“À l’arrivée de la pandémie, Jamnong Paewsoongnern, 65 ans, a perdu son emploi de vigile dans un hôtel. Faute de travail, il sillonne la ville toute la journée sur sa moto à la recherche de dons de nourriture”, raconte le site Khao Sod. Mais le chômeur de fraîche date se désole :
“Je suis trop lent face aux plus jeunes et quand j’arrive tout est parti.”
C’est pourquoi l’installation de garde-manger solidaires dans sa ville de Korat, au nord de Bangkok, est apparue pour lui comme une aubaine. Car, là, plus la peine de faire la queue en espérant obtenir un petit quelque chose. Chacun peut y déposer quand il le désire un surplus de riz, des œufs, des conserves, des sachets de nouilles instantanées… “Les plus vieux, les chiffonniers ou les pauvres peuvent y récupérer des choses sans devoir jouer des coudes dans les files d’attente”, commente Jamnong.
Des donateurs poursuivis devant la justice
Les “garde-manger du partage”, ou “too pun sook” en thaï, “ont fleuri à travers la Thaïlande au cours du week-end”, rapporte ce lundi 11 mai Khao Sod. À l’origine de l’initiative, l’émotion suscitée par la réaction impitoyable des autorités face aux distributions de nourriture. Mi-avril, à Bangkok, une femme a ainsi été accusée d’avoir violé le décret d’état d’urgence car incapable de faire respecter les distances de sécurité entre les affamés. À Koh Samui, c’est un groupe d’étrangers qui s’est attiré les foudres de la police pour, lui aussi, avoir fait des dons sans maintenir l’espacement recommandé.
Indigné, Supakit Kulchartvijit, a expliqué, dans un post et une vidéo sur Facebook devenu rapidement viraux, qu’il avait ouvert quatre de ces garde-manger à Bangkok et un autre à Rayong. Avant que son exemple en inspire d’autres – on en compterait désormais plus de 150 dans 43 provinces thaïlandaises, selon le Bangkok Post.
“Ce sont des Farangs [Occidentaux] qui m’ont donné l’idée. Au début, beaucoup m’ont dit que toute la nourriture serait dévalisée, que certains en profiteraient pour faire des stocks ou même la revendre. Mais l’expérience prouve que les Thaïlandais ont un grand cœur.” Car, de fait, note Khao Sod, la plupart prennent seulement ce dont ils ont besoin.
La Thaïlande a été relativement épargnée par la pandémie de Covid-19, avec un peu plus de 3 000 cas rapportés à ce jour. Mais la crise économique dans le pays, un des plus inégalitaires au monde, atteint une ampleur inédite. Le secteur touristique est à l’arrêt. Une partie du secteur manufacturier aussi. Et en imposant le 21 mars la fermeture de la majorité des petits commerces, le gouvernement de Prayuth Chan-ocha a fini de priver les plus précaires de leurs principales sources de revenus.
Depuis, une partie des restrictions ont été levées. Mais le mal était fait. Près de 30 millions de Thaïlandais (sur une population de 70 millions) ont déposé une demande dans le cadre d’un programme d’aide intitulé “Aucun laissé-pour-compte”, rapporte The Diplomat. Cependant, seulement 13,4 millions ont été décrétés éligibles et ont reçu ou recevront les 5 000 bahts (142 euros) promis.
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