Le 5 janvier 2006, j’ai commencé à conserver toutes les publicités imprimées reçues chaque jour. Le 5 juillet 2006 – soit 6 mois plus tard – j’ai ficelé le papier accumulé et mon quincaillier a pesé le tout : 17 kg à un poil près. Je serais donc en état de recevoir 34 kilos par an de papiers sollicitant mon argent pour des marchandises et des services.
J’habite un bassin économique dont la chalandise (nombre d’acheteurs) est estimée à 25 000 « clients » centrés sur une ville de 6500 habitants. Deux supermarchés, quelques grands magasins spécialisés et une trentaine de commerces distribuent l’essentiel des marchandises consommées localement. Ces commerces contribuent pour 80 % (en poids) à la diffusion des publicités imprimées. Des revues non pluralistes distribuées par la Mairie de Bédarieux, le Canton de Bédarieux, le Conseil Général et le Conseil Régional sont-elles des pubs ? On pourrait le croire au vu des éditoriaux poussifs, des articles de commande et de l’abondance de photos non souhaitées du Maire Antoine Martinez, du Conseiller général Antoine Martinez, du Président du Conseil Général André Vésinet et du Président du Conseil Régional Georges Frèches.
Incitation à acheter contre information des consommateurs
Que trouve-t-on dans ces pubs ? Principalement un racolage obsessionnel autour de la bouffe. Jamais cher ; vraiment très bon… et, c’est sûr, vous épaterez vos amis ! Ces pubs détournent la Loi Evin restreignant la publicité pour les boissons alcoolisées. De nombreuses pubs arnaquent les habitants à propos d’articles phares à prix incroyable, épuisés ou absents dès les premières heures de mise en vente, comme j’ai pu le constater ! Par exemple le 22 août, le supermarché SUPER U de ma ville a fait distribuer une pub pleine page. Au recto : huile de cuisine, jus de fruits, whisky à 40° et crème « lavante » (la pub nous abruti avec des mots inventés !) ; au verso pleine page : annonce de vente le 24 août d’une clé USB 256 MO pour 8,90 euros. Le 24, je me déplace pour acheter la clé USB : on me répond à l’accueil que les clefs à 8 euros ne sont pas arrivées, mais que je peux en acheter une pour 19,90 euros !
Les catalogues spécialisés comptent pour 30 % : catalogues d’outillage, de fleuriste, de pépiniériste, de lingerie, de meubles, de matériel de bureau, d’appareils ménagers, d’informatique, pour femmes, pour hommes…J’en reçois aussi par courrier à mon nom. Les « gratuits » publicitaires où s’expriment des particuliers, comme l’Echo des Hauts Cantons, sont déstructurés, et politiquement censurés, par la pression des publicitaires. Pourtant des associations y recourent en respectant la censure politique imposée par les publicitaires.
J’ai pris en compte les pubs jointes aux journaux et revues auxquels je suis abonné : promotion de livres, vente de gadgets, pub pour les férias (l’Hérault du Jour y consacre des cahiers entiers) et autres activités malsaines où le pastis coule à flot.
Ces monceaux de papiers répandent la vision frelatée d’une société qui n’existe pas. Les femmes représentées n’ont pas d’activité professionnelle, sont souvent déshabillées, sont en position de servitude devant un homme ou une famille. En examinant avec soin les piles de pub, j’ai tout de même trouvé quelques annonces discrètes de nouveaux artisans : ce sont les seules informations utiles dont j’ai pris note. Très rarement, la publicité apporte un service réel.
Vendre toujours plus pour vaincre la concurrence
Qu’est-ce qui fait courir les capitalistes ? La concurrence. Une société où la concurrence est éliminée ne serait pas capitaliste. Elle aurait perdu la motivation (gagner de nouveaux marchés) qui pousse à l’accumulation du capital, soit les 9/10 des opérations économiques qu’effectuent les capitalistes.
Sachant qu’une ménagère ne retient que le nom que de deux ou trois marques dans le créneau qui la concerne, le seul but des marchands est d’être présent dans le peloton de tête. Dans cette guerre perpétuelle pour accaparer les marchés, l’intérêt des consommateurs n’a aucun sens ni aucune place.
La dictature de l’affichage
A coté de la publicité distribuée, l’affichage constitue l’agression majeure, celle à laquelle personne n’échappe. Il constitue la gêne principale pour les automobilistes contraints sans cesse, et au risque d’accidents, de faire le tri entre les panneaux publicitaires et les indications routières.
Nous pouvons regarder ou non la télévision, et zapper contre la pub ; nous sommes libres d’acheter ou non un journal, mais personne ne peut circuler sans être confronté à un incessant défilé d’images et de slogans publicitaires. La confiscation de l’espace public et son exploitation mercantile sont d’autant plus inadmissibles que la loi elle-même qualifie les paysages de « bien commun » et que les dispositions régissant l’affichage publicitaire sont intégrées au livre V du Code de l’environnement, intitulé « Prévention des pollutions, des risques et des nuisances ».
Le grand mensonge
Les publicités insistent sur les qualités des produits sans jamais en souligner les défauts, qui peuvent être graves. Les produits proposés sont toujours ceux qui rapportent le plus au marchand, soit en terme de profit, soit en terme de produit d’appel. Dans un système motivé par la recherche du profit maximum, la publicité ment par omission en apportant pas les informations critiques les plus utiles au consommateur.
Elle ment en vantant des produits nocifs (mauvaise bouffe, boissons alcoolisées, etc.). Elle provoque systématiquement des envies de consommation superflues, dispendieuses ou contraires à un mode vie sain. Elle favorise des comportements sociaux dont nous voyons aujourd’hui l’aboutissement aux Etats-Unis : développement de l’obésité, d’attitudes égoïstes et de motivations réactionnaires. Elle est source de gaspillage économique, d’atteinte à l’environnement et de souffrance accrue pour les plus démunis qui n’apparaissent évidemment jamais dans la pub.
L’enflure de la publicité contribue à déprécier les médias honnêtes mais beaucoup moins financés (informations d’intérêt social sans but lucratif) ou subventionnés (presse associative). Elle pollue et dégrade les médias et attaque ou se substitue à la presse d’information par le canal des « gratuits » entièrement financés par la pub. Ces manipulations de masse et véritable lavage de cerveau, ont un coût social faramineux puisque, en progression constante, elles approchent 1 % des activités économiques (PIB)… payées par le consommateur sans intérêt pour lui.
L’interdiction de la publicité à but lucratif est un objectif raisonnable qu’un gouvernement de gauche non libéral devra étudier.