Cinéaste, autrice, traductrice, metteure en scène, tout convergeait dans son œuvre vers la quête du « mot juste » celui qui défie le temps, l’espace, l’histoire et tous les déterminismes. Sa vie entière, en effet, aura été dédiée à la poésie et à la puissance émancipatrice des mots, ceux qui fabriquent des images, lorsqu’ils deviennent capables de « rayer le futur » (V. Khlebnikov), de « changer le passé » (A. Gatti), celui des vaincus afin de leur offrir un présent enfin habitable.
Les vies d’Hélène Châtelain et d’Armand Gatti se sont entremêlées au début des années 1960 pour ne plus, dès lors, jamais cesser de s’accompagner. De Montbéliard à Toulouse, de Derry à Los Angeles, de la Berbeyrolle à Montreuil : des films en témoignent Le lion, sa cage et ses ailes (1976), La Première lettre (1979), Irlande, terre promise (1982), Chant public devant deux chaises électriques (2003)... des pièces : Chant public devant deux chaises électriques (1964), V comme Vietnam (1967), La Cigogne (1967), Le Joint (1975), Le Cheval qui se suicide par le feu (1977), Le Labyrinthe (1982), des mises en scène : La Journée d’une infirmière ou pourquoi les animaux domestiques (1969), L’Enfant-rat (2008), des émissions de radio Le Principe écriture (1988)), des textes aussi sur Opéra avec titre long, Les Personnages de théâtre meurent dans la rue, des articles dans la revue Europe : L’insurrection de l’esprit.
Hélène Châtelain fut l’une des compagnes de route majeure des trajets empruntés par La Parole errante, « ce lit où dix, vingt, trente fleuves coulant de front peuvent devenir chant ».
Elle y explorait ses propres chemins, suivant ses fleuves à elle, en Russie notamment, dont elle est revenue avec des films : La Cité des savants (1994) Nestor Makno, un paysan d’Ukraine (1995/97) Le Goulag (1999/2000) Le Génie du mal (2004), des mots, des livres. Elle en a offert la traduction et la publication dans son importante collection « Slovo » chez Verdier.
Sa dernière découverte : Éloge des voyages insensés de Vassili Golovanov. En 2009 elle obtient pour ce livre le prix Russophonie pour sa traduction.
Libertaire, libre, elle n’a cessé de s’appliquer à elle-même la précieuse recommandation de Makhno :
Prolétaires du monde entier, descendez dans vos propres profondeurs, cherchez-y la vérité, créez-la : vous ne la trouverez nulle part ailleurs.
Cette vérité qu’elle a donné à voir, à entendre, à partager fait signe vers la « seule dimension habitable / la démesure ». Elle reste vive et vivante.
Jean Jacques Hocquard
Les ateliers de créations radiophoniques produits par Hélène Chatelain :
Le marque page sur Sigismund Krzyzanowski
https://archive.org/details/lemarquepagehelenechatelainacr
Le principe écriture (du temps de l’archéopteryx)
:https://archive.org/details/leprincipeecriturei.1
https://archive.org/details/leprincipeecritureii.1
https://archive.org/details/leprincipeecritureiii.1