La “tempête” promise depuis des mois par le ministre de la Santé sud-africain est arrivée. Avec plus de 360 000 cas de Covid-19 recensés le 19 juillet 2020, la première puissance industrielle d’Afrique est désormais le cinquième pays le plus touché de la planète par la pandémie. Plusieurs fois saluée par l’OMS pour sa gestion de la crise, sur le papier, l’Afrique du Sud semble s’en sortir mieux que beaucoup de ses compagnons de galère jusqu’ici. Le pays vient de franchir la barre des 5 000 décès quand le Mexique, qui compte presque autant de cas, pleure 40 000 morts. En France, où deux fois moins d’infections ont été recensées, le virus a fait 30 000 morts.
Officiellement, le ministre de la Santé sud-africain, Zweli Mkhize, assurait récemment que “les hôpitaux n’ont pas encore atteint leur capacité maximale”. Dans les provinces les plus touchées pourtant, la presse rapporte de nombreuses difficultés qui virent au cauchemar par endroits. Ainsi dans la province du Cap-Oriental, une enquête de la BBC a révélé l’effroyable réalité des “hôpitaux de l’horreur”, où des patients se battent pour de l’oxygène et où les médecins jouent les brancardiers et épongent le sol faute de personnel.
Johannesburg, désormais surnommée “Wuhannesburg”
Début juillet, le Daily Maverick rapportait également que l’agglomération de Port Elizabeth, qui compte plus d’un million d’habitants, ne possédait que deux ambulances publiques – d’autres ont été ajoutées depuis. Un détachement du ministère de la Santé envoyé sur place confirme la gravité des problèmes au Sunday Times. “Ce que les médias ont vu et révélé, nous craignions de le découvrir. Dans certains cas, nous avons vu pire. Depuis des années, la province manque de ressources en matière de santé, l’évolution de la pandémie fait peser une pression supplémentaire immense sur le système”, explique l’un des experts envoyés sur place.
Devenue l’épicentre de la pandémie dans le pays, la province de Johannesburg, désormais surnommée “Wuhannesburg” par certains, n’est pas épargnée. Dans une note révélée par le Daily Maverick, un médecin estime être contraint de faire de la “médecine du bush” faute de ressources. Si les hôpitaux désignés par l’État pour prendre en charge les cas de Covid-19 semblent tenir le coup pour l’instant, les cliniques censées leur adresser les patients potentiellement atteints du Covid-19 sont à la peine.
Manque d’équipements
Alors que les infections au sein du personnel soignant sont nombreuses, tous les jours, certaines cliniques doivent tirer le rideau afin de décontaminer les établissements, laissant les patients sans recours. Quand elles fonctionnent, c’est le système informatique permettant de faire le lien avec les hôpitaux afin de diriger les patients vers les lits disponibles qui fait défaut, obligeant médecins et infirmières à passer des heures au téléphone pour trouver de la place, raconte le Daily Maverick. Le 12 juillet, le gouvernement sud-africain a de nouveau interdit la vente d’alcool afin de libérer des lits. Début juin, la levée de l’interdiction avait immédiatement saturé de nombreux services de traumatologie..
Régulièrement, la presse se fait également l’écho du manque d’équipements de protection, de personnel et d’oxygène dans certains établissements. Il y a quelques semaines, dans le township de Khayelitsha au Cap, la BBC révélait que les patients les plus sévèrement atteints étaient directement placés en soins palliatifs afin de préserver les réserves d’oxygène médical. Le problème de l’approvisionnement en oxygène, mondial, est pris très au sérieux par le gouvernement sud-africain, qui cherche à augmenter sa production par tous les moyens alors que le pays se prépare à affronter le pic de l’épidémie dans les semaines à venir.
Mathilde Boussion
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