriteau hilarant : « Les politiciens sont comme les couches bébé : ils faut les changer constamment et pour les mêmes raisons. »
« Finie l’époque de la fabrication des Présidents »
A la rue Asselah Hocine, se déversent là aussi des flux impressionnants en provenance de Bab El Oued, de La Casbah, de Bologhine et des quartiers de la banlieue ouest d’Alger. « Dégage Gaïd Salah, had el âme malkache ekl vote ! » « Baouha el khawana, baouha ! » (Ils ont vendu la patrie), « Makache intikhabate yal issabate ! » (Pas d’élections avec les bandes), sont entonnés en chœur.
Un jeune revendique : « Ni le FLN ni le RND à la présidentielle ! » Une large banderole en anglais est déployée avec ces mots : « No thieves, no dictators, no Sissi, a civil state, a state of law and justice ; we won’t give up until death » (Pas de voleurs, pas de dictateurs, pas de Sissi. Un Etat civil, un Etat de droit et de justice. Nous n’abdiquerons pas jusqu’à la mort).
Sur la rue Hassiba Ben Bouali, même intensité, même ferveur. Plusieurs cortèges se succèdent. « Hé ho, leblad bladna, wendirou raina, makache el vote ! » (C’est notre pays, on fera ce qui nous plaît, pas de vote), chante la foule. Un homme défile avec cette pancarte : « Le jour où on sera dans un pays de liberté d’opinion et d’expression, sans incarcération, on parlera des élections. »
Un groupe de marcheurs reprend la chanson de Oulahlou Pouvoir assassin et y incorpore ce mot d’ordre : « Dawla islamia ! » (Etat islamique). Un autre carré, clairement de gauche celui-là, est conduit par des militants du Pôle de l’alternative ouvrière et populaire. Ils ont une large banderole de couleur rouge sur laquelle on peut lire : « Non aux élections, oui aux grèves. » Quelques pas plus loin, un autre cortège défile.
Des bras hissent une série de pancartes incisives : « A bas le prochain Président », « Finie l’époque de la fabrication des Présidents », « Gouvernement illégitime, Constitution violée, élections de la bande », « La justice ne se vend pas, un pouvoir ne s’achète pas », « Non aux Présidents recyclés, non au pouvoir militaire, aucune voix n’est au-dessus de la voix du peuple », « Grève générale à la manière de la grève des 8 Jours en 1957 »…
Quelques mètres plus bas, un autre carré donne de la voix. Des jeunes improvisent un slogan franchement sexiste en voulant brocarder les 5 candidats : « Bouteflika mate, khella 5 benate ! » (Bouteflika est mort et a laissé 5 filles), lâchent-ils.
On entend aussi : « La Tebboune, la Benflis, echaâb houa erraïs ! » (Ni Tebboune ni Benflis, c’est le peuple, le Président). Un frondeur soulève une pancarte dense qui en dit des choses : « Période de transition sans ces gueules de misère. Pas d’élection avec la suspicion et la bande. Libérez les kidnappés pour leurs opinions politiques. Etat civil, pas militaire. Jusqu’au bout ! » Qui peut stopper le hirak ?
MUSTAPHA BENFODIL
• EL WATAN. 09 NOVEMBRE 2019 À 10 H 20 MIN :
https://www.elwatan.com/edition/actualite/la-mobilisation-reste-intacte-hirak-a-toute-epreuve-09-11-2019
37e mardi des étudiants : « Boutef, reprends tes rejetons ! »
Le 37e acte de la marche hebdomadaire des étudiants a été marqué par un rejet sans appel des élections du 12 décembre et du projet de loi sur les hydrocarbures qui était en débat à l’APN. Les manifestants ont exprimé également leur soutien au mouvement des magistrats.
A travers les rues de la capitale et de tout le territoire national, les étudiants ont été une nouvelle fois au rendez-vous dans une marche marquée, cette fois-ci plus encore, par le rejet des candidats à la prochaine élection présidentielle et le départ de tout le système.
Alger, 5 novembre 2019. 37e marche hebdomadaire des étudiants. Il est un peu plus de 10h. Le ciel est couvert ce mardi matin. A la place des Martyrs, point de départ de la manif’ estudiantine, des citoyens de tout bord se regroupent petit à petit devant l’une des deux sorties du métro.
Premier fait marquant : le débat en plein air auquel nous avaient habitués les étudiants avant l’entame de leur marche, et qui a été interrompu pendant quelques semaines, a repris ses droits hier, transformant Sahate Echouhada en une grouillante et gouailleuse agora. Thème du jour : la grève des magistrats. Un sujet forcément clivant, entre solidaires et pourfendeurs. Au premier rang de ces derniers, l’infatigable Benyoucef Mellouk, qui leur reproche leur duplicité. Il n’hésite pas à les qualifier de « traîtres » et de « suppôts de la îssaba ».
D’autres voix se montrent plus tempérées, à l’instar de ce jeune qui plaide pour une « alliance objective » avec les magistrats frondeurs. « Dans toutes les révolutions, il y a des alliances objectives. Il faut savoir frapper ensemble », harangue-t-il l’assemblée électrique surveillée par des policiers sur le qui-vive. Plusieurs intervenants ont exprimé leur émotion et leur indignation après les images choquantes de magistrats tabassés au tribunal d’Oran dimanche dernier. « C’est une image qui ne fait pas honneur à notre pays », s’emporte une citoyenne, avant de lancer : « On veut un Etat de droit ! »
10h35. L’assemblée, qui s’est vite élargie, piaffe d’impatience. On fait signe au modérateur de clore le débat pour lancer la marche. Comme de tradition, la manif’ débute solennellement par Qassaman. Le ciel s’est assombri. Il commence à pleuvoir. Les manifestants ne songent même pas à se mettre sous les arcades qui bordent la place des Martyrs. Juste après l’hymne national, les clameurs s’élèvent : « Tayha El Djazair ! » « Echaâb yourid el istiqlal ! » (Le peuple veut l’indépendance), « Makache intikhabate ya el issabate » (Pas d’élections avec la bande), « Dégage Gaïd Salah, had el âme makache el vote » (pas de vote cette année)…
En soutien aux juges, la foule martèle : « Rana maâkoum ya qodhate, matekhafouche el issabate ! » (Juges, on est avec vous ; n’ayez pas peur de la bande). Le cortège enchaîne par : « Had echaâb la yourid hokm el askar min djadid ! » (Ce peuple ne veut pas d’un nouveau régime militaire), « Dawla madania, machi askaria ! » (Etat civil, pas militaire), « Sahafa horra, adala moustaqilla ! » (Presse libre, justice indépendante).
La procession traverse la rue Bab Azzoune en redoublant de ferveur. On pouvait entendre de nouveau le fameux cri de ralliement : « Ya Aliii ! » suivi de : « L’istiqlal ! » (L’indépendance) fusant furieusement des tripes. Autre leitmotiv insistant : « Baouha el khawana, baouha ! » (Ils ont vendu la patrie). Un refrain qui prend tout son sens en ce jour où, à quelques encablures de là, dans les travées de l’hémicycle Zighoud Youcef, le projet de loi sur les hydrocarbures devait être examiné par les députés. Voilà d’ailleurs la foule qui se met à crier à tue-tête : « Qanoune el mahrouqate à la poubelle ! » (Loi sur les hydrocarbures à la poubelle). Vers la fin de la rue Bab Azzoune, plusieurs manifestants ressortent les masques à l’effigie du moudjahid Lakhdar Bouregaâ, un geste qui a constitué l’une des images fortes des manifs du vendredi 1er novembre. D’autres arboraient le portrait de l’étudiante incarcérée Yasmine Dahmani, véritable icône du mouvement estudiantin.
« Parlement des traîtres »
Au Square Port-Saïd, le même dispositif de police est déployé, avec obstruction systématique de la rue menant au tribunal de Sidi M’hamed. Un éclatant rayon de soleil éclaire le ciel d’Alger. Un vieil homme lâche en passant devant une haie de policiers : « Khellou ouledna iyichou ! » (Laissez nos enfants vivre). Sur la rue Ali Boumendjel, la marée humaine charge le ministre de la Justice : « Zeghmati à la poubelle, wel adala teddi l’istiqlal ! » (et la justice accédera à l’indépendance). Il y avait aussi ce slogan : « Libérez la justice, libérez l’Algérie ! »
Sur les pancartes brandies, on peut lire : « Liberté aux étudiants emprisonnés. Honte à vous », « La patrie ne se libérera qu’avec la libération de la justice », « L’Algérie n’est pas la propriété des généraux. Presse libre, justice indépendante », « Magistrats, hier, vous ne vous avez pas soutenus mais aujourd’hui on vous soutient », « Oppression et violence, seules options du système pour caporaliser la révolution populaire ». Une étudiante parade avec Les Geôles d’Alger de Mohamed Benchicou. Une dame proclame : « Non à des élections n’aboutissant pas à un Etat civil, un Etat de droit, une justice indépendante, des médias indépendants ! »
En traversant la rue Larbi Ben M’hidi, la procession enflamme la grande artère en hissant un immense étendard à l’effigie de Hassiba Ben Bouali, la « benjamine des moudjahidate ». Réagissant aux cinq candidatures validées par l’ANIE, la foule scande : « Bouteflika eddi ouledek, makache ohda 5 ! » (Boutef, reprends tes rejetons, pas de 5e mandat), « 5 elli trachehou : ya esseraquine ! » (Les 5 candidats, vous êtes des voleurs). Arrivée à la place de l’Emir, la foule veut foncer sur l’APN via la ruelle qui jouxte la librairie du Tiers-monde mais un dispositif de police hermétique l’en empêche en barrant carrément la rue à l’aide d’un camion disposé au travers de la chaussée.
Un groupe de manifestants réussit néanmoins à gagner la rue Asselah Hocine au prix d’échauffourées musclées avec les forces de l’ordre. Les manifestants ont scandé devant la partie du bâtiment de l’Assemblée nationale qui donne sur la rue Asselah Hocine : « Barlamane el khawana ! » (Parlement des traîtres) ; « Qanoune el mahrouqate, khayen lebled ! » (Loi sur les hydrocarbures, traîtresse à la patrie).
Le gros du cortège ayant été empêché d’accéder à la rampe Ben Boulaïd et la rue Asselah Hocine, il a dû s’en tenir au parcours habituel, traversant tour à tour la rue Larbi Ben M’hidi, l’avenue Pasteur, la rue du 19 Mai 56 (Fac centrale), le boulevard Amirouche et Mustapha Ferroukhi avant de déferler sur la place Audin pour chuter aux abords de la Grande-Poste.
Pendant cet itinéraire, les manifestants ont redoublé de créativité en faisant entendre à chaque fois de nouveaux slogans bien sentis : « Ya hadharate, el bled koulate, baou el mahrouqate ! » (Mon général, le pays a coulé, ils ont bradé les hydrocarbures), « Ya el poulici, bladi we bladek ma enbiouhache ! » (Policier, mon pays et ton pays n’est pas à vendre), « Ya poulici, ahcham chouiya, djina enharrouk mel ouboudia ! » (Policier, on est venu t’affranchir de l’esclavage).
Le mot « ouboudia » (esclavage) revenait aussi dans la bouche d’une vieille dame pleine de verve qui répétait avec énergie : « Barakat ouboudia, barakat ounssouria ! » (Marre de l’esclavage, marre du racisme). Elle défilait en brandissant une pancarte assortie de ces mots qui résument son histoire : « Epouse d’un moudjahid cherche les droits de l’homme : mon droit au logement, à la protection. Mon âge ne supporte pas la rue. Libérez la patrie ! Etat civil, pas militaire. Ni logement, ni pension, ni liberté ». Respect, El hadja !
MUSTAPHA BENFODIL
• EL WATAN. 06 NOVEMBRE 2019 À 10 H 17 MIN :
https://www.elwatan.com/edition/actualite/37e-mardi-des-etudiants-boutef-reprends-tes-rejetons-06-11-2019
Après la forte mobilisation du 1er Novembre : Comment ignorer le message du hirak ?
La référence aux icônes historiques, dont les 22 déclencheurs de la Révolution ainsi que Lakhdar Bouregaâ, a été au cœur des manifestations ( photo : sami k. )
L’Algérie entière a connu, vendredi 1er novembre, un moment historique. Des millions d’Algériens ont investi les rues et places d’Alger et des différentes villes du pays pour exprimer, comme un seul homme, leur attachement à la satisfaction pleine et entière des revendications du hirak.
C’est l’écrasante majorité du corps électoral, convoqué le 15 septembre dernier, qui a choisi de signifier, dans une sorte de méga-référendum de la rue, aux tenants du régime son rejet de la présidentielle programmée pour le 12 décembre prochain. Une élection dans laquelle les concurrents sont en majorité, selon le verdict de l’ANIE, des hommes ayant longtemps servi sous l’autorité du président déchu, Abdelaziz Bouteflika. Drôle de changement promis ! Mais les Algériens sont loin d’être dupes. Leur grandiose mobilisation à l’occasion de la date anniversaire du déclenchement de la Guerre de Libération nationale en est la preuve irréfutable.
Les slogans scandés sont : « Pas d’élection avec les bandes ! » « Gaïd Salah et Bensalah doivent partir ! » « Indépendance ! », « Algérie libre et démocratique ! »… Avec détermination, les manifestants, qui ont occupé des heures durant les rues et les espaces publics, se disent prêts à faire barrage à cette nouvelle mascarade électorale pour parachever la lutte entamée, il y a 65 ans, par les enfants de Novembre 1954.
La référence aux icônes historiques, dont les 22 déclencheurs de la Révolution, le groupe des Six ainsi que le baroudeur de la Wilaya IV historique actuellement en détention, Lakhdar Bouregaâ, l’attachement du peuple aux idéaux de Novembre pour lesquels se sont sacrifiés leurs aïeux. Lors de ce vendredi 1er novembre, le mouvement populaire a prouvé une nouvelle fois que « ce n’est pas un groupuscule » ou « quelques éléments » qui s’opposent « au plan » concocté par les tenants du pouvoir.
Des leçons à retenir
Le hirak, qui a déjà fait échouer deux rendez-vous électoraux, à savoir celui du 18 avril et l’élection du 4 juillet, ne cesse de donner des preuves de sa maturité. Une maturité qui s’est matérialisée notamment avec le maintien du caractère pacifique des manifestations en dépit de la répression injustifiée et disproportionnée. Mais pas seulement. La solidarité et l’union, malgré les tentatives de division, font également la force de ce mouvement unique dans l’histoire de l’Algérie post-indépendance. Un mouvement qui a aussi résisté à tous les coups de boutoir des représentants du système et de leur propagande médiatique indigne.
En effet, en dépit du verrouillage des champs médiatique et politique ne laissant aucune place au libre débat, le hirak est resté intact et reprend même, de l’avis de tous les observateurs, un nouveau souffle, synonyme de la volonté d’aller au bout de cette révolution pour cueillir son fruit mûr : la démocratie. Le sort réservé aux candidats à la candidature, qui ont peiné pour trouver des signataires pour leurs formulaires de souscription est aussi un autre signe de rejet de cet agenda électoral.
Selon les statistiques révélées, hier, par l’Autorité des élections, sur les 10 millions de formulaires remis aux prétendants à la prochaine course électorale, seulement un peu plus de 800 000 ont été remplis et remis à l’ANIE. Ce sont là autant de leçons adressées directement à ceux qui détiennent les leviers du pouvoir en Algérie. Ces derniers les retiendront-ils ? Continueront-ils à faire dans la fuite en avant et priver, de ce fait, le pays d’une solution consensuelle et durable à la crise de gouvernance dans laquelle il patauge depuis des décennies ?
MADJID MAKEDHI
• EL WATAN. 03 NOVEMBRE 2019 À 10 H 20 MIN :
https://www.elwatan.com/edition/actualite/apres-la-forte-mobilisation-du-1er-novembre-comment-ignorer-le-message-du-hirak-03-11-2019