De nombreuses familles américaines “pourraient bientôt faire l’expérience redoutée de l’avis d’expulsion affiché à l’entrée, du shérif adjoint qui frappe à la porte, des biens empilés sur le trottoir”, annonce le New York Times.
Car au moment où les États-Unis sont confrontés “à une crise économique sans précédent depuis une génération”, et que “les aides gouvernementales et les protections juridiques s’épuisent pour des millions d’Américains”, les personnes qui louent leur logement semblent particulièrement démunies selon le quotidien new-yorkais.
Le journal redoute en effet qu’une vague d’expulsions frappe ces locataires “qui avaient de faibles revenus et peu d’économies avant même la pandémie”, et dont les frais de logement “absorbaient une grande partie de leur salaire”.
Payer à temps ?
Bien qu’environ 90 % des locataires américains aient payé leur loyer “en totalité ou en partie à la fin mai” – soit une baisse de 2 % seulement par rapport à l’année dernière – les propriétaires bailleurs craignent “que cette tendance ne dure pas”, observe le quotidien :
“Plus de [40 millions] de personnes [au 28 mai] ont déposé des demandes d’allocations-chômage depuis mars, dont une forte proportion de personnes vivant dans des ménages gagnant moins de 40 000 dollars par an. Dans une enquête publiée ce mois-ci par le Bureau du recensement, près d’un quart des personnes interrogées ont déclaré qu’elles n’avaient pas payé leur dernier loyer ou le dernier versement de leur crédit, ou encore, qu’elles n’étaient pas du tout sûres de pouvoir payer à temps le mois prochain.”
Les aides octroyées par le gouvernement ont été utiles, “tout comme les trêves d’expulsions instituées dans de nombreuses villes”, souligne le New York Times. Mais, selon Emily Benfer, spécialiste du logement à l’université de Columbia, les évictions, qui avaient été dans de nombreux cas placées en suspens en raison de la pandémie, seront bientôt autorisées dans près de la moitié des États américains. Faute de nouvelle intervention des autorités, “une avalanche d’expulsions” est d’après elle à craindre “dans tout le pays”.
“Une horloge qui tourne”
“C’est comme une horloge qui tourne”, abonde Sandy Naffah. Cette Américaine “d’une cinquantaine d’années” loue un studio dans la banlieue de Cleveland (Ohio) et a confié au New York Times qu’elle redoutait de se “retrouver à la rue”. Avant la pandémie, Sandy Naffah jonglait avec deux emplois à temps partiel - enseignante à mi-temps dans une école primaire et coach esthétique dans un centre commercial. Désormais, elle a pris du retard dans le paiement des 800 dollars mensuels de son loyer.
Dans certains États, la menace est déjà une réalité. La Cour suprême du Texas a “récemment décidé que les expulsions pourraient reprendre”, indique le New York Times. Et à Oklahoma City, les shérifs ont annoncé, “en s’excusant”, qu’ils prévoyaient de “commencer à appliquer les procédures d’expulsion cette semaine”. Dans quelques États, dont l’Ohio, les locataires n’étaient de toute façon guère protégés, même pendant la pandémie.
Avant la crise actuelle, l’expulsion était “une pratique courante” aux États-Unis. Environ 3,7 millions dossiers d’expulsion auraient été déposés en 2016, une année où le taux de chômage était de 4,7 %. Pour Matthew Desmond, sociologue de l’université de Princeton interviewé par le quotidien, il est difficile d’être optimiste pour les mois qui viennent :
“Maintenant, le chômage est à 14,7 %, et je ne vois pas comment nous éviterions une vague d’expulsions.”
The New York Times
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