Pendant des années, Oum Mohamed Talba a gagné sa vie en vendant des vêtements sur les marchés hebdomadaires aux quatre coins de la bande de Gaza.
À la fin de la semaine, au prix de longues journées harassantes, cette femme de 48 ans parvenait tout juste à acheter de quoi manger à ses enfants et des médicaments à son époux malade.
Mais tout a changé au mois de mars. Depuis les mesures prises pour lutter contre le coronavirus, les marchés hebdomadaires sont fermés, et sa vie d’avant, aussi dure qu’elle fût, lui apparaît désormais comme un rêve.
“Aujourd’hui, je n’ai plus assez d’argent pour acheter ne serait-ce que du pain”, explique-t-elle.
L’impact du coronavirus
Sa vie de misère est emblématique des souffrances qu’endurent les quelque 2 millions de Palestiniens enfermés dans ce petit bout de territoire.
L’arrivée du coronavirus a eu des effets sur tous les aspects de la vie. Quand les deux premiers cas d’infection ont été détectés, le Hamas– qui est au pouvoir à Gaza – a décrété l’état d’urgence comme mesure de précaution pour éviter la propagation de la maladie.
Écoles, universités, salles des fêtes, restaurants et marchés ont été fermés, et la prière à la mosquée a été interdite.
La situation économique, qui était déjà calamiteuse en raison notamment du blocus qu’Israël impose depuis 2007, s’est encore dégradée.
Le sort des travailleurs journaliers
L’interruption des services et l’arrêt de l’activité industrielle ont provoqué une hausse du chômage à des taux sans précédent depuis des années. Cela touche plus particulièrement les travailleurs journaliers.
Mahmoud Abou Dan, 28 ans, avait un buffet dans une école où il vendait des sandwichs. Lui aussi, depuis l’état d’urgence sanitaire décrété le mois dernier, se retrouve au chômage.
“C’était ma seule source de revenus. Pas seulement pour moi, mais également pour les cinq autres qui y travaillaient avec moi. Ils ont tous des engagements financiers à respecter. Sans travailler, ils n’ont même plus de quoi acheter à manger”, déplore-t-il.
“Alors que nous entrons dans le deuxième mois de confinement, nous n’avons reçu aucune aide, ni du gouvernement, ni de l’UNRWA [Agence onusienne de soutien aux réfugiés palestiniens], ni des ONG. Or nous en avons besoin pour tenir dans ces circonstances d’une exceptionnelle gravité.”
“Je vais finir dans la rue avec mon épouse”
Il ne doit pas seulement se battre contre la pauvreté, mais également vivre avec le risque d’être arrêté. Car il n’arrive plus à rembourser les traites pour le crédit qu’il avait contracté afin de payer le loyer de son buffet et avancer les sommes nécessaires à l’achat des produits de base.
Ahmed Samara est diplômé en droit, mais cela fait sept ans qu’il travaille comme garçon de café. À 31 ans, il a pu se marier il y a quelques mois.
Mais les vents contraires sont de plus en plus puissants. Le café où il travaillait, à l’instar de tous les lieux de sortie, est fermé. “Sans emploi, je n’arrive pas à payer mon loyer. Si cela continue comme cela, je vais finir dans la rue avec mon épouse.”
La situation sanitaire a également mis un coup d’arrêt à l’activité du secteur tertiaire. Quelque 200 restaurants et hôtels restent fermés, ce qui signifie qu’environ 3 000 personnes se retrouvent au chômage.
Sans compter les nombreux investisseurs qui croulent sous les charges financières. Ce secteur était déjà durement touché, depuis de longues années, par le blocus israélien.
Les pays donateurs gèrent leurs propres crises
Ces derniers temps, le taux de pauvreté, à 53 %, était déjà l’un des plus hauts du monde. Il pourrait grimper à plus de 90 % compte tenu de l’arrêt de la vie économique, de l’absence de soutien international et du fait que les pays donateurs sont eux-mêmes accaparés par les problèmes internes que leur pose l’épidémie.
Quant au taux de chômage, il était à 52 % en début d’année, mais atteint désormais 90 %.
La porte-parole de la Croix rouge internationale à Gaza, Suhair Zakkout, a déclaré que la situation humanitaire est passée de grave à catastrophique. Selon elle, il ne faut surtout pas réduire les aides internationales aux habitants puisque environ 80 % d’entre eux en dépendent. Qui plus est, les stocks de denrées essentielles ne sont pas suffisants pour faire face à une crise prolongée.
À cela s’ajoutent les insuffisances du système sanitaire. Il n’y a pas assez de personnel dans les services de réanimation, pas assez de respirateurs, sans compter les fréquentes coupures d’électricité, le manque de médicaments, etc. Les hôpitaux seraient incapables de faire face si le nombre de personnes à traiter devait dépasser la centaine. Pour l’instant, il y a eu treize cas d’infection qui ont été notifiés par le ministère de la Santé. Il s’agit de personnes revenues de l’extérieur du territoire et de quelques autres qui avaient été en contact avec celles-ci. Huit ont guéri, les autres sont en confinement.
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Ali Moustafa
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