La grève du 20 mars des enseignants du second degré était appelée par le Snes (FSU), la CGT, le Snetaa (enseignement professionnel) et certaines sections du Sgen-CFDT. C’est la troisième depuis trois mois et cette grève nationale, à un mois de l’élection présidentielle, est du jamais vu dans un milieu traditionnellement politisé à gauche et attendant beaucoup des échéances politiques.
C’est là que le bât blesse, le rapport des enseignants à la gauche socialiste n’est plus ce qu’il était. L’élection de 2002 avait déjà montré une défiance à l’égard de Lionel Jospin, l’ami de Claude Allègre, et nombre de votes des enseignants étaient allés à Chevènement ou à l’extrême gauche.
Cette année, les sondages montrent une accentuation de cette désaffection, cette fois au profit de Bayrou, l’homme qui, ministre de l’Éducation, mit plus d’un million de manifestants dans les rues en montrant sa volonté de soutenir l’école privée conformément à la tradition de sa famille politique, celle de la droite cléricale.
On en connaît les raisons : les trois années d’Allègre au ministère et ses attaques incessantes contre les enseignants. Et, récemment, le mépris affiché par Ségolène Royal, qui considérait qu’il fallait faire travailler davantage les personnels de l’Éducation nationale. Tout ceci inquiète une catégorie par ailleurs très opposée aux actions et positions de Nicolas Sarkozy. Il reste à espérer que la campagne électorale détourne les enseignants des sirènes de la droite.
On comprend, dans ces conditions, le malaise, le manque d’espérance des personnels de l’Éducation, attaqués sans cesse dans leurs statuts (profs du secondaire) ou dans l’efficacité de leur travail (par un de Robien qui fait comme si les enseignants du primaire n’enseignaient plus rien). Les raisons de mécontentement ne manquent pas : des statuts des professeurs du secondaire aux projets d’établissements publics locaux d’enseignement primaire (EPLE) visant aux regroupements d’écoles et à la mise en place d’une hiérarchie avec des personnalités extérieures. C’est pourquoi il y a eu des grèves, mais aussi des mobilisations locales contre les suppressions de classes, des boycotts de bacs blancs, etc.
Par leur action, les personnels de l’Éducation montrent qu’il ne sera pas facile au nouveau gouvernement, quel qu’il soit, de s’attaquer encore davantage au service public d’éducation. Avec plus de 38 % de grévistes dans les collèges et les lycées, la grève du 20 mars confirme que la détermination demeure intacte et que le mécontentement est profond. Celui des instits ne l’est pas moins. Et ce « malaise enseignant » peut vite se transformer en un mouvement d’ensemble qui remettra sur le tapis toutes les revendications de ces dernières années.