Archevêque de Paris, Mgr André Vingt-Trois devrait prochainement rendre publique sa décision d’ouvrir un procès de béatification du professeur Jérôme Lejeune (1926-1994), codécouvreur de la trisomie 21, devenu un militant ardent de la lutte anti-avortement. En ouvrant - dans le diocèse de Paris, selon la procédure - cette cause de béatification de Jérôme Lejeune (dont la poursuite dépendra d’un premier « miracle »), l’Eglise entend que soit honorée « sur ses autels » cette figure hautement symbolique. Mais en louant les mérites d’une personnalité aussi contestée, elle risque de mobiliser à nouveau partisans et adversaires de l’interruption volontaire de grossesse (IVG).
C’est en 1959 que Jérôme Lejeune, né à Montrouge (Hauts-de-Seine) le 13 juin 1926, met au jour, au sein d’une équipe de chercheurs, la présence d’un chromosome supplémentaire, à l’origine du « mongolisme ». Au lieu d’en tirer les conséquences en terme de droit au dépistage de la femme enceinte et à l’interruption de la grossesse, il fait le choix inverse : accepter et soigner la maladie, secourir les femmes « en détresse », accueillir les enfants trisomiques.
Devenu en 1963 directeur de recherches au CNRS, puis professeur de génétique à la faculté de médecine de Paris et à l’hôpital Necker-Enfants malades, Jérôme Lejeune met sa notoriété, comme conseiller scientifique, au service de l’association Laissez les vivre, qui mène la mobilisation contre la loi de dépénalisation de l’IVG (1975).
Fervent catholique, père de cinq enfants (dont Clara, épouse de l’ancien ministre Hervé Gaymard), le professeur Lejeune devient la figure laïque emblématique des combats de l’Eglise pour « la défense de la vie ». Il défend l’encyclique Humanae vitae de Paul VI (1968), qui condamne les contraceptifs (pilule, stérilet) et soulève des tempêtes au sein même de l’Eglise. Puis l’instruction Donum vitae du cardinal Ratzinger, condamnant la procréation médicalement assistée (1987). C’est sur sa pression que Mgr Lustiger, archevêque de Paris met fin aux fécondations in vitro à l’hôpital Notre-Dame-de-Bon-Secours à Paris.
Jean Paul II est son ami. Nommé en 1994 président d’une « Académie pour la défense de la vie », c’est Jérôme Lejeune qui conseille le pape dans la rédaction de ses documents les plus violents contre l’avortement. A sa mort, le 3 avril 1994, Jean Paul II qualifie son « frère Jérôme » de « défenseur ardent de la vie », de « grand chrétien du XXe siècle ». En France en août 1997 (pour les Journées de la jeunesse), il se rend le 22 août sur sa tombe à Chalo-Saint-Mars (Essonne).
La reconnaissance par l’Etat, en 1996, de l’association des Amis du professeur Lejeune relance les protestations du Planning familial. Les mouvements féministes verront toujours dans Jérôme Lejeune l’inspirateur des « commandos anti-avortement », dont l’Eglise a toujours désapprouvé la violence. Aujourd’hui, le dépistage de la trisomie 21 est devenu courant chez les femmes enceintes et le nombre de naissances d’enfants trisomiques est très limité.