Accords et désaccords en Seine-Saint-Denis
Dans plusieurs villes du 93, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon a choisi de fusionner dès le premier tour des élections municipales avec le PCF. Des unions critiquées par les insoumis présents sur des listes citoyennes concurrentes, qui y voient des manœuvres politiciennes.
Un restaurant branché, un matin ensoleillé à Bagnolet. Ce 7 février, l’insoumise Raquel Garrido et le communiste Laurent Jamet présentent à la presse leur duo pour les municipales. Autour de la table, deux styles, deux gauches : elle, primesautière, prône haut et fort la légalisation du cannabis ; lui, sibyllin, fixe son expresso, loin d’être convaincu.
Le trésorier du PCF séquanodionysien n’a jamais été un aficionados de Mélenchon. La franc-tireuse « populiste », pourfendeuse de « l’ancien monde [politique] rebutant », n’a jamais été fan des « cocos » à l’ancienne. Mais pour reprendre « Bagnolet la rouge », tombée dans l’escarcelle du socialiste Tony Di Martino en 2014, chacun a fait un pas vers l’autre. Au communiste la mairie ; à l’insoumise un siège à la métropole du Grand Paris et à l’intercommunalité Est-Ensemble.
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« On veut faire du neuf avec du vieux », plaide Raquel Garrido qui mettra sa notoriété médiatique de chroniqueuse TV au service de Laurent Jamet. En échange, elle lui a vendu sa « charte éthique », avec dedans, la fameuse « révocabilité des élus ». Du donnant-donnant pour espérer finir gagnant-gagnant.
La France insoumise (LFI) et le Parti communiste français (PCF), main dans la main en Seine-Saint-Denis pour les municipales ? L’attelage a de quoi fait rire jaune ceux qui se souviennent des élections législatives de 2017.
À l’époque, le PCF et LFI partaient dans un duel à mort sur le département. Avec au bout du compte, la victoire par KO de cinq députés insoumis, dopés par les excellents scores de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle dans le 93. Parmi eux, trois ambitieux, bien décidés à planter le drapeau insoumis sur la Petite Couronne : Éric Coquerel, élu sur la circonscription de Saint-Denis-Epinay-Saint-Ouen ; Alexis Corbière, élu sur la circonscription Montreuil-Bagnolet ; et Bastien Lachaud, élu sur la circonscription de Pantin-Aubervilliers.
Mais rien ne s’est passé comme prévu. Oublié, les velléités de détrôner un Parti communiste en déclin dans la banlieue rouge. Aujourd’hui, c’est un drôle de bazar qui s’est installé en Seine-Saint-Denis pour ces élections municipales.
À l’ouest du département, sur Saint-Denis et Saint-Ouen, les insoumis partiront adversaires des communistes le 15 mars prochain. Ailleurs, les anciens frères ennemis roulent ensemble. À Bagnolet, Montreuil, Pantin ou Aubervilliers, le comité électoral de LFI a validé les accords de premier tour avec le PCF selon une logique d’union de la gauche tout ce qu’il y a de plus traditionnel : avec apposition de logos sur les affiches et répartition des places.
Au PCF, qui espère garder ses bastions historiques et reconquérir Bobigny et Bagnolet, on se frotte les mains. Mis à part sur la circonscription d’Éric Coquerel où LFI fait de la résistance, les insoumis se sont rangés sans barguigner derrière les rouges : « Pour eux, c’est le début de la sagesse », biche le député PCF Stéphane Peu. L’homme fort des communistes du département se félicite de ce changement de ton d’une formation politique qui, après s’être crue hégémonique, s’est associée au PCF et au PS pour faire réélire le maire de Montreuil, Patrice Bessac.
À La France insoumise, c’est une autre histoire. On s’interroge : pourquoi avoir abandonné sans coup férir la plupart des villes du département à un PCF qu’on voulait remplacer il n’y a pas si longtemps ? Éric Coquerel rappelle la claque des européennes. Depuis les 6 % obtenus en juin dernier, plus personne n’oserait jouer les cadors.
Sauf que les résultats sur le 93 n’ont pas été si mauvais. Dans le département, ils ont presque atteint le double de la moyenne nationale. Et chaque fois, LFI est arrivée loin devant la liste du communiste Ian Brossat.
Alors, une atmosphère de suspicion s’est installée dans une partie des troupes de Seine-Saint-Denis. Ces « tambouilles » d’appareils, dénoncées avec force et constance par Jean-Luc Mélenchon, ne serviraient-elles pas des desseins très personnels ? Les trois députés du coin auraient-ils eu, de leur Olympe, quelque influence sur ce changement de pied stratégique ?
C’est la thèse de plusieurs dizaines de sympathisants et militants locaux qui publient, ce jour, une tribune pour « dénonc[er] la trahison de la révolution citoyenne » [1], selon eux sacrifiée sur l’autel de l’« électoralisme ». Ou du moins, d’une stratégie aux petits pieds, destinée à sauver les meubles d’un mouvement en perte de vitesse [2].
Loin des ambitions initiales de « radicaliser la démocratie » via la constitution de listes citoyennes, le comité électoral aurait préféré assurer un maximum d’élus dans les exécutifs locaux. Quitte à débrancher une partie de sa base, partie bille en tête sur le contrat de départ. « Les appareils anciens ont repris le dessus, on n’a pas réussi à avoir le rapport de force nécessaire à imposer les listes citoyennes », reconnaît Éric Coquerel.
Mais tout le monde ne l’entend pas de cette oreille. Depuis le mois de janvier, c’est la bagarre. Avec d’un côté, les insoumis présents sur les listes d’union investies par le national ; de l’autre, les partisans de « listes citoyennes », qui ont refusé d’entrer dans le jeu des alliances et se retrouvent « dissidents » malgré eux – même s’il est, de fait, impossible d’exclure des militants qui ont adhéré en un clic sur Internet.
Illustration à Bagnolet, où le torchon brûle entre Édouard Denouel, haut fonctionnaire, qui mène la liste « Bagnolet en commun », et Raquel Garrido. Fini le temps où l’un et l’autre se tournaient autour, sous l’œil bienveillant du député Alexis Corbière, pour voir ce qu’ils pourraient faire ensemble.
Aujourd’hui, Raquel Garrido se bouche les oreilles à la simple évocation de son rival. Édouard Denouel décrit une insoumise « isolée », davantage mue par ses « ambitions personnelles que par les valeurs initiales » du mouvement. La fédération populaire, mélange de partis politiques et de citoyens appelée de ses vœux par Jean-Luc Mélenchon, c’est lui, pas elle, qui la mettrait en œuvre. La preuve par sa liste, composée à un tiers de politiques (EELV, Génération·s, ainsi que neuf insoumis) et aux deux tiers, de citoyens lambda, militants d’associations écolos ou véganes, habitants engagés dans les mobilisations pour les HLM de la ville, et même, une championne de sabre en lice pour les JO…
Le haut et le bas
Insoumis d’en bas versus insoumis d’en haut : c’est aussi le récit que certains militants de Montreuil racontent. À l’instar de Franck Boissier, ancien proche d’Alexis Corbière. Après avoir persuadé le fidèle lieutenant de Jean-Luc Mélenchon de venir se faire élire à Montreuil en 2017, il a coupé les ponts. Moins pour des questions stratégiques que pour des questions de méthode.
Franck Boissier donne sa version de l’histoire : LFI qui amorce, à l’automne, une démarche de liste citoyenne derrière ses deux chefs de file. Et puis qui se retrouve soudain à choisir de soutenir Patrice Bessac dès le premier tour, au terme d’un vote organisé le 29 janvier. Un scrutin selon lui « contestable » : « Ce jour-là, affirme-t-il, beaucoup d’insoumis ont tourné les talons avant même d’avoir voté : ils se sont aperçus que tout avait été ficelé derrière leur dos. Le deal à Montreuil et Bagnolet, c’est : les villes au PCF, la circonscription à LFI en 2022. »
Jeudi 13 février, le couvercle de la cocotte-minute montreuilloise a sauté, avec la publication d’un communiqué au vitriol signé par 17 insoumis, dont Pierre Vila, co-chef de file. Ils vilipendent, eux aussi, les « méthodes, conduites par quelques politicien.ne.s formé.e.s aux vieilles pratiques manipulatoires, réuni.e.s autour du député de la circonscription et de son cabinet » (lire dans l’onglet « Prolonger »). Dans la foulée, ils ont envoyé une lettre au comité électoral pour réclamer le retrait du soutien à la liste de Patrice Bessac, au nom, notamment, de points programmatiques problématiques.
Joint par Mediapart, Alexis Corbière réfute avoir joué des coudes lors de l’assemblée générale houleuse du 29 janvier, et dénonce l’attitude de mauvais perdants, consistant « à convoquer la presse pour étaler ses rancœurs alors qu’il y a eu un vote » : « À Montreuil, il y avait une difficulté à faire exister une liste indépendante au premier tour, même s’il est vrai qu’il y a un an, je n’étais pas fermé à cette éventualité », avance le parlementaire, qui n’a pas toujours été tendre avec Patrice Bessac au cours de sa mandature.
« Le débat est compliqué, mais on ne fait pas de la politique de chambre : comment aurait-on fait comprendre aux électeurs que les insoumis, parmi lesquels Franck Boissier, étaient élus dans la majorité sortante et qu’ils se présentent aujourd’hui contre elle ? », poursuit-il. On cite le cas de Saint-Denis, où la tête de liste pour LFI, Bally Bagayoko, se présente contre le maire dont il était l’adjoint. Une « spécificité locale », balaie l’élu.
Quelques kilomètres plus loin, la situation n’est pas plus simple. À Aubervilliers, La France insoumise a vécu un joli printemps : 16 % aux européennes, soit plus du double du score national. Mais l’hiver a été rude.
Le mouvement avait commencé à construire une liste citoyenne contre la maire communiste sortante [3], très critiquée par les insoumis locaux. Le 14 janvier, virage à 180 degrés : un vote a acté une fusion avec la gauche (PCF, LFI, Europe Écologie-Les Verts, et le Parti radical de gauche). Au plus grand « bonheur » de l’édile, Meriem Derkaoui. À la surprise de ceux qui se souviennent d’un Bastien Lachaud qui répétait pendant des mois qu’Aubervilliers était gagnable…
Résultat, là encore, les insoumis sont éparpillés façon puzzle, entre la liste dite citoyenne « Aubervilliers en commun » et la liste unitaire (voir ci-dessous). « Pendant qu’on tentait de former une liste citoyenne, des négociations avaient lieu en parallèle entre Bastien Lachaud et Meriem Derkaoui. On a été mis à l’écart de la prise de décision. C’est dommage car sinon, nous aurions trouvé un consensus », affirme Lætitia Pison, ancienne candidate sur la liste de Manon Aubry aux européennes. Refroidie par « les choix électoralistes du national », elle a décidé de quitter l’organisation.
Bastien Lachaud, lui, nie toute ingérence dans les affaires albertivillariennes qu’il dit avoir découvertes à son retour de vacances de Noël : « J’ai suivi le choix des insoumis locaux, et je trouve que c’est un bon choix. Nous aurons un nombre d’élus en cohérence avec notre ancrage local et sur un programme qui est le nôtre, car nous avons obtenu des avancées : la mise en place d’un référendum d’initiative citoyenne en est une. »
Sur la ville mitoyenne de Pantin, le député n’a pourtant pas davantage convaincu. Il faut dire que dans cette commune passée du rouge au rose en 2001, l’ambiance est depuis longtemps à couteaux tirés. Après son parachutage contesté aux législatives [4], l’hémorragie militante avait amoindri les troupes (fournies) des insoumis pantinois. Le mouvement des « gilets jaunes », très fort à Pantin [5], a réveillé les espoirs de la gauche locale : peut-être, quelque chose d’exaltant arriverait enfin...
Mais là encore, un conflit de légitimité s’est installé entre les labellisés et les dissidents. Qui sont les plus insoumis des deux : les détenteurs du logo, ou ceux qui portent la voix des gilets jaunes ?
Rapidement, le divorce est acté : la liste de rassemblement (LFI, PCF, Génération·s) menée par l’insoumise, ex-porte-parole nationale du PS, Nadège Abomangoli, et la liste « Nous sommes Pantin », d’inspiration municipaliste, partent chacune dans leur couloir. Et se rejettent l’une l’autre la faute de la division.
« Lachaud a torpillé la liste citoyenne à Aubervilliers, il nous a torpillés à Pantin », accuse Yazid Arifi, membre du collectif « Nous sommes Pantin » qui peut s’enorgueillir d’une belle « prise » : l’ancienne suppléante du député, qui sera sur la liste. Puis, sévère : « LFI est une étiquette, elle se vend au plus offrant et délaisse les citoyens qui deviennent, au mieux des figurants, au pire des faire-valoir. »
Son copain Siegfried Gautier, ex-insoumis local ayant tourné casaque après les législatives, ironise : « Il n’y a pas si longtemps, LFI piétinait les militants locaux s’ils nouaient des alliances avec d’autres organisations de gauche. Maintenant, elle piétine les militants s’ils refusent les cartels imposés par en haut. »
Nadège Abomangoli, elle, soupire : « Ces gens se plaignent, mais ils n’ont pas pris part au cadre de discussions mis en place. » Elle souligne le côté « libertaire et municipaliste » de « Nous sommes Pantin », par nature plutôt rétif aux accords politiques. « Et puis, ajoute l’ancienne socialiste, la course à la pureté, très peu pour moi. »
Passage obligé d’une campagne municipale, ou énième crise majeure dans un mouvement qui ne cesse, depuis 2017, de se disloquer [6] ? Difficile de dire quelles traces laisseront ces guerres entre insoumis au cœur de l’important réservoir militant et électoral qu’est la Seine-Saint-Denis.
Certains parlent de « schisme » ; d’autres sont moins pessimistes. À Aubervilliers, Guillaume Lescaut, le chef de file insoumis, et Lætitia Pison se renvoient la balle sur le nombre de militants qui ont déserté de part et d’autre. Guillaume Lescaut reconnaît néanmoins que le départ de l’ancienne candidate aux européennes « est une vraie perte ».
À Montreuil, plus d’une vingtaine d’insoumis auraient levé le pied. En attendant la suite, certains sont partis militer ailleurs le temps de la campagne : « Pour l’instant, je ne quitte pas La France insoumise, confie Franck Boissier. Mais je ne peux pas cautionner les méthodes de certains représentants locaux. » Alexis Corbière, lui, essaie d’arrondir les angles : « Il faut arrêter cette œuvre d’autodestruction, et se concentrer sur la cause ! »
De l’autre côté de l’A3, Édouard Denouel est amer : « LFI, c’est fini. Le comité électoral fait l’inverse de ce que prône le mouvement, ce qui le décrédibilise dans son ensemble. » À Pantin, Bastien Lachaud se rassure, affirmant que les troupes insoumises ont repris des plumes du fait de la mobilisation contre la réforme des retraites.
Yazid Arifi, lui, est désabusé. Il votera « quand même » Mélenchon en 2022. Un potentiel candidat à la prochaine présidentielle qui, prudent, s’est tenu à bonne distance de ces municipales aux allures de bourbier.
Pauline Graulle
• MEDIAPART. 15 FÉVRIER 2020 :
https://www.mediapart.fr/journal/france/150220/france-insoumise-accords-et-desaccords-en-seine-saint-denis?onglet=full
Les articles de Pauline Graulle sur Mediapart :
https://www.mediapart.fr/biographie/pauline-graulle
A Aubervilliers, l’alliance entre citoyens et insoumis échoue
Dans cette ville de Seine-Saint-Denis, le collectif citoyen « 100 % Auber » fait désormais cavalier seul et La France insoumise a rallié la liste communiste de la maire sortante. En cause : des « désaccords de fond » et le choix de l’union de la gauche.
C’était la première véritable assemblée de campagne depuis les turbulences de décembre. Dans le local du 28 de la rue Léopold-Réchossière, le 23 janvier dernier, ils sont une quinzaine de la liste Aubervilliers en commun à s’être réunis dans cet ancien fast-food converti en QG. Au mur, il y a encore des panneaux lumineux affichant les menus et des affiches avec le logo de La France insoumise (LFI). « Faut pas faire attention, il y a encore la LFI, elles sont anciennes, on va bientôt recevoir les nouvelles », précise Nabila Djebbari, membre du collectif 100 % Auber.
Beaucoup de choses se sont passées depuis le 16 novembre et le lancement de la campagne au théâtre d’Aubervilliers, en présence notamment du député insoumis Bastien Lachaud. Toutes les sensibilités qui composaient la liste s’étaient exprimées ce jour-là. Tous les militants avaient déclaré leur enthousiasme d’être ensemble et de faire campagne au sein du mouvement pour ravir le siège de maire à la communiste Meriem Derkaoui.
Tout le monde ne se connaissait pas, tout le monde ne se comprenait pas forcément aussi mais l’attelage politico-citoyen était bien là, derrière le candidat et citoyen Zishan Butt. Il aura tenu à peine un mois.
Ce soir-là, quand la tête de liste arrive au local de campagne, Khir-Din Grid, membre de 100 % Auber, explique qu’il serait opportun de rappeler ce qu’il s’est passé en décembre car « il y a eu du mouvement ». Un petit silence s’installe. Zishan Butt finit par prendre la parole. Il choisit ses mots.
« Quand on a démarré, le 16 novembre au théâtre de la Commune, on a vraiment pensé qu’une liste citoyenne soutenue par des partis, ça allait donner de la crédibilité. On a fait les choses à fond mais par la suite, quelques personnes chez LFI ont essayé d’accaparer la formation », raconte la tête de liste, médecin de formation.
Selon lui, le député de la circonscription, l’insoumis Bastien Lachaud, « voulait [sa] tête » : « LFI a posé un veto sur chaque candidat qu’on proposait. On a donc acté ce désaccord. On a passé de bons moments, ce désaccord a été acté sans rancune aucune. LFI a rejoint la maire et nous, nous continuons. Nous continuons à rassembler. On a créé de l’espoir et faut aller jusqu’au bout. »
Ce qu’explique Zishan Butt ce soir-là, c’est que très vite, au sein du mouvement, des divergences ont créé des tensions entre les membres du collectif 100 % Auber – dans une démarche citoyenne – et ceux de LFI. Les divergences, entre autres, portaient sur le degré d’investissement de chacun dans le cadre des mobilisations contre la réforme des retraites.
Résultat : ces tensions ont conduit la tête de liste Zishan Butt à tenir des propos insultants à l’égard d’une membre de LFI, à l’occasion d’une conversation qui aurait été enregistrée par un insoumis.
Pour permettre au mouvement de survivre, Zishan Butt a accepté de ne plus être tête de liste mais ça n’a pas suffi à sauver l’alliance.
LFI évoque des divergences de fond
Du côté de LFI, Bastien Lachaud n’a pas souhaité s’exprimer : « Je pense que les insoumis d’Aubervilliers sont plus à même que moi de vous expliquer ce choix. » Interrogé à nouveau par Mediapart, il explique : « J’ai suivi le choix des insoumis locaux, que j’ai découvert au retour de mes vacances de Noël et je trouve que c’est un bon choix. Nous aurons un nombre d’élus en cohérence avec notre ancrage local et sur un programme qui est le nôtre. »
Chef de file insoumis à Aubervilliers, Guillaume Lescaut évoque des divergences de fond avec le collectif citoyen 100 % Auber. « Quand on discutait au début, les divergences ne sont pas apparues et on ne les a pas vues venir. Les problèmes de comportement vous savez, c’est surmontable, ce n’est pas ce qui est au cœur du départ de LFI, ce sont plutôt les divergences de fond… »
Les remplaçants proposés comme tête de liste ne les ont pas davantage convaincus, selon lui. Résultat, lors d’une assemblée générale, « dans un souci d’union de la gauche, les insoumis ont choisi de rejoindre la liste communiste, sous conditions de certaines garanties programmatiques comme le RIC communal ou le petit-déjeuner gratuit. Et puis, il faut préciser que ce n’est pas surprenant de s’allier avec le PCF, c’est loin d’être un de nos adversaires idéologiques ».
Pour autant, il croit toujours à l’alliance entre citoyens et partis politiques : « À Aubervilliers, ça n’a pas fonctionné parce que les citoyens n’avaient pas les mêmes convictions que nous. »
Pourtant, certains insoumis ont fait le choix de rester dans le mouvement citoyen, comme Laetitia Pison qui a été candidate de La France insoumise aux dernières élections européennes. Elle regrette que les militants aient été tenus à l’écart de la décision prise par LFI de quitter la liste Aubervilliers en commun.
« On a été mis devant le fait accompli, nos chefs de file ont travaillé directement avec le député. La réunion qu’ils appellent assemblée générale a été décidée du jour au lendemain », dénonce l’ancienne candidate.
Si elle ne cache pas sa déception et a failli laisser tomber, Laetitia Pison a finalement choisi de continuer à mener campagne : « Je suis tombée de haut car pour moi tout se passait bien, alors je me suis mise un peu en retrait… Et puis, j’ai vu des insoumis qui restaient dans le mouvement citoyen, comme j’adhère à son fonctionnement, je suis revenue. »
Aujourd’hui, si elle a décidé de quitter totalement LFI, sur le plan local comme national, elle précise ne nourrir aucune rancune et a la « tête dans le guidon » : « On essaie de maintenir des actions tous les jours, on a l’impression d’avoir perdu du temps mais ça fait quelques jours que l’on a des retours positifs, on y croit ! »
L’heure est à la planification des tractages et au passage en revue de tous les événements qui auront lieu dans la commune : « Vous avez regardé Aubermensuel [le journal municipal – ndlr] ? Parce qu’il y a plein de trucs hein ! », conseille Évelyne Yonnet-Salvator, ancienne sénatrice PS en rupture avec son parti.
Khir-Din Grid insiste de son côté sur l’importance de travailler son réseau : « Le premier tour c’est bientôt, il faut qu’autour de vous, vos familles, vos proches, soient sensibilisés à ce qu’on prépare pour Auber en commun. »
Mercredi 5 février, il y avait du monde au 28 de la rue Leopold-Réchossière pour l’inauguration du QG de campagne. Les rangs étaient serrés et les nouvelles affiches étaient arrivées. Sans le logo LFI.
LATIFA OULKHOUIR (BONDY BLOG)
• MEDIAPART. 15 FÉVRIER 2020 :
https://www.mediapart.fr/journal/france/150220/aubervilliers-l-alliance-entre-citoyens-et-insoumis-echoue