Vladimir Poutine a chargé le gouvernement d’assurer aux citoyens la gratuité de l’accès aux “ressources Internet russes”, rapporte le quotidien en ligne Gazeta.
“Considérant la situation actuelle, a déclaré le ministre du Développement numérique, des Communications et des Médias, Maksout Chadaev, l’accès à Internet pour des personnes contraintes de rester chez elles de façon prolongée peut être considéré comme un besoin de première nécessité.”
Selon lui, cinq des principaux opérateurs de télécommunication du pays soutiendraient cette initiative. Depuis le 1er avril, ils ne coupent plus l’accès aux “sites socialement importants” pour “les personnes n’ayant pas pu, pour une raison ou une autre, payer leur facture”.
Le ministre a énuméré les premières ressources qui seront accessibles gratuitement. La liste compte 370 sites web répartis en 18 catégories pour un public global de 50 millions de personnes. Parmi eux : les réseaux sociaux et les “communautés d’intérêts”, le service de poste électronique et les messageries, les sites d’informations et les médias en ligne, des ressources dans les sphères de l’éducation, la médecine, la culture, le sport et les sciences, les sites des services publics, les portails web des grandes surfaces, les services bancaires et financiers, les sites de recherche d’emploi.
Un des rares pays à posséder ses propres réseaux sociaux et moteurs de recherche
Le confinement imposé à la majeure partie de la population pour cause de pandémie donne à Vladimir Poutine l’occasion d’accélérer la mise en œuvre de l’accès gratuit au Runet (l’Internet russe), annoncé dans son discours du 15 janvier 2020. Il avait alors admis qu’Internet faisait “indéniablement partie de la vie quotidienne” des gens, et souligné que la Russie était “l’un des rares pays dans le monde à se flatter de posséder ses propres réseaux sociaux, messageries et systèmes de recherche”.
En effet, on peut citer le réseau social très populaire VKontakte (VK), les messageries Mail.ru Agent, ICQ, TamTam, Telegram, ainsi que le moteur de recherche Yandex. Le président avait alors conclu : “C’est pourquoi je propose de préparer et de lancer le projet Internet à la portée de tous.”
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Quelques jours après l’annonce du chef du Kremlin, le journaliste de la radio d’opposition Échos de Moscou, Alexandre Pliouhtchev, avait exprimé de fortes réserves à ce sujet sur le site de la Deutsche Welle :
Bien sûr, tous ces sites gratuits seront entièrement sous le contrôle de l’État, avec la possibilité pour lui de recueillir les données des utilisateurs, d’accéder à leur correspondance et de surveiller toutes sortes d’autres aspects de leur activité numérique.”
Un réseau souverain
D’après les experts consultés par le journaliste, cette avancée sociale permettrait, “au moins partiellement, de mener à bien le grand projet de l’Internet russe ‘souverain’ au sujet duquel une loi spécifique a même été adoptée”. Il s’agit en effet de la loi de mai 2019, “visant à assurer la sécurité et le bon fonctionnement de l’Internet russe en cas de blocage ou d’attaque venant de l’étranger”, qui avait provoqué d’importantes manifestations dans les grandes villes.
Les experts ont reconnu qu’une partie importante des utilisateurs pourraient bel et bien profiter d’un Runet gratuit, “ceux notamment pour qui l’utilisation d’Internet se limite à faire des recherches sur Yandex, communiquer sur VKontakte ou consulter les services publics”. Or, si ces utilisateurs s’avèrent très nombreux, le blocage des sites étrangers en cas de nécessité – Facebook, Twitter, Google, YouTube – “ne sera plus perçu (par le pouvoir) comme un prix trop élevé à payer”.