En 2006, j’ai voté la confiance au gouvernement Prodi, conformément au mandat que j’avais reçu et relativement au programme de la coalition gouvernementale de l’Union, qui ne comportait à l’époque ni la guerre sans limites en Afghanistan, ni l’agrandissement de la base américaine de Vicence. Abstraction faite des désastres sociaux découlant du maintien des lois 30, Moratti et Bossi-Fini [1], et d’une loi financière libérale, le triptyque constitué par la flambée des dépenses militaires, l’engagement à Kaboul jusqu’en 2011 au moins et le soutien logistique à la guerre avec la nouvelle base de Vicence marque une profonde rupture avec toute option - même modérée - de gauche et de paix. Aux demandes d’un changement de cap concernant la base militaire, à la suite de la manifestation du 17 février, il a été répondu : « Nous continuerons » (Prodi) ; « Tout changement de cap serait vécu comme hostile envers les États-Unis » (le ministre des Affaires étrangères D’Alema). Et le ministre Padoa Schioppa d’ajouter : « Nous ferons le Tav [2]. » Autant de camouflets infligés aux revendications des mouvements sociaux. C’est pourquoi, j’ai choisi de ne pas participer au vote d’approbation de la politique étrangère du gouvernement, agissant ainsi en cohérence totale non seulement avec mes idées, mais avec le programme de mon parti.
L’opération du gouvernement est évidente. La tentative d’élargir à droite le nouvel exécutif, avec Follini [3], est la conséquence préméditée pour la mise en œuvre d’une « phase deux » du gouvernement. Lors de la « phase une », le gouvernement a criminalisé les luttes syndicales et pacifistes afin de préparer des attaques contre les retraites et l’offensive guerrière en Afghanistan. Il est trop commode, pour les dirigeants du PRC et d’autres, de me transformer en « bouc émissaire » afin de ne pas admettre la faillite de l’infléchissement à gauche de l’Union et cacher la manœuvre d’ouverture accrue au centre.
Le climat de chasse aux sorcières dont je suis victime, comme toute la mouvance de la Gauche critique, outre qu’il est bien anachronique, s’avère grotesque. Je ne crois pas à la validité d’une politique qui défile le samedi contre la guerre et vote, le mercredi suivant, en faveur d’interventions militaires au nom d’un prétendu réalisme.
On m’a beaucoup accusé de vouloir garder les mains propres mais, pour moi, s’il n’existe pas d’unité entre action et conscience, la politique est vouée à n’être qu’une pure technique d’exercice du pouvoir. L’incohérence entre les comportements guidés par des choix institutionnels et les intentions sociales proclamées est une des causes de la crise de la politique, ne pouvant qu’engendrer la démoralisation et la désagrégation des mouvements que l’on voudrait construire.
Ces conceptions, le Parti de la refondation communiste les a défendues durant de nombreuses années, avant de se convertir au “pragmatisme”. C’est la raison pour laquelle je confirme que je ne voterai jamais les guerres, pas plus qu’une réforme contre les retraites ou une décision sur le train à grande vitesse. Je ne trahirai pas les raisons m’ayant conduit au Sénat, qui n’est pas « le centre de la politique » car, pour moi, ce dernier reste la mobilisation sociale, celle des travailleurs et des travailleuses - surtout lorsque le Sénat se caractérise, comme aujourd’hui, par son indifférence à cette mobilisation.
Notes,
1. Lois adoptées par le gouvernement Berlusconi : la loi 30 flexibilise les contrats de travail, la loi Moretti est une réforme néolibérale de l’enseignement et la loi Bossi-Fini restreint les droits des immigrés.
2. Projet de train à grande vitesse reliant Turin à Lyon.
3. Ex-ministre centriste de Silvio Berlusconi.