Crédit Photo : Photothèque Rouge / Martin Noda / Hans Lucas
Tout d’abord son projet de discréditer le mouvement par l’étalement dans les médias à échoué. Ce n’est pas faute pour BFMTV ou CNEWS d’avoir occupé les écrans à longueur de journée avec des images de “violences” traquées aux quatre coins des régions et à Paris. Au bout du compte il ne restait plus à Édouard Philippe qu’à rendre hommage aux organisations syndicales qui ont organisé les manifs... Dans le même temps les membres du gouvernement ont littéralement occupé les médias pour tenter de convaincre de l’incongruité de ces manifestations. Ministres, porte-parole et journalistes aux ordres se sont relayés pour nous expliquer que la réforme était juste, que les syndicats et les enseignants n’avaient rien compris. Les tentatives de division, de déminage se sont multipliées : une enveloppe supplémentaire pour les hôpitaux, des promesses de ne rien toucher pour les gardiens de l’ordre, et une manne salariale pour les profs. Le Père Noël avec 20 jours d’avance.
Mais sentant que tout cela ne prenait guère, le gouvernement change de braquet en matière de calendrier. Ce qui devait prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois, est compressé en quelques jours. Mercredi 11, nous saurons presque tout et on pourra passer rapidement aux conclusions en début d’année…
Les “concessions” du gouvernement au mouvement devraient tourner essentiellement autour de l’étalement de la mise en œuvre de la réforme tout en reportant les mesures financières (la réforme paramétrique c’est-à-dire le report de l’âge de départ à taux plein), jugées hier urgentes.
Regarder en face les difficultés de la mobilisation
L’idée c’est de s’attacher les bonnes grâces des directions syndicales comme celle de la CFDT favorables à la réforme mais qui ne peuvent abandonner toutes leurs demandes au risque d’y laisser une nouvelle fois des plumes sous forme de départ d’adhérentEs. Et de permettre aux directions confédérales ou fédérales les moins disposées à construire et élargir la mobilisation de préparer un repli en bon ordre.
Les limites de la mobilisation du 5 décembre pourraient faciliter ces manœuvres. Tout d’abord la moindre mobilisation dans le secteur hospitalier, confronté à une lutte “professionnelle” de longue haleine, à des crispations liées aux divisions sociales de la profession. Avec peut être des espoirs d’être moins mal traitéEs sur la question des retraites via la prise en compte de la pénibilité. Et surtout la faible mobilisation dans le privé malgré une prise conscience des enjeux mais face aux difficultés de faire grève, à la perte de de culture, confiance dans la possibilité de gagner par le blocage de l’économie. Il y a un risque d’isolement du secteur public.
S’appuyer sur les forces du mouvement
Mais, pour l’heure, la forte mobilisation du 5 paraît avoir conforté les secteurs mobilisés. La grève a été exceptionnelle dans les transports et dans l’éducation. Elle a été forte dans d’autres services publics. Même si les grèves ont accusé un recul ce vendredi, elles promettent de rebondir fortement la semaine prochaine, en s’appuyant sur les journées appelées le 10 puis le 12 décembre. Ces journées de grèves doivent être des points d’appui pour construire la lutte là où c’est le plus difficile, et créer des moments de convergence pour les secteurs en grève reconductibles. Notre objectif est que, malgré des rythmes différents, tout le monde s’engage dans la grève.
Les rencontres de différents secteurs donnent confiance. Des discussions se multiplient au niveau local entre salariéEs des transports, enseignantEs, Gilets jaunes, et d’autres encore. Cela sert à rythmer la mobilisation, à se renforcer et à discuter sur le fond des objectifs du mouvement, de ses revendications.
L’intransigeance mais aussi les flottements du gouvernement donnent envie de pousser l’avantage. Mais surtout c’est l’immense colère contre Macron et son monde « révélée » par les Gilets jaunes qui pourrait bien fournir le carburant nécessaire à l’amplification de la mobilisation. Les reconductions déjà actées jusqu’à lundi vont permettre d’aller à la rencontre de celles et ceux qui hésitent à se mobiliser, à discuter des moyens de construire la mobilisation par le choix des objectifs de la bataille, par l’auto-organisation indispensable pour boucher les trous laissés par le calendrier des directions syndicales. Multiplier les rencontres interpros locales, élire des comités de grève permet de solidifier le mouvement, de l’ancrer sur le plan local.
Une bataille politique
Pour gagner le privé au mouvement, il ne faut pas hésiter à défendre des revendications qui font le lien entre public et le privé, comme la retraite à 60 à taux plein. Mais aussi à discuter, comme cela se fait de façons variées, à orienter le combat contre Macron. Oui, la bataille pour les retraites est une bataille contre un projet de société rétrograde, incarné par Macron. Il faut le dégager, ainsi que le pouvoir et le patronat qu’il sert. Construire la grève générale, dégager Macron, c’est un combat pour une autre société.
Robert Pelletier
• Créé le Vendredi 6 décembre 2019, mise à jour Vendredi 6 décembre 2019, 23:00 :
https://npa2009.org/actualite/social-autres/consolider-etendre-la-mobilisation-vers-la-greve-generale
Il faut que ça explose vraiment, dans la rue, dans les quartiers, dans les entreprises
Crédit Photo : Photothèque Rouge /Martin Noda / Hans Lucas
L’intersyndicale nationale appelle à une prochaine journée de mobilisation (grève et manif) pour ce mardi 10 décembre, encouragée ou poussée par l’importance des manifestations et grèves du 5 décembre.
Ouf, il y a donc une suite, un autre point d’appui pour construire un mouvement social à la hauteur des enjeux. Car pour faire plier le gouvernement sur sa réforme des retraites et même au delà pour imposer des réponses aux urgences sociales, la confrontation est inévitable.
Les confédérations syndicales tergiversent entre discours radical (détermination pour le retrait de la réforme) et le bricolage d’une mobilisation au coup par coup, sans chercher en réalité, concrètement, à coordonner les secteurs en lutte, favoriser les AG convergentes dans les villes, à aider pour organiser des actions diverses entre les manif.
Les manifestations énormes de jeudi 5 montrent que la colère est là, qu’elle s’exprime. La confiance parmi les militantEs, les grévistes, manifestantEs revient peu à peu, l’espoir aussi de pouvoir changer la donne et cette perspective folle qu’un jour on peut ne pas perdre une bataille. Mais en même temps, il y a du stress, de l’inquiétude, de ne pas réussir, de manquer la bascule vers une lutte qui entraîne des millions de gens, qui permet d’entrainer celles et ceux qui soutiennent (voir les 69% des sondages) à devenir acteurs, à participer aux manif, aux grèves, à des actions de blocages économiques ...
Il y a un bras de fer à engager, maintenant et on n’a pas beaucoup de marge pour réussir. Cette date du 5 décembre est tardive et à quelques jours des vacances et des fêtes on se dit que ça peut se compliquer pour nous.
Tout est possible aujourd’hui. On a les raisons de douter de nos forces, tant nous avons pris des coups, tant nous avons subi des défaites, tant les équipes syndicales, militantes se sont réduites. Mais nous avons autant de raisons d’espérer car la souffrance, le ras le bol, le besoin de dignité sont présents.
On le sait, il faut que ça explose vraiment, dans la rue, dans les quartiers, dans les entreprises. il faut faire trembler le gouvernement et les possédants, c’est la seule façon d’inverser le rapport de forces.
Le gouvernement recule en parole, cherche à calmer la situation, prend une posture plus modeste, parle de négociation, de compromis. Mais il n’y a pas de compromis possible comme il n’y a pas de négociation possible.
Il faut juste tout inverser, mettre en place une politique sociale, qui redistribue les richesses parmi la population, qui reprend tout ce qu’on nous a volé depuis très longtemps, pour les services publics, pour les retraites, pour la sécu, pour les logements, pour les emplois... pour nos vies, notre avenir.
Et ça ne peut pas se faire autrement que par un mouvement profond, comme en 95 au minimum, comme en 68 ou en 36. et même plus encore, une révolte qui remette en cause le pouvoir, la proprieté des possédants.
Philippe Poutou
Créé le Vendredi 6 décembre 2019, mise à jour Samedi 7 décembre 2019, 09:57 :
https://npa2009.org/actualite/social-autres/il-faut-que-ca-explose-vraiment-dans-la-rue-dans-les-quartiers-dans-les