Crédit Photo : Facebook Montreuil Rebelle
Retour sur un document élaboré par 20 associations et syndicats.
Le 26 mai était rendu public un « Plan de sortie de crise », qui propose 34 mesures sociales, écologiques et démocratiques, et défend la perspective de « changer de système » [1].
Revendications salutaires
« Un plan d’urgence pour l’hôpital public », « l’arrêt des soutiens publics aux acteurs polluants », « le renforcement des droits des travailleuses et des travailleurs », etc. : autant de propositions, portées par un cadre collectif inédit, qui sont désormais dans le débat public et qui ont comme premier mérite de venir contrer le « Il n’y a pas d’alternative » du discours dominant.
Si cet article n’est pas le lieu pour une analyse détaillée du « plan », certaines propositions méritent que l’on s’y arrête. Ainsi en va-t-il de l’une des mesures-phares proposées par le collectif, la réduction et le partage du temps de travail (mesure 11) : « Nous souhaitons que le temps de référence soit les 32 h hebdomadaires, sans perte de salaire ni flexibilisation. » Une revendication essentielle et d’actualité alors que le nombre de chômeurEs explose et que ce sont des centaines de milliers de licenciements et de suppressions de postes qui menacent.
Sur le terrain du logement, autre question-clé dans la période, on ne peut là encore que partager les revendications portées, qui répondent à l’urgence de la situation, même si l’on peut regretter l’absence de la mention d’un droit minimum et inconditionnel à l’énergie et à la fourniture d’eau : « Un moratoire des loyers et des traites doit être prononcé, avec apurement des dettes (1 à 2 milliards) pour les centaines de milliers de locataires et accédantEs en difficulté et rétablir les montants des APL. La réquisition des logements vacants spéculatifs et le respect de la loi DALO doivent être appliqués par le gouvernement. » (mesure 17)
Des discussions
D’autres propositions sont sujettes à discussion, telle la revendication de la constitution d’un « pôle public financier au service de l’intérêt général et sous contrôle démocratique », qui impliquerait une « coexistence » entre ce pôle public et les banques privées. Or on sait qu’une telle coexistence mènerait à des formes de socialisation des pertes (l’État finance les investissements de long terme, à la rentabilité incertaine) et de privatisation des profits (les investissements juteux et de court terme pour la finance privée), comme cela se passe, par exemple, dans le secteur de la santé. Seule la mise en place d’un monopole public, c’est-à-dire une socialisation sans indemnités ni rachat de l’ensemble du système bancaire, pourrait contrer de telles logiques.
Concernant la question des licenciements, la revendication de « la création d’un droit de veto des CSE sur les licenciements qui ne sont pas justifiés par des difficultés économiques graves et immédiates » est elle aussi fort discutable. Qui jugerait de la « gravité » et de l’« immédiateté » des « difficultés économiques » ? Quid des entreprises où il n’y a pas de CSE ? Et quand bien même, pourquoi laisser à l’appréciation d’un CSE à la composition variable l’appréciation de ce qui devrait être du domaine de la loi ? Et qu’en est-il, au-delà des licenciements, des non-renouvellements de CDD, des intérimaires, voire des ruptures conventionnelles ? Autant de questions auxquelles ne pourrait répondre qu’une véritable loi d’interdiction des licenciements et des suppressions de postes, telle que nous l’avons présentée la semaine dernière [2].
Questions stratégiques
La publication de ce « Plan de sortie de crise » est, enfin, l’occasion de discuter des questions stratégiques. Comment imposer de quelconques mesures à une bourgeoisie déterminée à ne rien lâcher et, au contraire, à faire passer toujours davantage de reculs sociaux ? Selon nous, une telle perspective doit s’appuyer sur la construction, au présent, des résistances aux politiques et aux projets capitalistes, faute de quoi les discussions sur le « possible » demeureront lettre morte.
Les bagarres qui s’amplifient à mesure que la « reprise » est effective, entre autres et notamment dans le secteur de la santé, mais aussi dans les entreprises, face aux vagues de licenciements et de suppressions de postes, ou encore du côté des luttes antiracistes et contre les violences policières, sont des points d’appui incontournables, car c’est bien le développement des mobilisations qui est la condition de l’émergence d’autres « possibles ». Soit l’inverse de la démarche proposée par l’appel dit « des 150 » [3] qui, sous couvert de fausse nouveauté, ne propose rien d’autre que la constitution d’une « alternative politique » autour du PS, de Place publique, d’EÉLV et des secteurs les plus droitiers du PCF, soit une issue exclusivement institutionnelle qui ne dit pas un mot des rapports de forces et des mobilisations à construire.
Julien Salingue