« Le premier message ce soir de Perpignan, c’est que ce front dit républicain est tombé et il est tombé ici à Perpignan. Demain, il pourrait tomber ailleurs. » À peine les résultats connus dans la ville où il se présentait pour la quatrième fois, Louis Aliot, interrogé par France 2, a tenu à faire de sa victoire un symbole de conquête future pour son parti. Il est vrai qu’avec Perpignan, le Rassemblement national remporte – depuis la victoire à Toulon en 1995 – sa première ville de plus de 100 000 habitants.
Comme le rappelle l’historien Nicolas Lebourg, le score de Louis Aliot (52,7 % des voix) face au maire sortant LR Jean-Marc Pujol (47,3% des voix) tient beaucoup à « la décomposition de l’offre politique dans cette ville extrêmement inégalitaire et extrêmement pauvre ». Face au rejet suscité par le maire sortant, héritier de l’« alduysme » et de ses pratiques clientélistes, Aliot a su mener une campagne « modérée », en rangeant son étiquette RN dans sa poche. « Dès 2007, Aliot avait annoncé la couleur en expliquant qu’ici la radicalité ne paie pas », se souvient Nicolas Lebourg pour qui le candidat RN a su parfaitement s’adapter au contexte perpignanais.
Pourtant, derrière cet incontestable succès, le RN a échoué en réalité dans son pari de se forger un ancrage local. Ce dimanche, le parti d’extrême droite n’a engrangé que de maigres victoires. Marine Le Pen a beau se féliciter de la victoire de son parti à Perpignan – devant permettre, selon elle, de « démontrer que nous sommes capables de gérer des grandes collectivités » –, le RN n’a que peu de nouvelles communes à mettre dans son escarcelle, hormis les villes déjà conquises au premier tour comme Fréjus, Hénin-Beaumont, Hayange, Beaucaire, Le Pontet, Béziers.
À Moissac, dans le Tarn-et-Garonne, l’ancien assistant parlementaire de Marion Maréchal, Romain Lopez, 31 ans, l’emporte dans une ville historiquement ancrée à gauche. À Mazan, petite commune du Vaucluse de 5 000 habitants, le candidat Louis Bonnet, transfuge de LR, a remporté la mairie. Pas de quoi compenser les échecs à ravir Avignon, Carpentras ou Cavaillon que le RN lorgnait.
Dans le Nord, à Bruay-la-Buissière, au cœur du bassin minier, Ludovic Pajot, 26 ans, ancien attaché parlementaire de Steeve Briois, a gagné face au maire sortant de gauche. Une victoire qui ne saurait faire oublier dans les Hauts-de-France les échecs du parti à Maubeuge, Denain ou Lens où le RN nourrissait pourtant de sérieux espoirs.
Le RN a aussi perdu l’emblématique mairie du 7e secteur de Marseille où Stéphane Ravier s’est incliné face à David Galtier (LR) mais aussi Mantes-la-Ville où Cyril Nauth a dû céder la place au candidat sans étiquette Samy Damergy.
La stratégie du parti qui avait affirmé qu’il privilégierait la qualité de ses listes plutôt que la quantité – il n’a présenté que 262 listes dans les villes de plus de 10 000 habitants contre 369 en 2014 – n’a semble-t-il pas porté ses fruits.
Comme l’a déjà montré cette enquête de la Fondation Jean-Jaurès à partir des résultats du premier tour [1], partout où le RN a présenté des listes, il est en net recul par rapport à 2014.
Le scrutin municipal reste l’un des moins favorables au parti d’extrême droite qui peine notamment à constituer des listes, même sur des territoires où il réalise d’excellents scores au niveau national. Comme le rappelle ici Sylvain Crépon [2], il n’a aucun allié, et ne peut la plupart du temps remporter des mairies qu’à la faveur de triangulaires ou quadrangulaires, qui restent assez rares.
Alors que Marine Le Pen voulait faire de ces élections un tremplin avant les départementales, les régionales, et évidemment l’élection présidentielle, elle devra se contenter d’un petit marchepied.
Lucie Delaporte