Alors que se tient ce mercredi 19 août une nouvelle réunion extraordinaire de l’Union européenne sur la crise biélorusse, la candidate à l’élection présidentielle du 9 août, exilée provisoirement en Lituanie, Svetlana Tikhanovskaïa, s’est adressée à Bruxelles pour demander aux dirigeants européens de ne pas reconnaître les résultats du scrutin biélorusse qui ont attribué la victoire au président sortant, rapporte le quotidien russe Gazeta.ru.
Comme le signale le quotidien russe Kommersant, ce 19 août doit également avoir lieu la première assemblée du Comité de coordination pour le transfert du pouvoir, créé par Svetlana Tikhanovskaïa, au cours duquel seront élus le présidium et le président.
Loukachenko “se retire dans le monologue”
Le 17 août, rappelle Kommersant, Alexandre Loukachenko a semblé faire une concession en acceptant de nouvelles élections sous condition qu’une nouvelle Constitution soit adoptée par référendum. Mais depuis, comme l’écrit en titre le quotidien, il s’est “retiré dans le monologue”, au lieu d’entrer en discussion avec l’opposition.
En effet, le 18 août après-midi, il s’en est pris violemment au Comité de coordination pour le transfert du pouvoir, dont son adversaire exilée en Lituanie, Svetlana Tikhanovskaïa, venait de dévoiler la composition avec la liste des 36 premiers membres. Sans s’encombrer de subtilités, comme à son habitude, il les a traités d’“anciens nazis humiliés et débridés”, avant de les accuser de tentative de coup d’État.
Selon lui, l’opposition essaie de “bercer” les autorités et les forces de l’ordre en se faisant passer pour “pacifiques et gentils”. “Mais c’est une façade. Si vous regardez derrière, vous verrez ce qu’il s’y passe : une tentative de prise du pouvoir avec toutes les conséquences que cela implique”, a-t-il asséné, comme le relaie le quotidien Moskovski Komsomolets.
Il a ensuite menacé tous les membres du comité, affirmant que le pouvoir prendrait à leur encontre les mesures légales adéquates :
“Nous avons suffisamment de lois pour refroidir certaines têtes brûlées.”
Poutine accepte ponctuellement de faire l’intermédiaire entre Minsk et l’UE
Parallèlement, le 18 août, Vladimir Poutine s’est entretenu au téléphone avec trois dirigeants européens, à l’initiative de ces derniers – Emmanuel Macron, Angela Merkel et le président du Conseil de l’Europe, Charles Michel. Alors que l’UE s’est prononcée pour des sanctions contre le régime de Loukachenko, “le président russe a souligné le caractère inadmissible de l’ingérence dans les affaires intérieures de la Biélorussie et de toute pression sur la direction biélorusse”, a rendu compte le service de presse du Kremlin, cité par Kommersant.
Cependant, après l’insistance de la chancelière allemande, qui a plaidé pour la cause de la liberté d’expression et de rassemblement, demandé la libération des prisonniers politiques et affirmé l’urgence d’un “dialogue national” en Biélorussie, le président russe semble finalement avoir cédé au discours de Merkel, estime le journal.
Il a ainsi joint Alexandre Loukachenko au téléphone et l’a informé qu’il était en contact avec les dirigeants français et allemand. Le président biélorusse ne s’est quant à lui entretenu avec aucun leader occidental depuis le début de la crise.
Commentant la situation de l’opposition, le journaliste politique biélorusse Alexandre Klaskovski estime,sur le site indépendant Bielorousski Partizan, que “les prochains jours seront décisifs”, et souligne les difficultés :
“Les partisans du changement de pouvoir n’ont pas pour l’instant d’état-major unifié opérationnel, sans parler de plan, Tikhanovsaïa est à l’étranger, et le Comité de coordination est à peine constitué qu’il subit déjà une attaque massive.”
Loukachenko ne se pressera pas pour capituler
Sur le front des grèves, “puissant levier de pression sur les autorités”, poursuit le journaliste, “beaucoup d’usines sont en ébullition, brandissent leurs revendications, créent des comités de grève”. Mais concernant le développement du mouvement de grève dans sa globalité, “le tableau n’est pas clair, et les informations sont contradictoires”.
“Les administrations vont faire pression sur les ouvriers, qui n’ont pas beaucoup de ressources financières et tiennent à leur poste de travail. Et les services spéciaux vont mener la vie dure aux leaders”, poursuit-il. Selon lui, Alexandre Loukachenko a bien l’intention d’“écraser” ce mouvement, et dans tous les cas “il ne se pressera pas de capituler”. “La guerre des nerfs va commencer”, conclut-il.
Laurence Habay
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