Dans les batailles sur les réseaux sociaux, le nombre est la variable critique. Et la police de Dallas en a fait les frais. Le 31 mai, son compte officiel Twitter affichait un appel à lui envoyer toute “vidéo montrant des activités illégales dans les manifestations [suite à la mort de George Floyd]” ou à lui transférer ces dénonciations par le biais d’une application dédiée. La vaste communauté des fans de K-pop (la musique pop coréenne) l’a détournée en inondant l’application de courtes vidéos (ou “fancams”) de ses idoles, si bien que la police de la ville texane a dû suspendre l’usage de l’application dès le lendemain, rapporte le site The Cut.
“Si vous êtes sur Twitter, il y a de fortes chances pour que vous les ayez croisés, ces fans invétérés de pop coréenne, aussi surnommés les ‘K-pop stans’”, poursuit cette émanation du New York Magazine.
“Ils constituent l’une des communautés les plus puissantes de la plateforme, capables de se mobiliser instantanément pour promouvoir leur groupe préféré – et organiser énergiquement sa défense. Aujourd’hui, ils unissent leurs forces pour une cause plus universelle : troller les suprémacistes blancs et interférer avec les opérations de surveillance de la police contre les manifestants.”
De fins stratèges dans la guerre des hashtags
De fait, les stans sont déjà très habitués à mener des campagnes virtuelles de promotion pour leurs idoles. Et c’est particulièrement sur Twitter et sur YouTube que leur influence s’exerce, car ils en maîtrisent les codes à la perfection : “Ils sont d’une impitoyable efficacité” résume The Cut. Mais ce qui a servi la coordination, et décuplé encore le poids de ce militantisme en ligne, c’est que les groupes de fans rivaux ont mis leurs querelles de côté : “Les EXO-Ls (les fans du groupe EXO) et les ARMY (les fans de BTS) sont les deux groupes les plus actifs au monde. [Et en dépit d’une certaine rivalité], plusieurs mèmes montrent que ces communautés rivales font à présent front commun.”
Ainsi, après la police de Dallas, une autre de leurs cibles a essuyé un déluge de messages aussi impressionnant. “Mercredi 3 juin, [ces groupes] avaient réussi à complètement submerger le hastag #WhiteLivesMatter, lancé en opposition au mouvement Black Lives Matter, en le saturant de vidéos de stars aux chorégraphies impeccables – et enterrant de fait ses messages de haine raciste.” Cette stratégie donne lieu à des plaisanteries : “On peut lâcher les fans de K-pop comme on réveille le Kraken [une créature fantastique issue de la littérature scandinave]”, qui s’accompagnent d’une vraie reconnaissance : The Cut cite l’écrivaine Talia Lavin dénonçant “les services de police d’Huntington Beach [en Californie] – réputés pour leur racisme” et appelant les fans de K-pop à réitérer l’exploit de Dallas.
우리는 인종차별에 반대합니다.
우리는 폭력에 반대합니다.
나, 당신, 우리 모두는 존중받을 권리가 있습니다. 함께 하겠습니다.We stand against racial discrimination.
We condemn violence.
You, I and we all have the right to be respected. We will stand together.#BlackLivesMatter— 방탄소년단 (@BTS_twt) June 4, 2020
Quant aux groupes de K-pop eux-mêmes, ils ont tendance à s’exprimer de plus en plus ouvertement pour défendre les mouvements en faveur de la justice sociale. De nombreux groupes et personnalités, dont l’incontournable BTS, ont explicitement pris position en faveur de Black Lives Matter. “Les K-pop stans ont ainsi le sentiment que leurs idoles approuveraient la façon dont ils les utilisent sur les réseaux,” conclut The Cut.
New York Magazine
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