Les salaires, rentes et revenus des indépendant·e·s et intermittent·e·s doivent être garantis à 100%, en dernier ressort par des fonds fédéraux et ce quoi qu’il en coûte. Le recours à la grève doit être rendu possible pour les personnes contraintes à continuer de travailler dans des entreprises non-essentielles. Des solutions de garde gratuites respectant les normes sanitaires doivent être mises à disposition de toutes celles et tous ceux qui devront continuer à travailler. Des mesures exceptionnelles de protection du personnel doivent s’appliquer pour les secteurs où le maintien de l’activité est essentiel pour la santé publique ou la vente des biens et services de première nécessité.
Les droits démocratiques, en particulier d’information et d’expression doivent être garantis. Des dispositifs pour que les pouvoirs législatifs puissent continuer à jouer un rôle de contrôle démocratique sans obligation de réunions physiques doivent être mis en place rapidement. Le droit de référendum et d’initiative doit être maintenu, en prolongeant les délais de récolte des textes qui circulent d’ores et déjà.
La Confédération et les Cantons ont promis des milliards pour protéger l’activité économique suisse durant la crise. La priorité placée sur la préservation de la production au détriment de la santé de la population est inhumaine et mortifère. À l’heure actuelle, l’enjeu n’est pas de préserver la production économique mais bien de sauver des vies humaines.
Il s’agit d’éviter que notre système sanitaire ne se transforme en médecine de guerre et que l’on n’ait plus les moyens de soigner les personnes les plus fragiles. Soumis à une pression extrême, le personnel de santé devrait alors assumer une charge de travail inhumaine dans des conditions de sécurité très insuffisantes. Il se verrait également confronté à une charge émotionnelle insupportable : celle de voir mourir des milliers de personnes et d’être astreint à laisser mourir une partie de ses patient-e-s.
Face à la lenteur des autorités, vingt-cinq des meilleurs spécialistes du pays ont lancé ce week-end un cri d’alarme : « Une transmission interhumaine soutenue du nouveau coronavirus en Suisse semble aujourd’hui inévitable […] Les mesures en vigueur sont loin d’être suffisantes […] La pression excessive attendue sur le système de santé et ses employés entraînera des taux de mortalité plus élevés […] Chaque jour compte […] Nous vous demandons de déclarer une ‘situation extraordinaire’ conformément à la loi sur les épidémies et de décider de mesures d’endiguement de grande envergure ».
Ce n’est toujours pas l’option privilégiée par les autorités fédérales à ce jour, alors que la pandémie flambe. En effet, les décisions prises ne permettent pas de freiner suffisamment et de surveiller la progression de la pandémie en Suisse ni de s’adapter à l’évolution très rapide de la situation. Pour cela, le gouvernement doit réquisitionner l’industrie pharmaceutique et l’astreindre à travailler en priorité sur la production de tests et de médicaments nécessaires à la lutte contre la pandémie. Il doit aussi organiser la production des masques nécessaires en grand nombre dans les plus brefs délais.
La lenteur et les hésitations du Conseil fédéral reflètent son obsession pour les conséquences économiques d’un plan d’action radical, alors que l’inaction menace chaque jour de coûter toujours plus cher à la population en termes de souffrances et de pertes humaines. Annoncer la fermeture des frontières est inefficace, dès lors que le virus est déjà là et que des milliers de travailleurs·euse·s vont être contraint·e·s de continuer à la traverser chaque jour. Elle est également inhumaine, puisqu’il s’agit de refuser l’accueil à des personnes qui fuient la guerre, les famines ou toute autre crise socio-sanitaire.
Annoncer la fermeture des établissements scolaires sans y associer une fermeture généralisée des secteurs d’activité non indispensables n’est pas à la hauteur de la situation. Aujourd’hui 17 mars, les enfants continuent de fréquenter les crèches et les écoles publiques par milliers, parce que leurs parents sont contraints de travailler dans des secteurs pourtant non indispensables. Ceux-ci continuent de remplir les transports en commun aux heures de pointe et de se rencontrer sur les lieux de travail. Globalement, un grand brassage quotidien continue, la propagation du virus avec lui. Dans ces conditions, l’application stricte des mesures d’hygiène et de distance sociale est impossible. C’est pourquoi toutes les activités non-essentielles à la santé publique et au fonctionnement minimal de la société doivent être interrompues.
Nous ne sommes pas égaux·ales face à cette crise sanitaire. Pour les travailleur·euse·s , celles et ceux qui travaillent dans l’industrie, sur les chantiers, la « solution miracle » du télétravail n’est pas une option. C’est pourquoi ces activités doivent être impérativement stoppées en attendant la fin de la pandémie. Appeler en boucle à la responsabilité individuelle de chacun·e d’entre nous, sans déployer conjointement de mesures globales qui permettraient une réelle responsabilité collective, n’est pas acceptable. Les personnes les plus fragilisées socialement par notre système capitaliste, raciste, sexiste se retrouvent une fois encore les plus vulnérables, puisqu’elles sont surreprésentées dans la précarité extrême : femmes, personnes non-blanches, personnes LGBTIQ, personnes migrantes, les familles monoparentales, les personnes âgées. Dans une société où l’essentiel du travail de soin aux personnes fragilisées repose sur les femmes, les appels à la solidarité volontaire ne suffisent pas. Plus que jamais, le travail ménager et de soin, ainsi que sa répartition non-genrée, sont une responsabilité collective qui nous concerne toutes et tous.
En cette période particulièrement dramatique, la défense du bien commun doit être notre priorité absolue. La Suisse a largement les moyens d’élaborer un plan de développement massif de la santé publique et des prestations sociales pour surmonter cette crise sanitaire et sociale. Il faut rapidement engager des changements profonds pour rompre avec notre modèle de production si nous voulons combattre l’irruption de nouveaux germes pathogènes et la diffusion de nouvelles pandémies mondiales, tant il existe des liens entre ce modèle de société et les catastrophes sanitaires et environnementales. Il en va de même avec la perspective d’engager un plan d’urgence contre le réchauffement climatique et la défense de la biodiversité.
Au-delà, nous appelons les forces progressistes du pays à tout mettre en œuvre pour lutter contre la mondialisation néolibérale menée au pas de charge par les multinationales de ce pays et leurs représentant-e-s au gouvernement, qui met en cause la stabilité du climat, la biodiversité et la sécurité sanitaire de la planète. L’irruption de nouveaux germes pathogènes et la diffusion de nouvelles pandémies mondiales a en effet partie liée avec un modèle économique qui a pour seule finalité l’expansion du profit privé.
POUR FAIRE FACE À LA CRISE ACTUELLE, SOLIDARITÉS REVENDIQUE LES MESURES SUIVANTES :
Prendre les mesures de protection qui s’imposent
- La fermeture immédiate de tous les secteurs d’activité non essentiels à la santé publique et au fonctionnement minimal de la société. Nous devons aller plus loin que la fermeture des lieux de formation, des commerces non alimentaires, de restauration, d’hôtellerie et de loisirs. Il faut désormais mettre en arrêt les secteurs économiques publics et privés qui peuvent être interrompus sans que cela n’ait d’impact sur la santé publique et les besoins de base de la population ;
- La limitation des horaires d’ouverture des commerces de première nécessité de 10h à 17h, avec une heure de fermeture pour le réassort, pour protéger la santé des travailleuses·eurs de la vente ;
- Pour les entreprises et services maintenus en activité, la prise en charge par l’État des mesures de protection du personnel et de prévention des risques de contamination pour la population, impliquant les autorités de contrôle et l’inspection du travail, qui doit voir sa capacité d’action renforcée en direction des entreprises et services maintenus en activité ;
- L’octroi de tous les moyens financiers et humains nécessaires pour garantir l’approvisionnement et la gratuité de toutes les mesures préventives, de tests et de soins relatifs au COVID-19, tout en garantissant la prise en charge des autres personnes malades et accidentées ;
- Le renforcement massif et immédiat des services publics de la santé et la mise sous contrôle public du secteur sanitaire privé, pour garantir un droit au meilleur traitement pour toutes et tous et à la prise en charge égale de tou·te·s les malades, ainsi que de meilleures conditions de travail pour le personnel soignant ;
- L’accès gratuit à un système de garde d’enfants respectant toutes les normes de sécurité actuelles pour celles et ceux qui travaillent dans les secteurs essentiels, en particulier pour le personnel de vente et de santé ; pour toute personne qui doit garder des enfants, le droit indéterminé au congé ainsi que l’interdiction de contraindre au télétravail durant la période de garde ;
- L’instauration d’un droit de retrait universel, c’est-à-dire la possibilité pour tout·e travailleur·euse qui se sentirait menacé·e sur son lieu de travail de s’en éloigner pour préserver sa santé et sa personnalité.
Renforcer la protection sociale
- La garantie, par l’État, du versement des salaires et des rentes à 100% ainsi que la garantie des rentes et revenus des indépendant·e·s et intermittent·e·s du spectacle durant toute la durée de la crise, en dernier ressort par des fonds fédéraux, et ce quoi qu’il en coûte ; L’octroi d’une prime de risque pour tou·te·s les travailleur·euse·s qui doivent continuer de se rendre sur leur lieu travail durant la crise sanitaire, parce que leur présence est indispensable (services indispensables) ;
- l’interdiction des licenciements durant la période de crise et la garantie du droit de faire grève, notamment pour les personnes contraintes d’exercer une activité non essentielle au fonctionnement minimal de la société ;
- L’extension du droit au chômage pour les travailleur·euse·s en contrat à durée déterminée, auxiliaire ou autres conditions précaires, la suspension de l’obligation de chercher un emploi pour toucher les indemnités du chômage. Dans l’attente de ces garanties, nous demandons la suspension du paiement des loyers ;
- L’intégration des syndicats aux processus de décisions ayant un impact sur les travailleur·euse·s et au suivi de la gestion de la crise, ainsi que le droit pour les syndicats d’accéder à tous les lieux de travail en activité pour informer les travailleur·euse·s de leurs droits ;
- Le recours généralisé à la license obligatoire (suspension des droits liés à la propriété intellectuelle). La puissante industrie pharmaceutique suisse qui vient de bénéficier d’allègements fiscaux massifs au titre de la RFFA ne doit pas profiter de la crise sanitaire. Ces licences obligatoires doivent être mises à disposition des autres Etats ;
- Un plan national de réquisition et de réorientation de la production de certaines entreprises pour permettre la production massive de matériel sanitaire supplémentaire (respirateurs, masques, etc) en Suisse ;
- La mise en place immédiate d’un plan public national de recherche sur les maladies virales, leur développement et leur traitement ;
- La suspension immédiate des franchises et des quote-part de l’assurance obligatoire ;
- l’instauration rapide d’une assurance maladie universelle et publique pour toutes et tous avec des cotisations paritaires proportionnelles aux salaires, sur le modèle de l’AVS, sans quote-part ni franchise ; L’instauration rapide d’une assurance maladie universelle et publique pour toutes et tous avec des cotisations paritaires proportionnelles aux salaires, sur le modèle de l’AVS ;
- Un renforcement massif de l’AVS pour faire face à la dégringolade prévisible du 2e pilier, causée par l’effondrement des marchés financiers ainsi que l’intégration des fonds du 2e pilier à l’AVS avec garantie des droits acquis.
Combattre le développement des inégalités lié à la crise sanitaire
- Une organisation féministe du travail reproductif pendant la crise et au-delà, car les appels à la solidarité individuelle sont insuffisants. La garde des enfants, les services rendus à nos proches fragilisés ou à nos voisin-e-s à risque ne sont pas la responsabilité des seules femmes mais de notre collectivité ;
- La suspension des échéances scolaires et universitaires. Il est essentiel que les systèmes éducatifs assurent aux élèves le maintien d’un cadre d’apprentissage et des activités pédagogiques et scolaires malgré l’éloignement. L’Etat doit veiller scrupuleusement à un accès égal pour tous aux moyens de communication numérique et aux outils pédagogiques, permettant le meilleur apprentissage possible. Mais les inégalités vont inéluctablement se renforcer dans la période de crise et il est impératif que les élèves ne soient donc pas évalué·e·s sur le travail qui sera effectué à domicile durant la période de crise ;
- La réquisition de tous les logements vides, des hôtels voire des résidences secondaires (lits froids) visant à garantir l’hébergement sécurisé des personnes dans le besoin, notamment les sans-abris ou encore les victimes de violences sexistes ou domestiques ;
- La garantie de la couverture des besoins de base (nourriture, produits d’hygiène, etc.) pour toutes les personnes en situation de précarité : la fermeture (même partielle) des associations assurant la distribution de produits alimentaires ou de repas gratuits doit être compensée ;
- La suspension de tous les renvois de migrant·e·s et de toutes les procédures liées à l’asile, ainsi que la garantie d’accès aux soins et aux normes sanitaires en vigueur pour toutes les personnes concernées : la vie actuelle dans les foyers ou dans les centres fédéraux (CFA) ne permet pas un confinement correspondant aux normes sanitaires ni à la dignité humaine ; l’accès gratuit aux conseils juridiques doivent aussi être garantis pour ces personnes ;
- La suspension de toutes les mesures de contraintes à l’égard des étrangers-ères en situation de séjour irrégulière, en particulier libération de toutes celles et ceux qui sont en détention administrative ;
- La protection particulière des travailleuse·eur·s domestiques et des nounous, particulièrement exposé·e·s aux effets économiques de la crise sanitaire en cours ;
- Une attention spécifique doit être portée aux travailleuses·eurs particulièrement exposé·e·s, fragiles et marginalisé·e·s, en particulier les travailleuses du sexe qui sont mises à la porte des « salons de massage » où elles travaillent ;
- La garantie d’accès aux soins selon les normes sanitaires en vigueur et le maintien des droits fondamentaux pour toute la population carcérale en Suisse ; la libération conditionnelle en principe pour tou·te·s les condamné-e-s au 2/3 de l’exécution de leur peine ; la mise en œuvre systématique de mesure de substitution à de la détention provisoire avant jugement, conséquence du principe de présomption d’innocence.
Garantir les droits démocratiques et la transparence de l’information
- La mise en place de dispositifs pour que les pouvoirs législatifs puissent continuer à jouer leur rôle de contrôle démocratique sans obligation de réunions physiques durant la crise sanitaire et sociale, par exemple en activant un système de délégations réduites et proportionnelles pour chaque groupe politique, ou encore un système de vidéoconférence. Laisser la seule gestion de la crise aux gouvernements, qui ont montré leur incapacité à y faire face jusque-là, constitue une dérive autoritaire grave et dangereuse ;
- La préservation absolue des droits fondamentaux, notamment d’expression et d’interpellation publique, également pour le personnel soignant et les autres personnes engagées au cœur de la gestion de crise. Cette revendication implique la mise à disposition gratuite et universelle d’outils et logiciels informatiques permettant les échanges entre les personnes malgré la distance ;
- La transparence, ainsi que l’accès gratuit et universel à l’information sur l’évolution de la pandémie, ainsi que les mesures prises par les autorités, dans toutes les langues pratiquées sur le territoire national ;
- L’accès gratuit aux télécommunications et à la connexion internet, pour garantir le droit d’expression et de réunion malgré les mesures de distanciation sociale ;
- L’auto-organisation de la population, par quartiers et par réseaux, faisant appel à des méthodes de contact et de lutte originales alternatives à celles des rassemblements de rue. Nous nous engageons en faveur de la constitution de collectifs locaux pour venir en aide aux plus vulnérables et aux personnes isolées durant la crise, ainsi qu’à discuter collectivement de la situation pour pouvoir formuler des revendications quant aux mesures à prendre.
solidaritéS prend toute la mesure de la gravité de la situation et considère l’application rigoureuse et collective des mesures de précautions sanitaires comme un acte essentiel, vital de protection de notre société et des plus fragiles d’entre nous. Mais celle-ci dépend de décisions qui doivent être prises par les autorités politiques en place, aux niveaux fédéral et cantonal notamment, de toute urgence.
Aujourd’hui plus que jamais : nos vies valent mieux que leurs profits.
solidaritéS
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