Malgré les apparences, le gouvernement français n’a pas vraiment changé de politique économique avec la crise sanitaire. Comme il a déjà été dit ici, l’irruption du Covid-19 a suspendu de facto l’économie marchande. Sans le soutien de l’État, cette dernière disparaîtrait rapidement. La priorité de l’organisation économique a changé. Jusqu’à la semaine dernière, cette organisation visait à générer du profit et favorisait largement la mobilité du capital. Depuis cette semaine, ce fonctionnement n’est plus possible.
Face à cette situation, il y a deux voies possibles. La première est de considérer la crise actuelle comme une parenthèse. Les pouvoirs publics ont alors pour tâche de maintenir l’économie marchande en sommeil en préservant son avenir. Pour cela, il faut que le capital soit protégé afin de permettre un « rebond » une fois la crise passée et un « retour à la normalité » rapide. C’est le schéma sur lequel se basent tous les instituts économiques pour calculer les chiffres de récession et de reprise. La seconde, c’est de changer de priorité et d’orienter uniquement la production vers la lutte contre l’épidémie et la poursuite du bien-être minimal des citoyens. Et cela suppose une planification et un contrôle étroits des modes de production.
Naturellement, c’est le premier modèle qui a été choisi par le gouvernement français. Une fois l’ampleur de la crise devenue évidente, Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, a lancé un immense plan de soutien aux entreprises. Dans la lignée de la politique de l’offre qu’il a toujours défendue, le ministre a accordé 38,5 milliards d’euros de reports de cotisations sociales et de taxes directes aux entreprises et un fonds de 2 milliards d’euros aux petites entreprises. Les mesures de chômage technique visent également à contourner les licenciements, non pas pour épargner les salariés, mais, comme l’a précisé le ministre lors de sa conférence de presse de lundi 16 mars, pour sauvegarder les compétences et donc la future compétitivité de l’économie française.
Certes, la crise sanitaire a obligé à des mesures de contraintes comme la fermeture des commerces « non essentiels », mais Bruno Le Maire l’avait clairement annoncé le 16 mars : la politique économique vise à « préserver la capacité de rebond de l’économie française ». Dès lors, le schéma retenu semble celui d’une reprise en « V » avec une crise courte et une reprise vive. Et, in fine, un retour à la situation précédente, où le capital régnait et imposait ses priorités.
Comment autrement comprendre non pas l’abandon mais la « suspension » des réformes néolibérales comme celle de la retraite ou de l’assurance-chômage ? Comment expliquer autrement cette garantie de 300 milliards d’euros accordée aux futurs prêts émis et la levée des coussins de protection pour les banques sinon pour « doper » la renaissance de l’économie marchande ? Comment comprendre que ce 19 mars des mesures de soutien au crédit et aux exportateurs aient été mises en place pour 12 milliards d’euros ? En parallèle des mesures de soutien inévitable, Bruno Le Maire a prévenu le 16 mars qu’il « était responsable de la solidité financière » de la France et que cela l’amenait à faire un « dosage » entre certaines propositions « trop coûteuses ». Il a ainsi écarté les droits indirects et la TVA du report des charges fiscales.
Mais cela a également une autre conséquence. Dans cette logique de « dosage », le gouvernement a besoin du maintien d’une activité marchande « classique ». C’est d’ailleurs la garantie, dans ce cas, que l’on aura bien une forte reprise en V avec une production répondant immédiatement à la demande et récupérant le temps perdu, une fois la menace passée. Pour être alors très clair : les « concessions sociales » faites au monde du travail, qui sont relativement faibles, parce que dans une logique là aussi de suspension du temps économique (maintien provisoire des droits au chômage échus en mars ou gel du décompte pour les intermittents), sont conditionnées à la poursuite de l’activité économique non pas essentielle à la vie d’une nation en lutte contre le coronavirus, mais d’une nation obsédée par le rebond de son activité économique.
Une telle stratégie suppose surtout de contraindre les salariés à travailler. Face à une urgence comme celle de cette pandémie, le gouvernement a donc décidé d’imposer un minimum de mesures contraignantes sur l’organisation des sociétés privées. Par exemple, il n’est pas question, comme évoqué en début de semaine par Les Échos, de suspendre les licenciements. Ces derniers sont en effet considérés comme nécessaires au maintien de la capacité de rebond des entreprises. L’Assemblée nationale a donc rejeté toute interdiction formelle. Le marché libre du travail doit prévaloir.
Quant aux « nationalisations » que le ministre de l’économie et des finances se prétend prêt à réaliser, ce ne sont que des mouvements capitalistiques défensifs face à la chute des marchés financiers, mais nullement des mesures d’organisations sociales. Là encore, il s’agit seulement de garder « au chaud » les entreprises pour les préparer à la reprise, un peu comme la nationalisation temporaire des chemins de fer en 1848. Or la priorité serait pourtant davantage dans la sauvegarde de l’approvisionnement en nourriture et en énergie que dans la sauvegarde de la valeur boursière d’Air France.
Mais à aucun moment il n’a été évoqué une organisation des entreprises privées à qui sont confiées ces tâches essentielles dans l’intérêt de la société. Devant les phénomènes d’achats de panique qui traduisent un manque de confiance dans l’organisation actuelle, il a été décidé au contraire de faire confiance aux sociétés privées. Ces dernières ont mis en place des mesures a minima, mais continuent de faire porter le poids de la panique sur leurs salariés en prétendant pouvoir toujours répondre à la demande, ce qui, en réalité, ne calme nullement les achats de masse puisque la crise sanitaire se poursuit.
Faire porter le poids de l’urgence aux salariés
Dès lors, le gouvernement préfère faire porter le poids de l’état d’exception sur les salariés. Dans le projet de loi d’urgence qui est négocié à l’Assemblée nationale, le volet protection des salariés, en regard de celui du sauvetage des entreprises, demeure ainsi bien maigre. Le projet de loi propose d’assouplir les délais et formalités d’information et de consultation des instances du personnel. Dans quel but ? Négocier des dispositions pour étendre le champ d’intervention des travailleurs ou discuter de modalités strictes pour assurer la santé des salariés ? Utiliser cette souplesse pour faire passer sans contrainte des plans sociaux en cours ? Rien n’est dit là-dessus.
Judith Krivine, avocate en droit du travail et responsable de la commission sociale du syndicat des avocats de France (SAF), s’inquiète : « Ce sont tous les projets de réorganisation qu’il faut suspendre ainsi que les délais préfixes, car nous n’avons plus accès aux juges, et les experts ne peuvent plus travailler. Comment avoir un avis éclairé en de telles circonstances ? », questionne-t-elle, à un moment où les entreprises ont tant besoin de dialogue et de cohésion.
Son organisation a d’ailleurs publié une lettre ouverte à Muriel Pénicaud, la ministre du travail, dans laquelle le SAF exhorte à « ne pas légiférer encore dans la précipitation, sans prendre le temps de consulter les partenaires sociaux et les praticiens du droit du travail ».
Pour le moment, la supplique n’est pas entendue. D’ailleurs, l’article du projet de loi où se nichent l’ensemble des dispositions relatives au code du travail est intitulé : « Mesures d’urgences économiques et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie de Covid-19 ». Ni mention du social, encore moins de la santé au travail, la « guerre » est simplement économique. C’est écrit noir sur blanc.
Pour faciliter l’activité, les délais et modalités de prise de congés ou de RTT seront modifiés, à la main encore plus prégnante de l’employeur. « Que l’employeur oblige un salarié à rendre des reliquats de l’année précédente, pourquoi pas, mais imposer unilatéralement des congés, ce n’est pas normal », réagit Judith Krivine.
Le projet de loi prévoit aussi que le gouvernement pourra légiférer par ordonnance pour que les « entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale [puissent] déroger aux règles du code du travail et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical ».
C’est le fondement même du droit du travail et du contrat qui lie le salarié à son entreprise qui va voler en éclats même si l’exécutif veut rassurer en indiquant que le temps de travail ne pourrait dépasser 48 heures par semaine en vertu des règles européennes. Une obligation rappelée dans l’avis du Conseil d’État.
Une disposition à ce stade très large puisqu’il n’y a aucune définition donnée des secteurs « particulièrement nécessaires » pour assurer « la continuité de la vie économique et sociale ». Le nombre de salariés concernés pourrait se compter en millions. « C’est encore aux salariés que l’on fait assumer la crise et le confinement », se désole l’avocate.
Ces décisions semblent en décalage complet avec l’urgence de la situation. Cette dernière voudrait à la fois que l’on définisse précisément le caractère essentiel d’une activité, afin de pouvoir mettre à l’abri les salariés des autres secteurs, et que l’on accorde aux salariés concernés par cette nécessité la plus grande attention en termes de sécurité et de rémunérations. C’est bien cela que la situation nous apprend à nouveau avec éclat : l’aspect indispensable et fondamental des tâches humaines à haute valeur sociale et à basse rémunération sur le marché libre du travail.
Une démarche logique et conforme à la situation consisterait donc d’abord à n’utiliser que la force de travail la plus nécessaire en mettant à l’abri le reste de la population et des salariés afin de respecter les règles de confinement. Mais le flou gardé dans la définition de la nécessité permet de sauvegarder autre chose que l’urgence sanitaire : la croissance.
Dans le bâtiment, il peut être ainsi justifié de demander à certains de travailler si ce travail vise à construire des hôpitaux ou des logements d’urgence, par exemple. Mais Muriel Pénicaud, la ministre du travail, a eu le mot de « défaitisme » pour qualifier les prescriptions du syndicat patronal du BTP visant à réduire le travail. De quelle « défaite » parle-t-elle ? Contre la maladie ? Mais le confinement n’est-il pas le meilleur rempart contre le Covid-19 ? La préservation des travailleurs et la réduction des activités non essentielles sont nécessaires à la victoire contre la maladie. La défaite dont parle Muriel Pénicaud est économique. Car à quoi bon construire aujourd’hui encore des résidences de standing ou des projets de promoteurs ? À rien d’autre qu’à réduire la chute d’un PIB qui, de toute façon, ne signifie rien, mais reste l’alpha et l’oméga de la politique du gouvernement. Ce qui est ici intéressant, c’est que les dirigeants du BTP sont conscients de ce danger et se retrouvent du côté de leurs salariés contre un gouvernement aveuglé par sa stratégie.
Dans le commerce alimentaire aussi, une telle politique supposerait de réduire le risque d’interactions humaines à ce qui est strictement nécessaire. Et pour cela, inévitablement, il faudrait organiser les accès aux magasins et, partant, réduire l’accès aux marchandises de chacun au strict minimum. Ainsi, on pourra également réorganiser la force de travail dans la logistique. L’argument traditionnel des « activités imbriquées » avancé par le gouvernement ne tient pas un instant. C’est précisément le rôle d’un gouvernement en état d’exception de redéfinir le schéma de production sur l’essentiel. Ne pas vouloir le faire revient, en réalité, à avoir d’autres priorités.
Mais la priorité aujourd’hui devrait pourtant être, non pas comme l’a fait Bruno Le Maire ou Emmanuel Macron de demander aux salariés d’aller travailler, mais à organiser le travail strictement nécessaire à la poursuite d’un bien-être minimal dans des conditions sûres et dignes pour mettre le plus possible à l’abri les salariés. Car on sait bien ce qui se passe lorsque l’on poursuit des activités non nécessaires : on fait rapidement des petits arrangements avec la sécurité pour assurer la production. C’est bien pour cela que les salariés sont aujourd’hui de plus en plus nombreux à vouloir cesser le travail et à faire jouer un droit de retrait qui reste cependant un droit individuel fragile.
Dans un contexte où ils seraient certains de ne pas être contraints de travailler pour la valorisation de leur entreprise mais pour l’intérêt général, ceux qui sont indispensables au pays auraient conscience de leur responsabilité et de leur valeur. Pour traduire cette réalité, il reviendrait alors aux pouvoirs publics d’offrir des conditions de sécurité optimales à ces travailleurs ainsi que des primes de risque. Mais il faut bien être clair : nul n’a envie aujourd’hui de prendre le risque de sa vie et de celle des autres pour soutenir les bénéfices des géants de la distribution et de l’agroalimentaire. Le gouvernement, plutôt que de donner des leçons, devrait en prendre conscience. Et faire son aggiornamento : face au virus, l’économie capitaliste est impuissante et contre-productive. Il est peu inspiré de vouloir la ménager.
Le refus de la nécessité de réorganiser entièrement la production
La situation actuelle place devant une abondance du capital-argent qui, on l’a compris, n’est plus le problème, et une raréfaction du travail. On devrait nécessairement en passer par une planification de l’usage du travail dans le plus strict respect de ce dernier, qui est désormais un bien précieux. Et il faut l’admettre devant les faits : la politique du gouvernement fait l’exact inverse. Il ménage le capital et les entreprises, il contraint le travail.
C’est bien la preuve que ce gouvernement n’a pas pris réellement la mesure de la lutte. Il a déjà – ou encore – l’esprit dans un autre monde. Or si effectivement toutes les forces de la nation doivent être tendues vers le combat contre l’épidémie, cela suppose deux actions prioritaires. La première est celle qu’on vient de voir : le respect du confinement et la limitation des interactions sociales passent par une réorganisation du travail essentiel à la vie de la nation. La seconde est que toutes les forces disponibles doivent être lancées dans la bataille médicale.
Et là aussi, on se surprend à voir le peu d’ambition dans ce domaine du gouvernement. Comme le notent dans une tribune publiée sur le Club de Mediapart trois économistes, Nicolas Da Silva, Philippe Batifoulier et Mehrdad Vahabi, on est loin d’une réelle « économie de guerre », qui supposerait une réorientation de la production sur les besoins. Car, comme il a été souligné par ailleurs, ces besoins sont immenses et reflètent le manque de prévoyance des gestions néolibérales passées. L’État disposant de moyens abondants, il pourrait fort bien décider de cette réorientation, là encore en planifiant les besoins et les moyens d’y répondre. En évaluant les besoins de masques, de respirateurs artificiels, de gel hydro-alcoolique et d’autres matériels médicaux, il s’agirait de se mettre en capacité de répondre à ces besoins.
Serait-ce impossible ? Certainement pas. Cette réorientation planifiée dans l’urgence est le propre de l’économie de guerre. Il faut, pour cela, prendre le contrôle des usines capables de produire ce matériel, et en construire si ces capacités n’existent plus. Cela suppose une planification et une administration directe de l’économie en fonction des besoins. En théorie, on n’aurait guère le choix devant l’urgence. Mais ce n’est pas la stratégie suivie parce qu’elle suppose, lorsque la crise sera passée, une phase longue de stabilisation de l’économie. Le gouvernement ne veut pas se retrouver dans cette situation. Son choix, c’est de retenir son souffle et de repartir comme avant ensuite.
Et la France est donc laissée au bon vouloir des dirigeants de multinationales comme LVMH, L’Oréal ou d’autres qui décident, chacun dans leur coin et pour des raisons qui leur appartiennent, de produire qui des masques, qui des gels, ou encore d’en appeler à la « solidarité » de la République populaire de Chine. Non que ces démarches ne soient pas nécessaires à court terme. Mais elles ne peuvent représenter que des mesures temporaires. La lutte contre l’épidémie et la survie de la société pendant cette lutte supposent un autre effort et une autre organisation.
Une telle priorité supposerait aussi de récompenser ceux qui sont en première ligne, le personnel soignant, à sa juste valeur. Par des primes, du salaire, des recrutements et des investissements. Ce que nous apprend avec violence la crise actuelle, c’est qu’il est socialement utile que les hôpitaux soient financièrement en déficit, ne soient pas gérés en flux tendus et présentent, en temps normal, des surcapacités. C’est cela qu’il faut prendre en compte et préparer dès maintenant. Il ne faut donc pas, compte tenu du sous-investissement actuel, regarder à la dépense. Non seulement le moment l’exige, mais l’avenir l’exigera aussi.
Mais que dit le gouvernement face à cela ? Que les forces mises dans la bataille médicale resteront comptées (2 milliards d’euros, soit 2,3 % de plus que prévu sur 2020 et pas de Projet de loi rectificatif de financement de la sécurité sociale) et que, comme l’a dit mercredi 18 mars le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, « la meilleure prime que l’on peut donner au personnel soignant, c’est de respecter les gestes barrières ». Voilà des héros qui peuvent compter sur bien peu de reconnaissance de la nation.
Et dès lors, il faut le reconnaître, sans, au reste, préjuger de l’avenir et des évolutions futures : l’État français reste enfermé dans une logique néolibérale centrée sur la croissance future et la gestion des déficits. La crise ne dissimule pas son caractère de classe. Ses dirigeants, aveuglés par l’illusion que « le télétravail pourvoira » et que la croissance est la finalité absolue, sont insensibles à la réalité du travail. Pas davantage qu’auparavant, le travail et ses conditions, dont la nécessité devient pourtant évidente, ne sont prioritaires.
Même en pleine crise sanitaire, l’État néolibéral reste enfermé dans sa guerre au monde du travail. Et ce n’est pas de bon augure car si la priorité économique n’est pas la lutte contre la maladie, cette dernière sera beaucoup plus difficile à combattre. En voulant ménager la croissance, on met en danger la politique du confinement et son efficacité. Il n’est pas sûr qu’au bout du compte, le pays en sorte plus renforcé à court comme à moyen terme.
Manuel Jardinaud, Romaric Godin
• MEDIAPART. 19 MARS 2020 :
https://www.mediapart.fr/journal/france/190320/covid-19-les-efforts-de-guerre-ne-sont-pas-centres-sur-le-sanitaire?onglet=full
ENTREPRISES ENQUÊTE : Covid-19 : Pénicaud demande de « challenger » les entreprises qui baissent le rideau
Selon nos informations, la ministre du travail a demandé mercredi aux administrations locales de « challenger » les entreprises qui veulent fermer pour cause de coronavirus, afin qu’elles tentent de maintenir l’activité en dépit des craintes des salariés.
Muriel Pénicaud a sorti l’artillerie lourde. « Quand un syndicat patronal dit aux entreprises “arrêtez d’aller bosser, arrêtez de faire vos chantiers”, ça c’est du défaitisme », a lancé la ministre du travail ce jeudi matin sur LCI, à la suite du communiqué publié la veille par les trois fédérations patronales du bâtiment appelant leurs adhérents à un arrêt temporaire des chantiers, afin de trouver des solutions pour protéger les ouvriers contre le coronavirus.
LCI
@LCI
· 19 mars 2020
En réponse à @LCI
@murielpenicaud, ministre du Travail :
« Quand un syndicat patronal dit aux #entreprises ’Arrêtez d’aller bosser’, ça, c’est du défaitisme. On a besoin de tout le monde sur le pont, bien sûr avec des précautions. Il y a des solutions ».
@EliMartichoux #LaMatinaleLCI.
Vidéo intégrée
LCI
@LCI
@murielpenicaud, ministre du Travail :
« Les #entreprises qui ne jouent pas le jeu, qui se disent ’l’État paiera’, ce n’est pas du civisme ».
@EliMartichoux #LaMatinaleLCI.
Vidéo intégrée
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09:12 - 19 mars 2020
© lci
Les propos de la ministre ont été jugés « scandaleux » par Patrick Liébus, président de la Capeb, l’une des trois fédérations. « Cela témoigne d’un mépris profond, et je pèse mes mots, pour ces artisans et ces salariés qui travaillent dans le bâtiment et n’ont jamais rien demandé », a-t-il déclaré à Batiactu.
En réalité, ce bras de fer entre Muriel Pénicaud et le secteur du BTP n’est que la partie émergée de la politique du gouvernement, qui souhaite maintenir au maximum l’activité économique malgré la crise du coronavirus. À tel point que la ministre a demandé mercredi à ses services en région de « challenger » les entreprises qui souhaitent fermer leurs portes sous la pression de salariés inquiets pour leur santé, selon des documents obtenus par Mediapart.
Selon nos informations, Muriel Pénicaud a donné ces consignes en personne, mercredi, lors d’une conférence téléphonique avec les directeurs régionaux de Pôle emploi et les patrons des Direccte (directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi), les administrations régionales qui rassemblent les services de Bercy et du ministère du travail.
Cette réunion à distance était consacrée au projet de loi examiné le jour même en conseil des ministres, afin d’appliquer au mieux les nouvelles dispositions destinées aux entreprises pour affronter la crise du coronavirus (lire notre analyse ici). Mais selon un document que Mediapart s’est procuré, la ministre a aussi donné, lors de cette conférence, des instructions très strictes à ses agents pour faire respecter la « continuité économique » chère au gouvernement.
Muriel Pénicaud a d’abord souligné qu’il était important que les entreprises qui ne sont pas concernées par la fermeture obligatoire continuent à fonctionner, car elles seraient « imbriquées » avec les activités prioritaires. La ministre a estimé qu’il n’y aurait pas d’activités économiquement « indispensables » par rapport à d’autres, même si certains secteurs sont prioritaires, comme l’agriculture, l’énergie et la logistique.
Pour les entreprises qui ne sont pas soumises à la fermeture obligatoire, la règle doit être d’engager un « dialogue » avec les syndicats afin de trouver des solutions pour maintenir l’activité en protégeant les salariés du coronavirus.
Muriel Pénicaud a demandé aux services de Bercy et du ministère du travail de « repérer » et de « signaler » les entreprises qui veulent fermer sous la pression de salariés sans en avoir auparavant examiné les risques. Les agents de l’État sont priés de « challenger » ces entreprises afin qu’elles étudient avec les représentants du personnel des mesures de protection sanitaire permettant de poursuivre l’activité.
Interrogé par Mediapart, le cabinet de Muriel Pénicaud a confirmé l’existence de cette conférence téléphonique, mais a démenti que la ministre ait demandé aux Direccte de « challenger » les entreprises qui souhaitent cesser leur activité pour cause de coronavirus.
Les consignes données par Muriel Pénicaud commencent déjà à être appliquées sur le terrain par les services de Bercy et du ministère du travail. Selon nos informations, un message a été adressé en régions par les services du ministère à plusieurs entreprises qui envisagent de cesser leur activité pour cause de coronavirus (notre document ci-dessous).
![](IMG/jpg/message.jpg)
© Document Mediapart
« Trop d’entreprises ferment parce qu’elles croient être obligées de le faire, indique ce message. Le gouvernement cherche autant que possible à préserver l’activité, à la fois pour ne pas obérer plus que nécessaire les perspectives économiques, mais aussi et surtout parce que beaucoup d’activités sont indispensables de manière plus ou moins directe pour continuer à vivre. »
Pour toutes les entreprises dont le gouvernement n’a pas décrété la fermeture, dont les industries et le BTP, « la règle est de continuer, avec le respect de mesures barrières qui demandent certaines adaptations : télétravail dès que c’est possible, respect des distances, pas de réunions trop nombreuses ». Les entreprises peuvent fermer lorsque la direction « ne pense pas pouvoir assurer la sécurité sanitaire », mais « l’arrêt est l’exception, pas la règle », insiste le message.
Le principal point de conflit est le secteur du BTP, le seul à avoir demandé collectivement un arrêt « temporaire » mais total de l’activité. Comme l’a révélé ce jeudi soir le quotidien économique Les Échos, « la tension est considérablement montée depuis et le gouvernement brandirait maintenant la menace que le BTP ne soit pas éligible au chômage partiel, s’alarme la FFB ».
Mediapart a pu avoir confirmation de cette menace. Selon un document que nous avons obtenu, le ministère du travail aurait donné des consignes orales aux Direccte, pour leur demander de ne pas instruire pendant 48 heures les demandes de chômage partiel émanant d’entreprises du BTP.
Interrogé par Mediapart, le cabinet de Muriel Pénicaud nous a répondu qu’il n’y a pas « eu d’écrit demandant de façon générale l’arrêt du chômage partiel pour le bâtiment ». Relancé sur l’existence de consignes orales, l’entourage de la ministre n’a pas démenti, nous répétant qu’il n’y avait pas eu de consignes écrites.
Yann Philippin
• MEDIAPART. 19 MARS 2020 :
https://www.mediapart.fr/journal/france/190320/covid-19-penicaud-demande-de-challenger-les-entreprises-qui-baissent-le-rideau
L’économie française en état d’exception
En quelques jours, l’économie française est devenue largement administrée. Un mouvement classique en cas d’incertitude radicale, comme lors des conflits ou des révolutions.
Il faut désormais regarder la réalité en face. En quelques jours, l’économie européenne, et avec elle, la française, a changé de nature. On est passé d’une économie de marché à une économie administrée. La raison en est simple et relativement classique. Lorsque surgit un état d’exception, le marché, en termes de fonctionnement et d’exigences, ne peut plus remplir les rôles primaires qui lui sont assignés en temps « normal ».
Très concrètement, les conditions de base de l’économie marchande contemporaine ne sont, depuis la fin de la semaine dernière, plus réunies. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le capitalisme fonctionne grâce au moteur de la consommation de masse : cette dernière permet et justifie la circulation du travail et du capital et même la financiarisation de l’économie qui fait que les ménages et les entreprises peuvent « vivre au-dessus de leurs moyens » en permanence pour alimenter cette circulation. Or la maîtrise de la pandémie de coronavirus exige la réduction au maximum des interactions humaines directes : ce qui réduit obligatoirement à la fois le travail nécessaire à la fabrication des biens de consommation et des biens intermédiaires et les opérations d’achat et de vente, que ce soit entre consommateurs et détaillants ou tout le long de la chaîne de production.
Face à l’émergence d’un phénomène épidémique, il convient donc de faire un choix entre le maintien de ces interactions et la maîtrise de la maladie. Dans cette crise, pendant longtemps, les gouvernements ont préféré sauvegarder l’économie marchande. Jusqu’à ce que le rapport entre les coûts et les bénéfices se retournent : en cas de saignée dans la population, la réalisation de ces interactions devient doublement impossible. Faute de consommateurs et de vendeurs.
Arrive donc un point, où nous sommes en cette mi-mars, où le maintien de l’économie marchande n’est plus possible. Les entreprises n’ont plus aucune visibilité sur leur activité future, les consommateurs réduisent leurs dépenses au strict nécessaire, souvent avec des phénomènes de panique. La confiance dans l’avenir – autrement dit, la capacité des acteurs économiques à se projeter et à prévoir une partie de leur activité – disparaît devant l’incertitude radicale. Même l’Insee a annoncé ce 16 mars qu’elle n’était plus en mesure de faire des prévisions. Or l’économie marchande ne sait pas fonctionner dans ce flou absolu. L’unique solution est une réorganisation d’ensemble autour non plus de la sauvegarde des profits privés, mais d’un intérêt supérieur. Ici, la santé publique. Seul l’État est capable de jouer ce rôle.
En quelques jours, donc, nous avons assisté à un tournant de ce type. Un décret a été publié dimanche pour définir les activités commerciales autorisées dans le pays. Reste en théorie ouvert ce qui est « nécessaire à l’intérêt de la nation ». On voit ici le changement complet de logique en un seul terme. De même, les décisions prises par le gouvernement pour compenser les pertes plaideraient bien pour une volonté de « suspendre le temps économique ». C’est donc l’État qui va venir se substituer au marché (des biens et des services ou du travail) pour assurer les revenus. En clair : une immense partie des prestations monétaires qui sera distribuée durant la crise ne sera pas adossée à une production de marchandises.
Emmanuel Macron l’a confirmé dans son allocution du 16 mars. « Aucune entreprise ne sera livrée au risque de faillite », a-t-il indiqué, en précisant que les PME pourront compter sur les reports de cotisations et d’impôts. Le 17 mars au matin, le ministre de l’économie et des finances Bruno Le Maire a confirmé un certain nombre de mesures se basant sur le principe de « zéro recette, zéro dépense » pour les PME. Les charges fiscales (d’impôts directs uniquement) et les cotisations sociales sont reportées « avec des annulations au cas par cas par la suite » pour un coût potentiel de 32 milliards d’euros. Un dispositif de chômage partiel ouvert à l’ensemble des salariés est mis en place pour deux mois pour un coût de 8,5 milliards d’euros. Enfin, un « fonds de solidarité » est mis en place pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires d’un million d’euros. Il concerne soit les entreprises fermées par l’État, soit celles connaissant une baisse de 70 % de leur chiffre d’affaires en mars 2019 et mars 2020. Ce fonds, qui concernera donc les indépendants, pourra verser 1 500 euros sur simple déclaration. Les factures d’électricité et de gaz pourront aussi être reportées.
En tout, on a un premier paquet de 45 milliards d’euros. Enfin, l’État garantit à hauteur de 300 milliards d’euros les nouveaux crédits bancaires. Ces mesures « dureront le temps de la crise du coronavirus », a indiqué Bruno Le Maire. Le filet de protection de l’État se déploie donc pour stopper le fonctionnement normal de l’économie qui amènerait la société vers l’abîme. Précisons cependant qu’il est limité : la TVA n’est pas concernée et les reports de loyers des entreprises seront négociés au cas par cas avec les bailleurs. Il n’y aura aucune mesure de ce type pour les particuliers. Enfin, le ministre a bien évoqué la possibilité de nationalisations, uniquement si le besoin s’en faisait sentir. En février 1848, l’État avait massivement nationalisé les entreprises de chemin de fer, notamment, avant de les privatiser à bon compte quelques années plus tard.
La situation actuelle est, il est vrai, beaucoup plus grave d’un point de vue capitaliste que la crise de 2008, pourtant déjà la plus forte depuis 1929. Il ne s’agit plus désormais de faire face à un ralentissement dû à la transmission de la crise financière à la demande des ménages et des entreprises. Une telle crise peut alors être surmontée par de la relance classique, au moins temporairement (c’est ce qu’on a pu constater en 2009, principalement grâce à la relance chinoise).
La crise actuelle n’est pas une crise quantitative, c’est une crise structurelle. Elle repose sur l’impossibilité physique des actes essentiels nécessaires à l’économie marchande. Très concrètement, relancer aujourd’hui l’activité n’a aucun sens. À quoi bon donner un crédit à une entreprise qui n’a pas de marchés ? À quoi bon alimenter le compte en banque de ménages qui en sont réduits à concentrer leurs dépenses sur l’essentiel ? Ce que les économistes appellent une « double crise d’offre et de demande » n’est rien d’autre qu’une impossibilité de l’économie marchande de fonctionner. Subitement, les recettes traditionnelles, keynésiennes ou classiques, cessent d’être pertinentes. Elles tournent à vide. Elles ne reprendront leur intérêt que lorsque leur objet, l’économie de marché, sera redevenu d’actualité. Pour le moment, elle ne l’est plus.
Le gouvernement a donc pris acte de cette situation. Il a repoussé finalement la réforme de l’assurance-chômage au 1er septembre. Une décision qui signifie bien que la situation impose une suspension de toute politique économique classique. La précarisation des chômeurs était évidemment absurde dans cette période. Emmanuel Macron a annoncé le 16 mars que « toutes les réformes, à commencer par la réforme des retraites », seront suspendues. Mieux même, selon Les Échos [1], le gouvernement a demandé aux entreprises de ne pas licencier pendant la crise. L’économie marchande est donc bel et bien mise de côté.
Dans le cas de la France, les éléments chiffrés pour connaître avec précision la situation actuelle sont impossibles à recueillir. À Bercy, on reconnaît que l’on n’a même pas évalué le poids des activités interdites lorsque les décrets ont été pris. La priorité est décidément ailleurs. On ne peut en être qu’à des conjectures. Mais l’ensemble des activités devenues interdites ou impossibles s’élève, dans une estimation approximative de Mediapart à partir des données de 2017, à environ 30,4 % des dépenses de consommation des ménages qui, elles-mêmes, comptent pour 53 % du PIB. C’est donc 15,8 % de la production de richesses potentielle qui est à l’arrêt. C’est une approximation très imprécise dans la mesure où, par exemple, l’hôtellerie et la restauration ne sont pas entièrement stoppées. Mais ces deux secteurs comptent pour 2,9 % du PIB, tandis que le secteur des loisirs et de la culture (3,2 % du PIB) est, lui aussi, en arrêt complet. L’augmentation sans doute ponctuelle des dépenses d’alimentation ne saurait compenser ces pertes.
À cela doit s’ajouter sans doute un arrêt quasi total des investissements, tant des ménages que des entreprises, soit par manque de main-d’œuvre et de matière première, soit par manque de perspectives. Ces deux composantes représentent 18 % du PIB. Enfin, on ignore encore les effets de la crise actuelle sur les échanges extérieurs, mais, naturellement, dans ce type de contexte, les difficultés internes amènent à avoir recours aux produits importés, lorsqu’ils sont disponibles.
Une économie de guerre
Les économistes vont sans doute tenter de faire des comptes pour mesurer l’impact sur le PIB, mais cela n’a plus beaucoup de sens. Utiliser une mesure de création de richesses marchandes lorsque cette économie marchande s’est arrêtée et que le système productif se concentre sur d’autres priorités n’est pas pertinent. Ce le sera sans doute si l’on revient à ce type d’économie, pour présenter les factures dans l’avenir, on y reviendra. Mais, pour l’heure, c’est un exercice vain. Et la preuve en est qu’un économiste admet que « nos modèles ne sont pas faits pour mesurer de tels chocs ». D’autant qu’il est impossible de savoir aujourd’hui combien de temps durera cette suspension du temps économique. Bercy, de son côté, a annoncé que le projet de loi de finances rectificatif devrait inclure une contraction du PIB en 2020 de 1 %. Un chiffre que Bruno Le Maire reconnaît être « provisoire » et largement « technique ».
En revanche, cette situation dispose de sa propre dynamique. La vraie question est désormais de savoir si ce qui reste d’économie marchande peut résister à la pandémie. Et le cœur de cette réponse réside dans le travail. Contrairement à ce que laisse entendre le discours technophile à la mode ces dernières années, le travail n’est pas forcément délocalisable par le télétravail. Selon une enquête récente, seules 36 % des entreprises avaient encouragé leurs employés à travailler à distance début mars. Ce travail suppose souvent des investissements technologiques et une activité ne nécessitant pas un contact direct avec d’autres humains ou des machines lourdes. L’industrie, la grande distribution, la livraison, la logistique les transports, la production énergétique ne sont pas des tâches délocalisables. Dès lors, la question de la protection et de l’isolement de ces travailleurs devra se poser au fur et à mesure que la maladie va se répandre. En Italie, plusieurs mouvements sociaux – et notamment des grèves – ont lieu sur des sites de production jugés non essentiels.
On ignore encore si le contrôle de la maladie impliquera de réduire encore plus le champ de l’économie marchande, mais c’est une option très probable. Dans ce cas, l’administration de l’économie devra aller encore plus loin. L’État devra organiser la production et la distribution des biens indispensables à la vie du pays et au bien-être minimal des citoyens tout en réduisant le recours au travail et les interactions humaines… On n’en est pas encore là, mais il est intéressant de remarquer que les appels à la « raison » de Bercy et l’assurance qu’il n’existe aucun risque de pénuries n’ont pas réellement rassuré des Français qui doutent de la capacité de leur économie à répondre à leurs besoins. D’où les achats de panique. Si ces derniers se multiplient, le recours à des régulations plus strictes sera indispensable. Là encore, tout dépendra du temps nécessaire à éteindre la pandémie. Pour le moment, Bruno Le Maire a reconnu maintenir en action certains pans de l’économie marchande pour « assurer l’approvisionnement », admettant ainsi ne pas savoir gérer ces circuits essentiels. Cela est assez inquiétant, mais peut évidemment changer avec le temps.
Par ailleurs, les besoins du secteur de la santé, eux, vont se multiplier. Les hôpitaux vont manquer de tout : de place, de masques, de gel, de matériel de ventilation. À Wuhan, en Chine, les autorités ont construit en une vitesse record deux hôpitaux de campagne. Sur le site de la Foire de Milan, le gouvernement italien envisage de faire de même. Des usines de luxe italiennes sont utilisées pour faire des masques chirurgicaux et les sociétés françaises du même secteur ont promis d’utiliser une partie de leurs lignes de fabrication de parfum pour produire gratuitement du gel hydroalcoolique. Ces mesures ponctuelles pourraient être étendues si les besoins ne cessent d’augmenter.
Pour le moment, la France ne prévoit rien de précis dans ce domaine, mais le président de la République a promis de ne pas regarder à la dépense. Reste qu’on voit les limites de la gestion française : les actions manquent dans ce domaine. Le 17 mars, Bruno Le Maire n’a rien dit sur ce sujet. C’est une particularité des économies de guerre de modifier les industries « civiles » en industries utiles au combat. Cela se fait sous le contrôle de l’État qui dicte ses besoins à un secteur privé qui les suit. Face à l’urgence, on ne peut là encore exclure que l’outil productif ou logistique (en cas d’importations massives de matériel médical) soit utilisé pour répondre aux besoins du secteur de la santé.
Évidemment, l’économie marchande n’a pas entièrement disparu, loin de là. Beaucoup d’entreprises continuent de tourner au ralenti et une partie de la consommation est préservée, notamment par l’alimentation, les achats en ligne et les livraisons. Néanmoins, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Elle ne peut plus dicter ses besoins à l’ensemble des comportements sociaux par sa propre création de richesses. Elle est donc en sommeil et l’État a pris le relais en assurant une création monétaire de substitution à cette création de richesses.
C’est encore une mesure traditionnelle des économies de guerre. La première décision prise par la Banque de France, par exemple, en août 1914, a été de stopper immédiatement la convertibilité du franc en or pour pouvoir avoir recours à la création monétaire afin de financer l’effort de guerre. Là encore, c’est un signe de suspension de l’économie marchande qui, en soi, ne saurait répondre à un tel effort. Le « quoi qu’il en coûte » d’Emmanuel Macron le 12 mars constitue de ce point de vue le même processus. Il renonce à placer des limites à la dépense publique, faisant des règles européennes ce que Keynes appelait, à propos de l’or, des « reliques barbares ».
Ce n’est donc pas un hasard si Emmanuel Macron a utilisé le mot de « guerre » le 16 mars. La situation actuelle rappelle ce moment d’août 1914 où l’économie française s’est retrouvée en quelques jours métamorphosée en économie administrée pour les besoins d’une cause supérieure à la logique de l’économie marchande existante. Cela ne veut pas dire que certains capitalistes ne gagnent pas dans ce cadre, mais leurs gains s’appuient sur une commande publique décidée par l’État, non sur des marchés concurrentiels. En passant, c’est sans doute pour cette raison que l’épidémie de grippe espagnole a eu un impact économique difficile à déterminer : elle a eu lieu alors que l’économie était encore administrée.
Peut-on sortir de cette « mise en sommeil » avec aisance et revenir comme si de rien n’était à la situation précédente ? Tout dépendra, on l’a vu, de sa durée. Beaucoup l’espèrent encore et évoquent des scénarios en « V » où, une fois la menace passée, les consommateurs compenseront leurs achats jusque-là interdits et où les entrepreneurs, regagnant confiance, reprendront le cours des investissements. Il est possible, bien sûr, que cette situation ne soit qu’une parenthèse. Les niveaux de vie auront été plus ou moins maintenus et, partant, tout pourrait repartir rapidement.
Mais plusieurs éléments appellent à la prudence. D’abord, il y aura des dégâts dans le tissu productif. Les entreprises les plus fragiles, même soutenues par l’État, pourraient ne pas survivre au choc. Une fois la sécurité temporaire de l’État levée, tout ne redeviendra pas comme avant. Les faillites, repoussées, pourraient se multiplier et le chômage pourrait remonter et peser sur la vigueur de la reprise. C’est une illusion de penser que l’État peut « geler » le temps de l’économie marchande. Le réseau des fournisseurs et clients va forcément subir des contrecoups dont la vigueur dépendra aussi de la reprise de l’économie mondiale et de la nature de celle-ci. Sans parler des effets de bord sur le secteur financier qui pourraient venir amputer le crédit.
Ensuite, le passage d’une économie administrée à une économie de marché est toujours douloureux. Si les revenus des ménages sont préservés, la capacité de répondre de l’offre pourrait être réduite, une fois les obligations levées. On pourrait alors se retrouver avec un déséquilibre inflationniste qui conduirait à un tour de vis monétaire violent. Ce phénomène sera d’autant plus vif que l’on aura modifié la structure productive du pays pour répondre aux besoins de l’urgence. La sortie de la Première Guerre mondiale a été ainsi particulièrement douloureuse pour tous les pays, y compris les États-Unis qui ont connu une récession entre 1920 et 1921.
Par ailleurs, la question de la « facture » du financement de cette urgence par l’État va se poser. S’il faut réduire rapidement l’immense déficit à venir causé par le virus, alors il y aura une période d’austérité inévitable qui conduira à détruire l’activité qui ne l’a pas été par la crise épidémique. C’est ici que la question de l’avenir des traités européens et de la réponse de la BCE est centrale. Mais aussi de l’idéologie. Le 17 mars, Bruno Le Maire a confirmé qu’il regardait les écarts de taux avec l’Allemagne et avait renoncé à certaines mesures de soutien pour « garantir la solidité des finances de la Nation ». C’est de bien mauvais augure pour la suite. Dans les deux cas cités, l’inflation et l’austérité sont conçues comme des formes de « châtiments » de la période d’administration de l’économie par un retour aux logiques marchandes.
Il peut cependant y avoir une autre issue : une sortie progressive qui utilise cette expérience terrible de l’urgence sanitaire pour répondre à d’autres besoins, par l’extension du service public et de nouveaux investissements répondant aux urgences à long terme comme le changement climatique. L’administration de l’économie pendant la pandémie deviendrait alors le point de départ d’une gestion démocratique et raisonnée des besoins où l’économie marchande cesserait de prendre une place centrale. Si l’économie peut être gérée dans l’intérêt de la santé, pourquoi ne pas élargir cette gestion pour renverser les priorités ?
Dans toute crise, il y a une opportunité de redéfinir l’avenir. Celle-ci est terrible, mais elle nous permet de repenser l’importance de l’humain et du travail dans notre bien-être, de redéfinir nos besoins réels et de mettre fin aux illusions concernant les impossibilités de financement. Elle peut donc nous permettre de réfléchir à la place de la marchandise dans notre société.
Romaric Godin
• MEDIAPART. 17 MARS 2020 :
https://www.mediapart.fr/journal/france/170320/l-economie-francaise-en-etat-d-exception
Face à la crise, Bruno Le Maire à côté de la plaque
Les effets de l’épidémie de coronavirus seront sévères sur la croissance. Bruno Le Maire y apporte cependant une réponse hors de propos. Et les effets de la politique de ces dernières années se feront fortement ressentir sur les couches les plus fragiles de la population.
Le gouvernement ne ménage pas ses efforts pour faire croire qu’il apporte une réponse forte à la crise économique ouverte par l’épidémie de coronavirus. Dans un point presse réalisé ce lundi 9 mars au matin, le ministre de l’économie et des finances Bruno Le Maire, flanqué de sa secrétaire d’État Agnès Pannier-Runacher et de la ministre du travail Muriel Pénicaud, a annoncé vouloir « muscler ses réponses » à la récession qui vient.
Elle ne fait plus l’ombre d’un doute concernant la France, comme le reste de la sphère occidentale, du reste. Bruno Le Maire évoque désormais un effet négatif de « plusieurs dixièmes de point de PIB ». Ce lundi 9 mars au matin, la Banque de France a revu à la baisse sa prévision de croissance pour le premier trimestre 2020 de 0,3 % à 0,1 %. Mais l’option d’une récession « technique » (deux baisses trimestrielles consécutives du PIB après celle de 0,1 % du dernier trimestre 2019) n’est pas écartée et l’impact des mois de mars et avril s’annonce délicat.
La difficulté de cette crise pour la France tient à ce qu’elle relève avant tout d’un fort choc de demande qui touche principalement le secteur des services aux ménages et aux entreprises. Les mesures de précaution prises par les consommateurs (réductions volontaires des déplacements personnels et professionnels) et par les autorités (interdictions de manifestations) touchent directement le cœur de l’activité hexagonale. C’est la différence avec la crise de 2007-2008 qui s’était principalement transmise par le biais du ralentissement du commerce mondial auquel la France est moins exposée que beaucoup de ses partenaires. Cette fois, le choc risque donc d’être plus vif, même si la vraie question est la durée de ce choc.
En tout cas, alors que la France avait enregistré en 2009 une baisse du PIB 2,5 fois inférieure à celle de l’Allemagne, cette particularité semble aujourd’hui remise en question. Une première estimation réalisée par le Centre de recherche d’économie politique (CEPR), qui est un réseau de chercheurs européens, établit entre 1,8 et 8 points de PIB l’effet de cette crise sur le PIB français. C’est une estimation très largement incertaine, dans la mesure où, quoi qu’ils disent, les économistes ne sont pas épidémiologistes et que les impacts sont largement incertains. Mais ces calculs montrent que la France n’est pas, cette fois, mieux protégée que l’Allemagne ou le Royaume-Uni.
Face à cette situation, les réponses fournies par Bercy ce lundi 9 mars portent principalement sur l’offre. Certaines sont de bon sens, comme les mesures visant à réduire les problèmes de trésorerie des entreprises, et notamment des PME, les plus fragiles. Ces entreprises auront ainsi la possibilité de repousser l’échéance du 15 mars de charges sociales sur simple courrier électronique. La même réponse est envisagée pour les charges fiscales, tandis que la Banque publique d’investissement assure offrir des solutions de trésorerie. Mais ces solutions n’ont d’effet qu’à très court terme. Une entreprise confrontée à un effondrement de ses marchés devra toujours payer son loyer et ses fournisseurs.
De fait, au regard de la situation, la réponse du gouvernement semble relativement faible et fort peu prévoyante. Bruno Le Maire s’est ainsi contenté d’en appeler à une supposée « solidarité nationale » qui prendrait la forme d’une « tolérance » des clients envers leurs fournisseurs. Il a même donné cet exemple : que les entreprises ayant prévu d’organiser un événement paie la société d’événementiels même si ce dernier est annulé, « quitte à avoir un engagement pour plus tard ». Voilà qui est fort étonnant. Comment des entreprises confrontées à des tensions sur leur trésorerie pourraient assurer la trésorerie des autres ? En période de choc aussi violent et d’anticipations négatives, chacun cherche à survivre et, dans un contexte concurrentiel, cela passe bien évidemment par une indifférence complète aux intérêts des autres. C’est, au reste, ce que la logique de marché ordonne : l’égoïsme n’y est-il pas censé faire figure d’intérêt général ?
Cette demande de « solidarité nationale » aux entreprises traduit la vision naïve de Bruno Le Maire d’un capitalisme capable de gérer les situations d’urgence. Et c’est bien ici que se situe le cœur de son action. Comme il l’a dit vendredi 6 mars, il est « aux côtés des chefs d’entreprise » et d’eux seulement. Son pari est que le soutien public à l’offre par une forme de jubilé temporaire sur les impôts et cotisations permettra aux entreprises de continuer à jouer ce qu’il croit être leur rôle d’intérêt général. Mais en situation de panique, le capitalisme est un sauve-qui-peut généralisé et la compétition devient mortelle pour les entreprises les plus faibles, donc les PME, ce qui semble devoir échapper au ministre de l’économie.
Inévitablement, il y aura donc des licenciements massifs, comme en 2008-2009. Muriel Pénicaud a certes annoncé des « simplifications » des dispositifs de chômage partiel, mais là encore c’est une solution de court terme. La loi française prévoit 1 000 heures par an et par salarié avec une indemnité de 70 % du salaire net. Lors de la crise de 2008, ce dispositif avait montré son insuffisance au regard des conditions allemandes. Alors que l’Allemagne avait eu recours massivement au chômage partiel, les entreprises françaises avaient, elles, licencié à tour de bras. C’est le moment où le taux de chômage français est passé au-dessus du taux allemand.
Il est vrai que les entreprises françaises ont traditionnellement ce réflexe de licencier dès les mauvais jours venus, sans se soucier de sauvegarder le savoir-faire. Cette habitude a-t-elle changé avec l’apparition de quelques tensions dans les recrutements ces dernières années ? C’est possible, mais, là encore, loin d’être certain. Surtout, depuis 2009, le droit du travail français s’est beaucoup assoupli. On voit donc mal pourquoi, dès lors, l’emploi résisterait mieux qu’en 2008. Confrontées à l’effondrement de la demande, et sans certitudes réelles sur l’avenir, les entreprises, et notamment les PME, vont ajuster par l’emploi, inévitablement. Et les appels de Bruno Le Maire à la « solidarité nationale » n’y changeront rien.
Affaiblissement de l’État social
En économie capitaliste, ce type de situation est inévitable, au reste. Mais, jusqu’à présent, la France savait mieux que les autres y faire face : elle disposait de « stabilisateurs automatiques » puissants : le droit du travail qui garantissait des indemnités, une assurance-chômage solide et (relativement) généreuse et des transferts sociaux importants. Or, le présent quinquennat a réduit ces protections. Le 1er avril, deux réformes, celles des aides personnalisées au logement et de l’assurance-chômage, vont venir réduire de près de 2 milliards d’euros les transferts sociaux. Au pire moment donc. Bruno Le Maire, tout occupé à prendre soin des entreprises, n’a pas songé à évoquer le problème. Pour lui, les réformes structurelles ont rendu plus forte l’économie française qui n’a donc besoin que d’un soutien temporaire aux entreprises. Mais c’est pourtant l’affaiblissement de l’État social au nom de ces réformes qui risque de provoquer un effet d’entraînement en réduisant encore davantage la demande, même lorsque le coronavirus ne sera plus au centre des préoccupations.
Dès lors, la réponse du gouvernement laisse songeur : tout est mis en œuvre pour empêcher le fonctionnement du marché selon la vieille doxa néolibérale de la socialisation des pertes et de la privatisation des gains. Pendant ce temps, les effets de la politique de ces dernières années se feront fortement ressentir sur les couches les plus fragiles de la population, alors même que les efforts demandés à cette dernière sont venus financer les investissements boursiers des plus riches qui, à cette heure, partent en fumée sur les marchés.
Plus que jamais, l’État français prouve qu’il est au service du capital. À aucun moment, il n’est en effet question de renforcer la sécurité publique pour la majorité de la population. Au contraire, Bruno Le Maire a même réclamé l’assouplissement des règles prudentielles des banques pour favoriser le crédit. C’est là aussi absurde : ce serait une fuite en avant venant affaiblir le bilan d’un secteur bancaire qui, une fois touché par le ralentissement de l’économie réelle, demanderait à nouveau l’aide de l’État… Une fuite en avant là aussi typiquement néolibérale. La baisse actuelle des cours de Bourse du secteur bancaire et son incapacité de répondre à la crise devraient, au contraire, interroger sur la nécessité de ne plus dépendre d’un tel secteur financier privé. Mais la logique du gouvernement est toujours de s’en remettre aveuglément à un secteur privé aux abois qui se moque d’autant plus de ses discours de « solidarité nationale » qu’il est confronté à ce qui peut s’imaginer de pire : une incertitude radicale qui plonge la demande dans une spirale de la baisse.
Dans une telle situation, le seul agent qui peut stopper l’incendie, c’est l’État. C’est le seul à pouvoir se dégager des exigences du marché, à lancer des projets de long terme et à assurer le bien-être des citoyens par le développement des transferts sociaux. Mais Bruno Le Maire ne veut pas entendre parler de cela : il s’en remet à un hypothétique « plan de relance européen ». « Il faut une réponse forte et coordonnée de l’UE », a-t-il assuré. C’est en réalité la reprise de son leitmotiv depuis 2017 selon lequel l’Allemagne doit dépenser davantage. Mais cette réponse, qui a toujours été reçue avec indifférence à Berlin, semble aujourd’hui bien dérisoire. Il faut agir vite et directement. La stratégie européenne de Bercy est donc très largement dilatoire, elle vise à écarter la question d’une action énergique et rapide en France. Pendant que l’on discutera à Bruxelles, l’incertitude continuera à se répandre et à détruire le tissu économique.
Au reste, a-t-on besoin d’un énième minuscule plan de relance du type de ceux qui avaient été mis en place après la crise de 2008 et qui proposaient principalement des primes à la casse automobile ? Si les consommateurs s’inquiètent, ils ne consommeront pas davantage, sauf si l’État montre qu’il existe une vie après le virus... Par ailleurs, ce serait oublier que 2008 fut une occasion perdue où l’initiative de la vraie relance a été laissée à la Chine dans une fuite en avant financière et industrielle mortifère pour le climat. N’a-t-on pas besoin plutôt d’investissements rapides créant des marchés nouveaux pour les entreprises et d’un renforcement de notre filet de sécurité sociale ? Comment expliquer que le ministre de l’économie et des finances n’évoque même pas les besoins d’un secteur hospitalier qui, avant même l’épidémie, était déjà au bord de l’effondrement ? Les besoins urgents sont immenses, ils sont liés à la crise sanitaire actuelle, mais aussi aux questions sociales et environnementales qui étaient déjà là avant elle. Mais répondre de cette façon suppose aller plus loin que les maigres exceptions temporaires tolérées par le pacte de stabilité de croissance européen.
Bruno Le Maire reste donc un néolibéral largement aveugle aux besoins et aux réalités du pays. Autant dire qu’il y a peu de raisons de croire sa nouvelle obsession, qu’il a de nouveau répétée avec solennité lors du point presse : « Il y aura un avant et un après coronavirus. » Et de poursuivre qu’il faudra « relocaliser » des industries. Soit, mais cette volonté est à double tranchant. Car si l’on demande aux laboratoires pharmaceutiques de relocaliser, on leur demande de réduire leurs profits, donc leurs dividendes, donc leurs valeurs boursières. Cela ne sera pas possible. À moins, évidemment, que le gouvernement ne donne de nouveaux gages sur le plan de la régulation et du coût du travail. On comprend que ce changement de paradigme n’en sera pas un et que le prix à payer sur la relocalisation sera, à n’en pas douter, à nouveau, la destruction du modèle social. Et si, comme en 2008, on compte encore sur la reprise chinoise, on oubliera vite ces belles intentions de relocalisations.
De même, il est illusoire de se réjouir que Bruno Le Maire laisse filer le déficit public en 2020 comme il l’a sous-entendu. Ce déficit se creusera naturellement avec la récession et il se creusera d’autant plus que les aides au capital seront renforcées. Dans la situation actuelle, c’est un minimum que de ne pas annoncer un plan d’austérité. Mais que se passera-t-il ensuite lorsque la situation se sera stabilisée ? Inévitablement, on ressortira les vieux réflexes, que Bruno Le Maire n’a du reste cessé d’agiter depuis 2017, de la dette et du déficit. Alors viendra le temps de l’austérité, d’autant plus justifiée qu’il faudra « relocaliser » en régime de compétition fiscale internationale et mener une politique de l’offre. C’est le schéma classique de la présidence Sarkozy qui avait laissé le déficit se creuser jusqu’à près de 8 % en 2009 avant de réaliser un tour de vis extrêmement violent en 2010 et 2011. Bruno Le Maire le sait bien, il était à l’époque au gouvernement.
L’attachement, en pleine panique, de ce ministre à la politique de l’offre et à un État au service du capital, montre bien combien on essaie à nouveau de rejouer la même musique qu’en 2008-2009. Il est donc urgent d’en être conscient, mais aussi de conserver la tête froide pour réfléchir aux fragilités actuelles de notre modèle économique. Face à un capitalisme affaibli par son incapacité à générer de la productivité, il convient de réfléchir à un modèle centré sur les besoins réels de la population.
Romaric Godin
• MEDIAPART. 9 MARS 2020 :
https://www.mediapart.fr/journal/france/170320/l-economie-francaise-en-etat-d-exception?onglet=full