Environ un tiers des étrangers résidant en France sont des ressortissants d’un pays de l’Union européenne (UE), ce qui, depuis 2001, leur donne le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales. Les étrangers d’autres pays, au contraire, n’ont toujours pas le droit de vote, même si la question est en débat depuis la promesse de campagne du président François Mitterrand en 1981.
Regardons la Norvège, qui n’est pas dans l’UE. Ce pays offre depuis 1983 le droit de vote et d’éligibilité à tous les étrangers aux élections locales après trois ans de résidence dans le pays. En Norvège, toutes les personnes ayant le droit de vote sont automatiquement inscrites sur les listes électorales dans leur commune de résidence.
Le 14 septembre 2019, il y avait des élections locales en Norvège. A Bergen, la deuxième plus grande ville de Norvège, la Française Diane Berbain est réélue conseillère municipale pour son deuxième mandat. Elle est nommée vice-présidente de la commission de la santé et des affaires sociales du conseil municipal de Bergen.
En Norvège, le gouvernement cherche à faire participer tous les habitants, Norvégiens et résidents étrangers, au processus démocratique. Dans le parti de Diane Berbain, deux immigrés qui n’ont pas la nationalité norvégienne ont été choisis en tête de liste : un Danois, Mikkel Grüner, qui vit à Bergen depuis 1989, et Diane Berbain, résidente depuis 2004. Tous les deux sont élus au conseil municipal de Bergen depuis quatre ans déjà, la durée d’un mandat en Norvège.
Participation à la vie locale
Avoir la possibilité de s’engager dans la démocratie locale, pour son quartier et pour sa ville est un moyen important pour l’intégration. Les étrangers en Norvège font partie de la communauté locale où ils s’installent. Ils ont les mêmes responsabilités et les mêmes devoirs que les Norvégiens. En outre, le droit de vote aux étrangers contribue à pousser les politiciens à être attentifs à tous les habitants, ce qui ne peut que nourrir positivement une démocratie.
Le gouvernement norvégien appelle les communes à passer à l’action pour essayer d’augmenter la participation des immigrés aux élections. Les immigrés naturalisés et les étrangers doivent être conscients de l’importance de voter, pour avoir une voix et de l’influence démocratique sur les décisions locales qui les concernent directement, comme par exemple l’infrastructure de la commune, les impôts locaux, la politique scolaire, l’aide aux personnes âgées et le programme culturel.
Regardons maintenant la situation des étrangers en France. Moi, je suis Norvégienne résidente dans la commune du Relecq-Kerhuon, dans le Finistère, depuis 2012. Je paie des impôts locaux, je peux m’inscrire dans les associations, participer à tous les événements, m’engager pour tous les projets de la ville, mais je n’ai pas le droit de vote aux élections locales et je n’ai même pas eu le droit de participer à une consultation citoyenne.
Je m’engage dans la vie politique de ma ville. Dès mon arrivée en 2012, j’ai suivi dans le public les séances du conseil municipal. Après les élections de 2014, j’ai été sollicitée par le conseil municipal pour siéger avec voix consultative à la commission petite enfance, enfance, vie scolaire, jeunesse.
Emmanuel Macron pas favorable au droit de vote des étrangers
C’est donc évident qu’une étrangère comme moi participe à la vie de la ville. Alors pour quelle raison la France n’accorderait-elle pas aux étrangers le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales, quel que soit leur pays d’origine ?
Réserver le droit de vote aux étrangers de l’UE a pour conséquence que les Britanniques résidant en France ont perdu le droit de vote et d’éligibilité au moment du Brexit. Les plus de 700 élus britanniques aux conseils municipaux en France peuvent garder leur mandat jusqu’aux élections des 15 et 22 mars 2020, mais ils n’ont plus le droit de se représenter.
Cela fait dix-neuf ans que les étrangers ressortissants de l’UE résidant en France peuvent participer à la démocratie locale. Dans ce contexte, je trouve intéressant qu’une enquête très récente (Harris interactive, 01/2020) montre que 62 % des Français sont favorables à l’extension du droit de vote aux élections locales aux étrangers non membres de l’UE vivant en France. C’est le plus haut niveau de réponses favorables depuis le début de ces enquêtes en 1994, et 4 points de plus qu’en 2018.
Le président Emmanuel Macron, interrogé à une réunion du grand débat à Evry-Courcouronnes le 4 février 2019, a confirmé qu’il n’était pas favorable au droit de vote des étrangers. Il veut plutôt que les étrangers résidant en France demandent la nationalité française. Mais qu’en est-il des étrangers de l’UE ?
Comment le président Macron justifie-t-il que seulement certains étrangers en France aient le droit de vote aux élections locales et que les autres doivent se faire naturaliser français pour obtenir ce droit de vote ? Pourquoi la France a-t-elle une vision si différente de celle de la Norvège sur l’importance de faire participer tous les résidents, y compris les étrangers, aux processus démocratiques ? Je voudrais bien avoir une réponse à ces questions !
Mechthild Haugland
Psychologue retraitée, Norvégienne et résidente en France