Le Parti communiste a fait sa rentrée, samedi 29 août, à Malo-les-Bains, près de Dunkerque (Hauts-de-France). Le décor a aussi servi au tournage de la troisième saison de la série Baron noir. Cette fiction politique très réaliste met en scène l’union de la gauche. Une union moins évidente en dehors du petit écran et ce malgré une rentrée qui s’annonce désastreuse avec la crise sanitaire et sociale.
Cent ans après sa création, le PCF affiche le besoin d’affirmer son identité face à La France insoumise (LFI). Le parti a réussi à se maintenir tant bien que mal lors des dernières élections municipales, essuyant néanmoins des pertes importantes [1] avec un vrai risque de perdre le Val-de-Marne, dernier département communiste. Les municipales ont néanmoins rappelé que le PCF demeure une force politique avec un ancrage local, quand La France insoumise a enchaîné les camouflets lors des européennes et des municipales.
« On n’a plus envie de se faire marcher dessus par La France insoumise », résume une membre de la fédération du Nord, dont est issu le secrétaire général du parti, Fabien Roussel. Une position déjà actée lors de leur précédent congrès, où la direction avait été désavouée au profit d’une ligne prônant la fin de « l’effacement » du Parti communiste et portant une promesse phare : une candidature à la prochaine présidentielle [2]. Le PCF n’a plus présenté de candidat à cette élection depuis 2007.
Fabien Roussel à la rentrée du PCF, le 29 août 2020. © Héléna Berkaoui
Invité de dernière minute, le chef de file des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon, a assisté au discours de rentrée de Fabien Roussel. Si le député des Bouches-du-Rhône multiplie les gestes d’ouverture depuis la rentrée [3], son parti n’envisage toutefois pas de se ranger derrière un autre candidat pour la présidentielle. La posture agace forcément les communistes, qui n’ont pas tous digéré les tacles passés du parton de LFI.
Lors de sa visite express, Jean-Luc Mélenchon a balayé les questions sur sa venue : « Les gens ont l’air de découvrir qu’il y a une relation entre le PCF et nous ». Et de souligner le travail commun des députés LFI et PCF à l’Assemblée nationale. « La distance est moins grande qu’il y a quelques mois. Aujourd’hui, il y a un tsunami social. Je pense que le PCF et la FI peuvent être un pôle en capacité d’agréger tout le reste, un pôle de la radicalité concrète et des causes communes », ajoute néanmoins Jean-Luc Mélenchon.
Sous les applaudissements redoublés de la salle, Fabien Roussel a conclu son discours avec une phrase moins limpide qu’il n’y paraît quant à une candidature PCF pour la prochaine présidentielle : « Si certains pensent que le PCF, comme en 2012 et 2017, ne présentera pas de candidature, eh bien je dis à tout le monde : vous vous trompez. »
Assis au premier rang, Jean-Luc Mélenchon y a, lui-même, entendu une annonce claire. « En 1981, il n’y avait pas de candidat unique, il y avait Georges Marchais. L’unité de candidature n’est pas un programme. C’est vrai qu’il y a des inconvénients à la dispersion mais il faut être ambitieux », a-t-il commenté, tout en saluant une « ample et profonde convergence avec le programme développé par Fabien Roussel ».
Si Fabien Roussel nuance après coup en renvoyant la décision au prochain congrès, certains militants ont aussi entendu l’annonce d’une candidature pour 2022. Céline Lecat, adhérente de la fédération du Nord, se réjouit : « On est reconnus pour avoir des élus à tous les étages. On doit bien sûr discuter autour de l’unité de la gauche mais ce n’est pas toujours aux mêmes d’avancer. »
« Sur le constat et les propositions, on partage beaucoup de choses avec La France insoumise, mais sur la stratégie pour les élections, ça achoppe », développe plus tard Fabien Roussel. Resté pour participer à une table ronde, le député LFI de Seine-Saint-Denis Alexis Corbière entend la position des communistes et plaide pour une dynamique cohérente en vue des prochains élections : sénatoriales, départementales, régionales. « Présenter un candidat communiste [à la présidentielle] ne correspond pas forcément à ce qu’ils disent par ailleurs. Je ne vois pas comment participer à un émiettement de la gauche aiderait », poursuit-il.
Le sujet agace ou laisse « indifférents » ceux qui voudraient se concentrer sur autre chose. « On ne va pas se focaliser sur Jean-Luc Mélenchon. Le sujet, c’est l’urgence de savoir comment va se passer la rentrée. On a créé de la dette avec le plan de relance et la question, c’est : qui va payer ? », insiste Éric Bocquet, sénateur communiste du Nord. Lors de son discours de rentrée, Fabien Roussel a aussi développé sur « la cascade » de plans de licenciements à venir, en appelant à un moratoire sur le sujet. Plus étonnant, en revanche, le secrétaire général du PCF s’est aussi exprimé sur les questions sécuritaires, préconisant de reprendre « le pouvoir dans toutes les rues de la République ». « Quand j’entends parler d’ensauvagement, de barbarie dans notre pays, j’aimerais que l’on emploie ces termes pour qualifier les auteurs de violences et de crimes contre les femmes », a-t-il aussi déclaré.
Au-delà de ces divergences exprimées ou non avec les Insoumis, les deux partis espèrent avancer ensemble pour les prochaines mobilisations. Une des prochaines dates sera celle du 17 septembre, où la CGT appelle à une grève générale contre la politique sociale du gouvernement. « Les élections, c’est après ; les licenciements, c’est maintenant. Il faudra être unis avec toutes les forces de gauche, il faut de l’unité dans l’action. On ne peut pas attendre les prochaines échéances électorales pour se retrouver », appuie Fabien Roussel.
Héléna Berkaoui