Vous sentez-vous triste ? Angoissé·e ? Avez-vous du mal à déplacer une table ou monter des escaliers ? Le 26 septembre 2019, lors de l’incendie de l’usine Lubrizol, à Rouen, avez-vous constaté la pénétration de fumée à l’intérieur de votre domicile ? Reniflé des odeurs d’œuf pourri, d’égout, de brûlé ? Avez-vous ressenti des larmoiements, des brûlures de la gorge, des saignements du nez ? Selon vous, ces symptômes sont-ils en lien avec l’incendie de Lubrizol ?
Bienvenue dans l’étude censée permettre d’évaluer l’impact de l’accident industriel qui s’est produit à Rouen un an plus tôt. Lancée le 1er septembre 2020, et réservée à des habitant·e·s tiré·e·s au sort, elle est conduite par Santé publique France, l’administration chargée de surveiller la santé de la population.
Extrait du questionnaire de ressenti sur l’accident de Lubrizol par Santé publique France.
Mediapart a eu accès au questionnaire soumis aux personnes interrogées : les mots « amiante », « benzoapyrène » (un composé cancérigène), « plomb », « dioxine », « benzène », « sulfure d’hydrogène » (H2S) n’y apparaissent pas. Pourtant, ces substances ont été mesurées à un moment ou un autre à proximité de l’accident. Les risques de cancer, irritations, pathologies cardiovasculaires ne sont pas mentionnés. Aucune question sur les diagnostics médicaux reçus depuis un an, ni sur la réalisation d’analyses de sang, d’urine ou de cheveux. Rien sur les grossesses, les accouchements, l’allaitement.
C’est ce qu’on appelle une enquête de « ressenti », consacrée à la perception de la catastrophe industrielle. C’est tout sauf une recherche de preuves matérielles d’exposition à la toxicité. « Les données recueillies seront essentiellement subjectives et ne fourniront pas aux pouvoirs publics un état général objectif de la santé de la population exposée », s’était inquiété en amont le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur l’accident, remis en juin.
Pour Olivier Blond, président de l’association Respire, qui s’est constituée partie civile à l’information judiciaire : « L’étude du gouvernement n’est vraiment pas ambitieuse et ne permettra pas d’imputer tel ou tel symptôme à l’incendie de Lubrizol. » Il s’inquiète aussi de la date tardive de l’étude : « Un an après, il n’y a plus de marqueurs biologiques d’exposition à la pollution. Même les souvenirs s’estompent. Est-ce qu’on a eu mal au cœur ? À la tête ? Il y a plein de détails qu’on perd avec le temps. » Devant la commission d’enquête du Sénat, Santé publique France a expliqué vouloir « comprendre les troubles anxieux et les troubles du sommeil » que peuvent subir les habitant·e·s.
Mais un an après la catastrophe de Lubrizol, la puissance publique n’a toujours pas ouvert de registre de cancer ou de malformations fœtales. Ni créé de base de données sur les risques d’exposition aux hydrocarbures ni à l’amiante, malgré les morceaux de toiture en Fibrociment retrouvés dans les rues et chez des particuliers (lire à ce sujet notre article avec Le Poulpe).
L’épidémie de Covid puis le confinement ont retardé le travail de l’Agence régionale de santé sur le suivi de l’accident, et accaparé la préfecture de Seine-Maritime. Mais la crise sanitaire, économique et sociale ouverte par la circulation du virus SARS-CoV-2 n’explique pas tout.
Sollicitée par Mediapart, Santé publique France explique que « la mesure de la santé “déclarée” ou “perçue” par les personnes concernées fournit une information pertinente et scientifiquement valide sur l’état de santé d’une population » et qu’elle « s’intéresse à l’impact à court terme » mais que « ce n’est pas la seule étude que nous réalisons, d’autres travaux vont étudier l’impact potentiel à plus long terme ».
L’administration n’a pas organisé de campagnes de prélèvements de sang, d’urine ni de cheveux au sein de la population générale, ni des publics plus vulnérables que sont les enfants, les personnes âgées, les femmes enceintes lors de l’accident, les patient·e·s atteint·e·s d’asthme, de troubles respiratoires, de pathologies coronariennes. Aucun suivi spécifique n’a été mis en place pour contrôler l’état de santé des personnes exposées aux fibres d’amiante qui ont été éjectées quand le toit de l’usine a explosé. Pas de registre des maladies favorisées par les hydrocarbures, les PCB et les métaux lourds. Pas de suivi des fécondités et des grossesses. Pas de cohorte des professionnel·le·s qui sont intervenu·e·s sur le site de l’incendie.
« Cette étude ne sert à rien, considère Annie Thébaud-Mony, chercheuse, spécialiste des maladies professionnelles, et membre du collectif unitaire Lubrizol. Elle est trop générale par ses questionnements et trop imprécise sur la géographie des retombées des suies du panache, comme sur les professions des personnes. Les alertes vont être diluées dans la masse des données. » Elle appelle à boycotter l’enquête et à exiger un suivi sanitaire spécifique et adapté à la situation rouennaise.
Pour Corinne Lepage, avocate de Respire : « La situation est un peu analogue à celle du Japon après Fukushima : on observe une forme d’organisation de l’impossibilité d’apporter les preuves dont on a besoin. » À Rouen et sous le panache de la fumée de l’incendie, dans les heures et jours suivant l’accident le 26 septembre 2019, les prélèvements de gaz et de particules ont été tardifs et lacunaires, par manque de matériel et d’information (retrouver ici notre article de l’année dernière à ce sujet). Dioxines, métaux lourds, PCB, phtalates : des particules ont bien été recherchées, ainsi que des fibres d’amiante. Mais après coup, dans quelques endroits uniquement et de façon aléatoire.
« Plusieurs centaines de prélèvements ont été réalisés dans l’air, dans les sols à différentes profondeurs, dans les végétaux et les aliments (œuf, lait, etc.) », précise Santé publique France. Au total, 234 262 analyses ont été réalisées sur plus de 300 substances spécifiques d’un incendie ou surveillées en routine (exemples : benzène, BTEX, HAP, métaux, PCB, dioxines, furanes, perfluorés, COVs…), selon leur décompte.
Impact déflagratoire du cocktail de molécules toxiques
À la demande de l’administration, l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), un établissement public dédié à la prévention des risques industriels, constitue actuellement une base de données avec une synthèse et une cartographie des résultats de mesures de polluants faites dans l’environnement, ajoute Santé publique France, selon qui : « La confrontation de cette information organisée des données environnementales aux critères de pertinence et de faisabilité que nous avons préalablement définis, sera déterminante pour engager ou pas une étude de biosurveillance en population. »
Pourtant il existe déjà aujourd’hui de nombreux indices de pollution par des substances particulièrement toxiques. À commencer par un rapport de la DDTM, un service interministériel, qui a analysé des prélèvements opérés en octobre 2019 dans les boues d’un bassin du port de Rouen où ont été déversées les eaux d’extinction de l’incendie. Résultats : en comparaison avec d’autres sites et l’historique des mesures, des dépassements sont constatés en PCB, toluène et en nombreux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), notamment du benzopyrène, certaines dioxines ainsi qu’en aluminium. Cette « signature chimique » de l’incendie comprend donc des produits cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction, note l’association Rouen Respire.
En septembre 2019, juste après l’incendie, ce collectif a pensé inciter ses membres à rechercher des traces de dioxine et d’HAP dans leur sang. Mais des laboratoires se sont dits incompétents. Les analyses étaient chères et ne sont pas remboursées par la Sécurité sociale. Malgré leur inquiétude, les riverain·e·s ont abandonné.
La préfecture et l’Agence régionale de santé ont multiplié les communications rassurantes : les niveaux d’alerte ne sont pas atteints, l’inquiétude n’est pas justifiée. Les autorités mettent aussi en avant le « bruit de fond » : la pré-existence d’une pollution dans l’air et les sols de Rouen, en raison de ses nombreux sites industriels historiques et encore en activité. Comment distinguer les rejets dus aux incendies de Lubrizol et Normandie Logistique ?
Traces de suie sur un toboggan dans un jardin de la périphérie de Rouen, après l’incendie de Lubrizol, le 4 octobre 2019 (JL).
Pour Annie Thébaud-Mony, cet argument ne relativise en rien la gravité de la pollution rouennaise. Elle alerte en particulier sur les « effets de synergie », c’est-à-dire l’impact déflagratoire du cocktail de molécules toxiques : « L’exposition à l’amiante augmente le risque de cancer par cinq. L’exposition à l’amiante et aux HAP l’augmente de 50 fois. »
En mai 2020, l’association Rouen Respire publie une enquête de santé réalisée sur ses adhérent·e·s et leur entourage – 565 personnes y ont participé. Il en ressort que 86 % de celles et ceux souffrant d’une pathologie respiratoire chronique ont observé une aggravation de leurs symptômes, le plus souvent constatée par un médecin et pendant plusieurs mois. Pour les maladies d’autres types (cardiovasculaires, thyroïdiennes, rhumatismales, immunitaires), le taux d’aggravation atteint 51 %. Dans leur quasi totalité, les symptômes sont plus durables lorsque les odeurs – senties à la suite de l’accident – ont duré plus longtemps, et lorsque les personnes se trouvaient dans des zones où les suies sont tombées. Plus de la moitié des participant·e·s fréquentent régulièrement des zones où des retombées de Fibrociment – contenant des fibres d’amiante – ont été retrouvées. Et environ 50 % ont constaté des suies sur leur lieu de vie. Des troubles sanitaires sont décrits par des personnes qui pourtant n’habitent pas sous le panache. L’anxiété est le symptôme le plus fréquent.
Pour les coordinateur·ice·s de l’étude – des professionnel·le·s de santé pour une bonne part d’entre eux, qui souhaitent rester anonymes –, « l’impact mesuré par les autorités en termes de santé publique a probablement été sous-estimé ». Ils réclament la mise en place d’un registre des cancers – qui n’existe pas en Normandie –, des enquêtes suivies auprès des maternités, sages-femmes, gynécologues et pédiatres, des prélèvements biologiques (sang, urine, cheveux, lait maternel).
Pour Annie Thébaud-Mony, « il faudrait partir de la pollution, et avec les données sur la toxicité des substances, construire des protocoles spécifiques : pour les personnels les plus exposés à l’incendie (pompiers, travailleurs des sites et sous-traitants proches, professionnels travaillant en extérieur : éboueurs, conducteurs de bus…) et les riverain·e·s, en fonction de leur zone d’habitation ». Le collectif unitaire Lubrizol réclame depuis l’accident la constitution de protocoles de suivi sanitaire en fonction des polluants identifiés. « Il existe des marqueurs biologiques pour un certain nombre de substances cancérogènes, il faut les dépister », explique la sociologue.
Entrée du site de Lubrizol à Rouen le 3 octobre 2019, une semaine après l’incendie (JL).
C’est une tout autre démarche qu’a adoptée l’Agence régionale de santé (ARS). Elle est fondée sur un principe de conditionnalité : si les preuves sont réunies d’une présence inhabituelle de polluants dans l’environnement, des études de biosurveillance pourraient être lancées. Cette doctrine s’incarne dans un algorithme, tout à fait officiel, que l’on trouve sur le site de l’agence publique : d’abord des prélèvements dans les sols, les végétaux et l’air, puis, si un risque d’exposition à des polluants est détecté, une « biosurveillance » de la population est déclenchée dans les zones à risque.
Interrogée par Mediapart, Santé publique France répond que « les études de biosurveillance sont des études en population qui sont complexes à mettre en place, notamment en urgence dans un contexte post-accidentel » en raison notamment du « grand nombre de substances ou de biomarqueurs d’exposition potentiels à rechercher, du choix des milieux biologiques dans lesquels les mesurer », des différentes techniques de laboratoires parmi lesquelles choisir, de la difficulté d’interpréter ces résultats et de « considérations éthiques : prélèvements invasifs, conseils à donner aux personnes ».
« Un sentiment d’abandon total »
Cette chronologie a le défaut de retarder le suivi des personnes et de potentiellement limiter la recherche aux substances dont on peut encore retrouver la trace des mois plus tard. Devant la commission d’enquête du Sénat, Agnès Buzyn, ministre de la santé au moment de l’accident, s’en était justifiée ainsi : « Pour l’instant, nous n’avons pas de piste. Il faudrait qu’on sache quels produits sont réellement dans l’environnement. Nous ne trouvons rien d’anormal et on ne sait donc quoi rechercher. » Le ministère de la santé attend alors la preuve irréfutable d’un risque avéré pour lancer un suivi sanitaire autre que subjectif.
Ces prélèvements ont bien eu lieu : dans les eaux souterraines, les sols, végétaux, jardins potagers, herbes des prairies et pâturages. Devant les sénateurs, Agnès Buzyn a expliqué en novembre que ces recherches n’avaient pas « retrouvé de polluants au-dessus des seuils de contamination habituelle de l’environnement ». Entretemps, une partie de ces échantillons – ceux concernant les Hauts-de-France – ont été perdus. Les données prélevées étaient encore en partie inexploitables en juin, lors de la conclusion du rapport sénatorial, comme l’avait écrit la directrice générale de Santé publique France : trop d’informations, selon des formats trop variés. Il faudrait constituer une base de données spécifique. Cela n’a pas empêché la préfecture de Seine-Maritime de publier les « interprétations de l’état du milieu » (IEM), nom officiel de ce type d’étude, sur son site fin septembre, à quelques jours de l’anniversaire de l’accident.
On lit en conclusion de ce rapport qu’aucun problème n’a été détecté. « La dégradation des milieux sols et végétaux n’est ni avérée, ni fortement suspectée suite à l’incendie, le marquage des échantillons de sols et de végétaux étant principalement associé à des pollutions historiques et/ou des sources de pollution plus locales. » Si bien que le bureau d’études qui a rédigé le rapport, Ramboll, recommande de ne pas procéder à l’évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS), prévue pour évaluer l’impact sanitaire potentiel des substances tracées.
Le bureau d’Aix-en-Provence de cette multinationale suédoise spécialisée dans le conseil aux entreprises de la construction, des transports et de l’énergie a été missionné pour ce travail par Lubrizol. C’est en effet à l’industriel à l’origine de la catastrophe du 26 septembre que la préfecture de Seine-Maritime a confié la tâche de surveiller la pollution causée par l’incendie, comme l’indique cet arrêté préfectoral d’octobre 2019. La même tâche a été requise de Normandie Logistique, qui gérait l’entrepôt mitoyen à l’usine. C’est à ces deux mêmes sociétés que l’État avait prévu de demander l’évaluation sanitaire des prélèvements.
Pourtant Lubrizol a été mise en examen pour « atteinte grave à la santé », à la sécurité et dégradation « substantielle » de la faune, la flore, la qualité de l’air, du sol ou de l’eau par les juges d’instruction du pôle santé publique et environnement du Parquet de Paris. Normandie Logistique a été placée sous le statut de témoin assisté. Pourquoi confier aux entreprises à l’origine d’un grave accident industriel, par ailleurs prévenues pour ses faits, l’évaluation de la pollution causée et de ses dangers pour la santé ? Interrogée par Mediapart, la préfecture de Seine-Maritime n’a pas répondu à notre question à ce sujet.
Cramponnée à sa doctrine sanitaire, la puissance publique n’a pas jugé nécessaire d’établir de protocole de suivi spécifique pour les publics les plus vulnérables aux pollutions industrielles. Malgré les demandes qui lui ont été directement adressées. Le 2 octobre 2019, une semaine après l’explosion, une avocate de Rouen, Saliha Blalouz, met en demeure l’ARS d’échantillonner du lait maternel et d’y rechercher des molécules d’HAP, particulièrement susceptibles de s’attacher à la graisse qui s’y trouve. Plusieurs mères enceintes et allaitantes viennent alors de la saisir afin de déposer plainte contre X pour « mise en danger de la vie d’autrui ». Mais l’ARS a jugé « pas opportun » de procéder à ces examens.
Depuis, neuf femmes ont pu faire analyser leur lait et leur urine par le CHU de Limoges : quelques jours après l’accident et un mois et demi plus tard. Certaines ont également pu faire tester du lait congelé avant l’accident. Résultat : dans certains cas, un pic d’ethylbenzène et de xylène, des hydrocarbures, est observé, selon l’avocate. Le journal actu76 publie des extraits de ses propres analyses. Sans expertise médicale supplémentaire, impossible d’évaluer si les quantités de produits représentent ou non un danger. « L’ARS est censée protéger la population. Dans ce cas, elle s’est trompée d’objectifs : elle a voulu maintenir l’ordre public », réagit l’avocate. Aujourd’hui une vingtaine de personnes ont déposé plainte dans ce cadre.
Fethi Bretel est l’une de ces personnes : le père de famille s’est joint aux plaignantes par solidarité. Médecin psychiatre, il a rédigé les ordonnances qui ont permis aux femmes d’échantillonner leur lait. Sa compagne était enceinte de cinq mois lors de l’accident : « Ce qui a été hyper choquant, c’est le discours du préfet et du gouvernement : au lieu de nous considérer comme des citoyens responsables, ils se sont contentés de discours fumeux. En réalité, c’est extrêmement anxiogène. Un an après, on n’a toujours pas de réponse. Ça donne un sentiment d’abandon total. »
Interrogé à ce sujet par Mediapart, Santé publique France répond qu’« à ce jour, nous ne prélevons pas de lait maternel dans nos études, donc nous ne disposons pas de valeurs de référence dans cette matrice, nous n’aurions donc pas pu évaluer les résultats si nous avions procédé à l’analyse de prélèvements chez des femmes allaitantes ».
D’autres pays à d’autres moments traumatiques ont réagi autrement que la France face à l’accident de Lubrizol. En Italie, à Seveso, en 1976, un grave accident industriel provoque une pollution massive de dioxine – et d’une catégorie particulièrement toxique de ce type de molécule. Des prélèvements sanguins réalisés dans les quinze jours suivant l’accident ont été conservés dans une sérothèque. Douze ans plus tard, les avancées scientifiques permettent de doser les molécules rejetées lors de la catastrophe. Une gigantesque étude de cohorte s’ensuit, permettant d’établir des liens entre l’explosion de l’usine et toute une série de pathologies : diminution de la fertilité, cancers pour les groupes les plus exposés, diabètes, infarctus. Ainsi qu’une surnatalité féminine pendant dix ans.
Aux États-Unis, après les attentats du World Trade Center en 2001, un centre de suivi est ouvert pour que secouristes et travailleurs exposés puissent déclarer leurs symptômes et se faire recenser. Ce suivi très rapide a là aussi permis la constitution d’une cohorte ad hoc étudiée pour suivre les effets de l’exposition à l’amiante et aux autres molécules toxiques relâchées par l’explosion.
« Il n’y a pas de mortalité imputable à l’accident de Lubrizol aujourd’hui, c’est sûr, résume Guillaume Blavette, qui siège au Coderst, une instance locale de démocratie environnementale, pour l’association écologiste France nature environnement. Mais dans dix ans ? Si on continue comme ça, personne ne sera capable de répondre à cette question. »
Toutes les personnes contactées par Mediapart pour cet article se rejoignent sur un point : la défiance des habitant·e·s de Rouen vis-à-vis des institutions semble elle aussi atteindre un pic. « Quels que soient les résultats de l’étude en cours de Santé publique France, les gens n’y croiront pas », prédit Olivier Blond, président de Respire et spécialiste en santé environnementale. Pour contrer l’inertie que risque de nourrir cette méfiance, il en appelle aux citoyen·ne·s : à chacun·e de s’emparer de ces sujets et de fabriquer une science citoyenne.
Jade Lindgaard
Plusieurs personnes contactées et interrogées pour cette enquête ont demandé à rester anonymes, et à ne pas apparaître dans l’article. J’ai envoyé vendredi 18 septembre une liste de questions par courriel à Santé publique France, qui m’a longuement répondu par retour de mail mercredi 23 septembre. Sollicitée lundi 21 septembre par téléphone et mail, la préfecture de Seine-Maritime n’a pas répondu à mes questions.