Montreuil sous Bois, le 28 mars 2007,
Objet : réponse de la LCR aux propositions de la l’Alliance pour la planète
Chers camarades,
Vous trouverez ci-après les réponses de la LCR aux 24 mesures essentielles que vous proposez et qui nous semblent être à même globalement de dessiner une rupture avec les modes de production, de transport et de consommation actuels, rupture impérative si l’on veut préserver les équilibres écologiques.
La plupart de nos réponses sont tirées de nos propositions lors de cette campagne électorale, d’écrits antérieurs ou d’analyses que nous avons pu faire lorsque nos militants ont été confrontés à des problèmes précis, celui de la gestion des déchets ménagers par exemple.
Elles constituent donc une partie de notre patrimoine politique, mais nous sommes disposés à répondre à des sollicitations autres, notamment sur la façon dont la dimension écologique de notre lutte politique doit s’articuler à sa dimension sociale.
En attendant de prochains débats et confrontations,
veuillez recevoir nos salutations écosocialistes,
Pour la LCR, Vincent Gay
Propositions 1 et 2 : Plan national pour l’isolation et réglementation de la consommation énergétique pour la chauffage
Agir sur le bâtiment est une nécessité puisque ce secteur est à l’origine de près de 20 % des émissions de gaz à effet de serre en France, particulièrement dans l’habitat. De plus la facture énergétique pèse lourd dans les dépenses des foyers les plus pauvres, et cela va en s’accroissant. Il faut donc agir dans deux directions :
– La sobriété énergétique des bâtiments : nous proposons que concernant les bâtiments anciens, chaque transaction (achat ou nouvelle location) soit l’occasion d’une rénovation, en commençant par les murs et les toitures, et que les bâtiments neufs répondent réellement à la norme thermique. Celle-ci doit être renforcée au fur et à mesure, son application bien plus contrôlée qu’aujourd’hui et elle doit s’étendre aux bâtiments rénovés. En effet, l’actuel étiquetage énergie des bâtiments anciens n’est pas une garantie suffisante pour instaurer des normes réellement efficaces. Ces mesures doivent concerner bien entendu aussi le tertiaire et les bâtiments qui sont à la charge de l’Etat et des collectivités locales ; mais un effort particulier doit être fait concernant le logement social pour lequel les responsabilités sont du domaine de l’Etat. L’objectif des associations écologistes, que nous partageons, est de parvenir à une consommation de 50 kwh/m2/an.
– Parallèlement, le développement des énergies renouvelables doit s’adapter à la politique du logement. Il est nécessaire de systématiser l’installation de nouveaux modes de production de chauffage et d’électricité : filière bois, solaire thermique et photovoltaïque (nous proposons d’équiper les surfaces nouvellement bâties de panneaux solaires), géothermie… mais aussi d’installer des systèmes de cogénération. Cela nécessite des investissements importants, mais les installations se font à différentes échelles, de la maison individuelle jusqu’aux grands ensembles.
Ces projets nécessitent d’articuler politiques urbaines et politiques du logement, avec la création d’un service public du logement à même de définir et de faire appliquer ces normes. De même qu’il sera nécessaire d’organiser la formation de salariés et de lancer une production massive et planifiée de technologies énergétiques propres. Enfin, l’Etat devrait lancer rapidement une campagne d’information et de sensibilisation sur les économies d’énergies et les énergies propres.
Propositions 3 et 4 : 5 milliards d’euros en faveur des transports en commun urbains et moratoire sur les autoroutes
Le transport étant le secteur pour lequel les émissions de gaz à effet de serre croissent le plus, il est urgent de s’attaquer à la logique qui tend à faire du camion le principal moyen de transport des marchandises et de la voiture le principal moyen de transport des personnes. Si on doit distinguer ces deux domaines, ils se rejoignent tout de même dans la mesure où la responsabilité des collectivités (Union Européenne, Etats, régions, communes) est engagée pour fournir les alternatives aux modes de transport actuels.
Concernant le transport urbain, si l’on vise à la fois une efficacité (réduction massive de l’usage de la voiture) et une égalité (un accès dans toutes les villes à des transports en commun de qualité), l’Etat, en coordination avec les communes et les communautés de communes doit permettre les investissements nécessaires au développement des transports en commun. Nous n’avons pas chiffré précisément ces investissements, mais ils ne peuvent se limiter aux transports urbains. Nous avançons l’idée d’un plan d’investissement national et européen massif pluriannuel à même de financer les alternatives à la voiture individuelle mais aussi au transport routier de marchandises longue distance et international, ou encore au transport aérien courte distance : construction de liaison tram ou train de banlieue à banlieue dans les très grandes agglomérations, meilleure desserte de la banlieue par les transports en commun, mise en place de lignes de train entre villes moyennes intra-régionales et interrégionales, développement massif du ferroutage et donc des capacités de fret ferroviaire, développement du cabotage maritime et du transport par voie navigable, aménagements de pistes cyclables et piétonnières dans les villes mais aussi dans les zones d’activités pour le déplacement des salariés (ZI, ports, aéroports, etc…). Cela ne peut que faire dans le cadre de services publics rénovés et développés à l’échelle européenne, tant pour le transport des marchandises que des personnes.
Sans ces investissements, rien ne sera possible : la voiture propre n’est manifestement pas pour demain, surtout que les gains en termes d’efficacité énergétique et baisse des polluants émis sont compensés par la croissance du parc et des distances parcourues.
Avec ces investissements, il devient envisageable de :
+ interdire le transport routier longue distance et international
+ interdire le transit routier via la France
+ interdire sauf cas particuliers le transport aérien courte distance.
+ limiter drastiquement le trafic automobile en ville et en agglomération,
+ arrêter de construire des autoroutes ; ce qui signifie dès aujourd’hui un moratoire sur les projets en cours.
+rendre gratuits les transports en commun, en priorité aux moins polluants
Nous sommes donc pour une relance volontariste des transports en commun, nous pensons que cette relance est une condition pour changer de système de transports et pouvoir avoir le soutien effectif de la population, dont les conditions de vie s’amélioreraient.
Sans tarder un gouvernement résolument écologiste et progressiste, engagerait la mise en place de ces investissements sans les subordonner à un accord au niveau européen. Si on s’arrête sur le problème des nouvelles autoroutes, on constate effectivement que celles-ci sont essentiellement construites pour répondre à l’explosion du transport par camions, notamment à cause de la déréglementation du secteur public ferré en Europe. Stopper toute nouvelle construction d’autoroutes est non seulement nécessaire mais obligera à trouver les alternatives, tant concernant le mode de transport lui-même que la quantité de marchandises transportée.
Proposition 5 : Produire 15 % d’énergies renouvelables en France d’ici 2012
Nous souscrivons à cet objectif tout en pensant que l’on peut aller plus loin.
D’après nous, un vaste plan de développement des énergies renouvelables rendrait possible en dix ans de sortir du nucléaire. Les courbes d’installation de l’éolien en Allemagne montrent qu’un rythme de 3200 MW installés par an peut être atteint au bout quatre ans. A ce rythme, en dix ans, on obtient une production de 45Twh. Le potentiel d’éoliennes implantées en mer à proximité des côtes est gigantesque, avec moins de turbulences, un rythme plus régulier et une puissance plus grande. 0n peut tabler sur une puissance installée de 16000 MW au bout de dix ans, soit une production de 57 Twh. En ce qui concerne l’énergie solaire, si on équipe un tiers des surfaces bâties par an, tous les ans, pendant dix ans, on parvient à environ 36TWh. En construisant des fermes solaires dans la moitié des villes de France (soit 15000 « fermes » de 2.5 Mw) on arriverait à une production solaire de 21 Twh.
La micro hydraulique, hélas en recul depuis quelques années, possède pourtant un bon potentiel, d’environ 7 TWh. La mer est elle aussi une source formidable d’énergie. Il existe en France des projets très sérieux de développement d’hydroliennes (éoliennes sous-marines) qui permettraient d’utiliser les courants sous-marins ; on peut estimer le potentiel de cette technologie à 15 Twh. Ces évaluations montrent que les énergies renouvelables, on peut rapidement parvenir à une production d’environ 180 TWh, sans compter la cogénération et la biomasse.
Par contre nous tenons à préciser que nous sommes contre la politique actuelle de rachat à des coûts prohibitifs des kwH renouvelables à des groupes, tels que Total et Areva notamment, qui engrangent des profits colossaux grâce à des fonds publics ou à l’argent des factures payées par les particuliers à EDF. Nous pensons que cet argent doit être utilisé pour lancer les grands programmes décrits ci-dessus, dans le cadre d’un service public de l’électricité, seul à même de coordonner une telle révolution énergétique, de garantir la pérennité des emplois et de l’approvisionnement. Ce coût excessif de rachat, excédant largement les coûts de production, constituera un frein au développement même du renouvelable, comme en témoignent l’âpreté des débats actuels en Allemagne sur cette question
Proposition 6 : Suspendre le projet de nouveau réacteur EPR
Dans la droite logique de notre opposition à l’énergie nucléaire et de notre volonté d’en sortir rapidement, la LCR s’est opposée depuis le début à la construction du réacteur EPR, ce qui nous a conduit à participer aux mobilisations anti EPR, notamment à Cherbourg en 2006 et encore récemment à Lille, Rennes, Strasbourg, Lyon et Toulouse. Nous estimons qu’un gouvernement qui se prétendrait préoccupée par la défense de l’environnement devrait, comme une de ses premières mesures stopper la construction de l’EPR et permettre un grand débat démocratique sur l’avenir énergétique de la France, débat lors duquel nous défendrions la perspective de sortie du nucléaire.
Nous précisons ci-dessous en quelques lignes les raisons de notre opposition à l’EPR :
La commande du « nouveau » (dans les cartons depuis 10 ans et déjà dépassé) réacteur EPR est un cadeau de plus de 3 milliards fait par la collectivité, à Areva-Framatome-Siemens et leurs actionnaires. Et encore, ces 3 milliards sont vraisemblablement sous-estimés et directement liés à la vente effective de réacteurs de ce type … si nos VRP du nucléaire (gouvernement, industriels et financiers) y parviennent ! Bien entendu, ni le coût du traitement des déchets (ceux issus de l’EPR seront plus radioactifs pendant une plus longue période) ni le démantèlement des centrales ne sont pris en compte dans l’évaluation des coûts. Par contre l’EPR va servir aussi de support à la relance du programme nucléaire français. Or, la France, championne du monde du nucléaire avec ses 58 réacteurs sur 19 sites, sa production électrique à 78 % d’origine nucléaire, produit déjà, du fait même du choix de cette filière, 15 % d’électricité de trop –soit la production de 12 réacteurs– en production de base.
Pourquoi Flamanville ?
A Flamanville sont déjà construits deux réacteurs qui produisent assez d’électricité pour toute la Basse-Normandie et la Bretagne. Alors, quel est l’intérêt de construire l’EPR à cet endroit si éloigné de ses lieux de consommation ? En outre, cela va nécessiter d’ajouter aux couloirs existants un couloir de ligne à très haute tension de 400 000 volts qui va traverser tout le département de la Manche et les départements voisins sur plus de 250 km, engendrant des nuisances supplémentaires et des pertes d’énergie importantes pendant le transport d’électricité. Mais l’argent de l’atome n’est pas un mince argument dans une zone où les taxes locales provenant du nucléaire représentent plus de 90 % du budget de la communauté de communes de la Hague et équivaut à 60% du budget du Conseil Général. Grâce au nucléaire, la Manche est, après Paris et les Hauts de Seine, le département qui profite le plus de la taxe professionnelle.
L’argument de l’emploi
Dans cette zone, les taux de chômage sont exceptionnellement élevés. A La Hague et à Flamanville se sont succédés deux grands chantiers (l’usine de retraitement des déchets et la centrale) qui ont laissé derrière eux cette situation de chômage malgré les aides dites d’« après grand chantier ». La monoindustrie du nucléaire semble faire le vide autour d’elle. Les promoteurs pas vraiment désintéressés omettent de préciser que les appels d’offre les plus importants se feront au niveau national et européen, et que, de toutes façons, pour les travailleurs locaux, il s’agit d’emplois non durables. Or, toutes les études convergent pour démontrer qu’à investissement équivalent, il y aurait plus d’emplois durables dans le secteur des énergies renouvelables : l’Allemagne a déjà créé 35 000 emplois dans l’éolien et en prévoit 120 000 de plus d’ici 2010 ; et une étude commandée par le réseau « Sortir du nucléaire » évalue à environ 11 000 emplois créés la réaffectation vers les énergies renouvelables du budget initial de l’EPR.
Aucune avancée majeure en matière de sécurité
En raison même de l’augmentation de puissance du réacteur, on accroît le risque et il apparaît logique d’en accroître la sécurité, ce qui ne veut pas dire pour autant la garantir. D’autre part, 20 ans et plus après les accidents de Three Miles Island et Tchernobyl, il est naturel que l’on se soit posé certaines questions : par exemple, comment contenir le cœur du réacteur en fusion ? La solution apportée est loin d’être si convaincante. Il peut paraître séduisant de concevoir sous le réacteur une espèce de cendrier, mais cela ne vérifie pas que l’on maîtrise tous les éléments du problème : le risque de fusion demeure avec un autre danger, celui d’explosion ; tout comme rien de prémunit contre le crash d’un avion de ligne ! La double enceinte de l’EPR peut également ne pas résister. Plus fondamentalement, la conception de la sécurité est basée sur l’électronique, un système informatique complexe supposé contrôler 300 000 pièces et de nombreux raccordements entre elles. Cette sécurité dite active, de conception dépassée, est l’un des maillons faibles de l’EPR. Le système numérique de contrôle commande est déjà signalé comme étant à l’origine d’une grave défaillance : le blocage de descente des barres d’arrêt d’urgence le 10 mai 2000 à la centrale nucléaire allemande de Neckarwestheim.
Un pollueur de l’industrie nucléaire de plus
Faut-il rappeler qu’en fonctionnement « normal », l’industrie nucléaire rejette des gaz et liquides chimiques et radioactifs ? A Flamanville, parmi les rejets, ceux du tritium oscillent déjà entre 96 et 99,8 % des doses officiellement admises (moins en 2005 du fait de deux arrêts de tranches). Qu’en sera-t-il avec le plus gros réacteur de la série ? EDF a déjà demandé de nouvelles autorisations plus importantes de rejets.
Les premiers « bénéfices » au privé ; au public, les pertes immédiates et à venir
Areva recherche depuis longtemps une position de leader mondial sur l’ensemble de la filière nucléaire. La politique commerciale d’Areva commande la politique énergétique du gouvernement. EDF et ses usagers en assurent le coût du développement, le risque commercial, tous les risques en fait. L’EPR est donc bien représentatif de la logique du système capitaliste, qui draine un maximum de profits dans le court terme pour les actionnaires, laissant durablement à la charge de la société toutes les conséquences sociales, économiques, environnementales et de santé des choix faits pour se tailler une place sur le marché.
Proposition 7 : Arrêt des financements publics aux énergies non renouvelables
Nous sommes d’accord avec une telle mesure qui va dans le sens de ce que nous proposons à travers la reconnaissance de la dette écologique, le transfert gratuit de technologies propres et la constitution d’un fonds d’aide aux pays du Sud pour faire face aux conséquences des changements climatiques (voir mesures 20 et 21). Un fond budgétaire du même type, issu de plusieurs pays industriels, qui serait abondé par l’argent utilisé actuellement dans les projets nucléaires ou d’énergies fossiles permettrait là encore de favoriser un développement écologiquement soutenable à même de fournir les quantités d’énergie nécessaire pour les populations les plus pauvres de la planète.
Propositions 8 et 9 : Gestion des déchets (tri, recyclage et incinération)
Les projets actuels de construction de nouveaux incinérateurs montrent à quel point les pouvoirs publics désirent imposer de telles installations le plus souvent contre l’avis des populations concernées et contre tout principe de précaution tant pour la santé que du point de vue des pollutions. Il s’agit là de deux dimensions intimement liées comme le souligne l’appel de Paris en dénonçant la prolifération de substances nuisibles, provoquant entre autres de nombreux cancers ; le dit appel demande d’ailleurs l’interdiction de tout nouvel incinérateur et de toute nouvelle autorisation de co-incinération.
Une des premières mesures que l’on doit prendre est donc de stopper les projets d’incinérateurs, premier pas nécessaire pour que d’autres modes de traitement des déchets ménagers soient développées pour l’ensemble de la population. Ces autres modes doivent mettre la priorité sur :
– la systématisation du tri avec trois poubelles : une pour les déchets putrescibles, une pour les déchets secs recyclables, une pour les déchets non recyclables ;
– l’installation d’unités de méthanisation, de stabilisation et de compostage ;
– l’installation d’unités de tri biomécanique ;
– le traitement des déchets au plus près des bassins de production pour éviter la multiplication du transport routier ;
– la collecte sélective et le traitement spécifique des éléments les plus polluants (piles, déchets toxiques...) ;
– la recherche et la mise sur le marché d’emballages biodégradables
– la réduction des emballages et des déchets à la source.
?Concernant ce dernier point, il y a en effet un gros travail à réaliser pour contraindre les industries et les commerçants, en premier lieu les entreprises de la distribution, à réduire fortement les emballages et à les repenser pour qu’ils puissent resservir. Car le recyclage, même sil faut l’encourager, ne peut être une solution suffisante. Il faut donc avant tout favoriser la réutilisation des emballages consignés. La possibilité d’acheter en vrac (et donc moins cher) doit être garantie aux consommateurs. Pour les produits dont les emballages ne peuvent être recyclés, des normes très strictes doivent être prises pour limiter leur poids (les méthodes de marketing visant à offrir des cadeaux, notamment aux enfants, pour influencer les choix de consommation doivent être abolies).
Autrement dit, les produits devraient répondre à une norme de sobriété énergétique. Par contre, nous ne sommes pas favorables à une taxation indifférenciée des ordures collectées selon leur poids. La plupart du temps, le consommateur n’a pas le choix de l’emballage des produits qu’il achète ; une telle taxe créerait un double paiement sur les emballages : en tant que consommateur et en tant que contribuable. Ici, c’est avant tout la responsabilité des entreprises qui est engagée, c’est d’abord sur elles que doivent porter les solutions.
Proposition 10 : Stopper l’artificialisation et la dégradation des milieux naturels et ruraux.
Nous considérons qu’il est essentiel non seulement de préserver ce qui reste de milieux naturels ou semi-naturels et des espaces ruraux riches en biodiversité (bocages, prairies de fauche, etc.), mais aussi de restaurer des milieux dégradés (zones humides, etc.). Il faut pour cela interdire les projets d’aménagement destructeurs et multiplier les mesures concrètes de restauration (comme les exemples que vous mentionnez : carrières, cours d’eau…) et fournir les financements nécessaires.
Une telle politique exige bien plus que des mesures ponctuelles, localisées. Elle concerne la conception de l’aménagement du territoire et de la production. Elle rejoint des préoccupations sociales majeures. Par exemple, dans le monde rural, le maintien et la restauration d’une agriculture « paysanne » (ce qui ne veut pas dire archaïque !) peut permettre tout à la fois de préserver la biodiversité, la diversité des paysages, une production alimentaire de qualité, les emplois ruraux, un tissu social vivant et les services publics… En revanche, le modèle agro-industriel dominant conduit à l’artificialisation ultime des milieux, l’uniformisation des paysages, l’effondrement de la biodiversité, la désertification des campagnes, l’appauvrissement de la qualité des produits et l’aggravation des crises alimentaires.
Des milieux naturels rares doivent être protégé d’une influence humaine perturbatrice. D’autres, comme la Crau, produit d’une longue histoire naturelle et humaine combinée, doivent être protégé de la destruction par l’agro-industrie. Mais même des zones très urbanisées sont concernées. Il est en effet possible de préserver et re-développer la biodiversité en milieu urbain et péri-urbain. Nous espérons, par exemple, que l’intégration de la Seine-Saint-Denis au réseau Natura 2000 (qui concerne normalement les zones rurales) permettra effectivement de s’attacher à cette question.
Par-delà l’utilisation et le renforcement des lois comme la convention international Ramsar pour les milieux humides, le programme européen Natura 2000 ou la loi littoral en France, nous nous battons donc pour une réorientation des politiques d’aménagement du territoire, des transports, de l’énergie, d’utilisation de l’eau et de la production. Il ne s’agit pas ici d’opposer besoins humains et exigences environnementales mais au contraire de répondre aux deux en rompant avec une logique de profit qui épuise les humains tout autant que la nature. L’artificialisation brutale des milieux qu’impose la mise en œuvre du modèle industriel (capitaliste) de production dans l’agriculture coûte cher à la population (santé et pollutions, chômage et isolement…), en même temps qu’elle nourrit la crise écologique globale d’origine humaine dont le réchauffement climatique est le symbole.
Nous voulons donc mettre un terme à cette artificialisation de l’espace naturel et rural.
Mesure 11 : Relier les espaces protégés par un grand réseau écologique d’espaces naturels.
La création de « corridors » écologiques est évidemment une nécessité urgente. La fragmentation des territoires biologiques (par les voies de communication, la création de « déserts verts » par l’agro-industrie, l’urbanisation, etc.) constitue un danger particulièrement grave pour de nombreuses espèces et pour de nombreuses raisons : séparation artificielle des zones d’hivernage et de reproduction (batraciens…), impossibilité pour une espèce de recoloniser un milieu ou d’en coloniser de nouveaux, etc. De même, à une échelle plus vaste, les migrateurs doivent pourvoir trouver tout au long de leur dangereux périple bi-annuel des zones favorable à leur repos et à leur alimentation.
Il n’est pas difficile de créer ces corridors pour les populations animales et végétales locales et ces « haltes » pour les migrateurs. Le réseau routier peut être aménagé en conséquence à peu de frais (micro-tunnels pour batraciens, haies protectrices pour éviter la mortalité des nocturnes tués par les voitures, micro-ponts au-dessus des routes, etc.), ainsi que le paysage rural : bosquets, haies, bandes boisées, petits canaux, aménagement des berges, bassins d’expansion des eaux, maintien et recréation de zones inondables, création de roselières, etc.
Il suffit, pour ce faire, que ces mesures face partie du « cahier des charges » de tout projet d’aménagement. Encore une fois, il ne s’agit pas de défendre la nature contre l’homme. La fragmentation du territoire est l’un des versants de son artificialisation dont la population paye le prix. Par exemple, les zones inondables (et la végétation qui les habitent) qui sont détruites à l’occasion de ces aménagements implantés sans précautions sont essentielles à la biodiversité, mais elles jouent aussi un rôle essentiel dans l’épuration naturelle des eaux que nous utilisons et dans la limitation des inondations destructrices.
Enfin, cette « micro-écologie » (création des corridors, aménagements « doux »…) est porteuse de nombreux savoir-faire et de nombreux emplois. Elle s’inscrit dans une politique de « relocalisation » des activités humaines, à l’encontre des logiques de désertification sociale.
La création d’un réseau écologique d’espaces naturels reliant les espaces protégés sur tout le territoire national métropolitain et outre-mer, dans l’esprit du plan d’action de Johannesburg, fait partie de nos objectifs concrets immédiats.
Mesure 12 : Supprimer les aides publiques aux activités qui portent préjudice aux milieux naturels et à l’environnement.
La défense des espèces animales et végétales (comme des paysages) passe par la défense des milieux. A quelques exceptions près, la législation actuelle répond mal à ce besoin. Les lois de protection, quand elles existent, concernent trop étroitement des espèces individualisées plutôt que les écosystèmes dont elles dépendent.
Il faut donc développer une législation nouvelle qui ait effectivement les écosystèmes (à toutes échelles) pour contenu.
La protection de la nature n’est pas un domaine séparé, une « réserve législative » spécialisée. Elle concerne tous les grands domaines législatifs : politique agricole, transports, énergie, urbanisation, production… Il s’agit d’un élément d’une politique globale.
Une telle politique globale exige une action responsable de l’Etat. Ce n’est pas le « libre marché » qui va « réguler » un développement respectueux des exigences environnementales (et sociales !). Nous avons besoin de politiques publiques.
Il faut certes supprimer les aides publiques aux activités préjudiciables aux milieux naturels et à l’environnement. Mais il ne suffit pas d’agir « à la marge » sur le marché (éco-labels, etc.) et de ne pas soutenir des projets destructeurs. L’Etat doit aussi prendre des mesures réglementaires et, plus profondément, mener une action publique positive, pour mettre en œuvre un autre type de développement. L’aménagement du territoire (dans toutes les dimensions évoquées ici) est un service public.
Nous sommes pour que l’État n’accorde plus aucune aide publique aux activités qui portent préjudice aux milieux naturels et à l’environnement. Mais notre ambition est plus grande. Nous voulons que l’Etat (les politiques publiques) soit un acteur d’un autre modèle de développement.
Proposition 13 : responsabilité sociale et environnementale des entreprises
S’il ne fallait prendre qu’un exemple, le cynisme affiché par les dirigeants de Total lors du naufrage de l’Erika et au moment des récents procès à ce sujet ou encore à l’occasion de l’explosion d’AZF prouve la nécessité d’exercer un contrôle très sérieux sur les activités industrielles. Il ne peut s’agir seulement d’une information sur l’impact des activités de ces entreprises, ce qui autorise tout de même les pollutions, tout comme le principe pollueur-payeur peut devenir assez facilement l’achat d’une autorisation de polluer. On peut par contre envisager que la menace de poursuites pénales contre les dirigeants d’entreprises peut avoir un effet plus dissuasif, même si encore une fois l’action est envisagée en aval des pollutions, ce qui ne peut pas toujours les empêcher. Se pose donc le problème du contrôle, non pas seulement de l’impact des choix industriels mais avant tout de ce qui est produit, pour répondre à quels besoins, de la façon dont cela est produit.
Il nous semble irresponsable d’un point de vue écologiste de faire confiance à des chefs d’entreprise guidés avant tout par la recherche du profit, au détriment de toute contrainte sociale ou environnementale. C’est donc à la puissance publique, aux populations et aux travailleurs de décider, ce qui peut impliquer la fermeture et la reconversion d’entreprises (armement, une partie de la chimie…). La défense de l’environnement et le risque de pollutions doivent devenir des critères premiers dans les choix productifs, mais cela ne peut se faire au détriment des salariés. Cela suppose donc un « accompagnement » des salariés de manière à ce que ceux-ci ne fasse nullement les frais de réorientations industrielles : les reconversions d’emplois doivent se faire sans aucun licenciement avec maintien du contrat de travail jusqu’à reclassement effectif du salarié sur un autre emploi.
Proposition 14 : Ecotaxe progressive
Une fiscalité ou un système de taxes écologiques sont-ils possibles ? Probablement si ils peuvent avoir une dimension incitative ; mais la fiscalité et les taxes doivent avant tout garder un but d’égalité sociale. Or un certain nombre de propositions de mesures fiscales rompent avec un tel principe en taxant au même niveau contribuables individuels et industriels polluants ou en proposant de diminuer les cotisations sociales qui permettent de financer les retraites et la sécurité sociale.
On peut envisager des écotaxes ciblées sur le secteur des transports afin de donner un coup d’arrêt aux transports longue distance par camion ou au transport aérien. Ces taxes pourraient notamment être affectées à une relance du fret au niveau européen. Mais nous sommes contre une écotaxe qui frapperait aveuglément les riches comme les pauvres, les entreprises comme les usagers : d’un coté elle pourrait constituer un droit de polluer pour les riches, tandis que de l’autre elle aggraverait la situation de ceux qui, faute de transports collectifs suffisants, sont contraints d’utiliser leur voiture.
Les écotaxes ne peuvent cependant pas constituer une alternative à une stricte législation sur les normes industrielles. Selon nous, il faut avant tout systématiser la production des appareils à faible efficacité énergétique, relever les normes pour l’industrie et pour l’ensemble des appareils électroménagers et ne mettre sur le marché que des appareils en classe A ou A+. De même, en matière de construction automobile, nous pensons que les constructeurs ne doivent pas pouvoir mettre sur le marché des véhicules qui émettent plus de 120 g de CO2 par km.
Globalement nous préférons la logique qui consiste interdire le gâchis énergétique, plutôt que de permettre à ceux qui en en ont les moyens de continuer à polluer. Il faut permettre aux plus démunis d’accéder à l’efficacité énergétique grâce à des primes à la casse, des aides ciblées, et bien sur un relèvement des tous les minima sociaux.
En ce qui concerne les écotaxes ciblées sur les 4×4 ou les voitures les plus puissantes, nous y sommes favorables. Mais encore une fois, ne faudrait tout simplement réduire fortement la fabrication de ces voitures inutiles, en en limitant l’usage pour des cas spécifiques (pompiers, eaux et forêts…) ? Car une écotaxe permettra toujours aux plus riches de polluer.
Propositions 15 et 16 : chimie, agriculture et industrie
Les pesticides représentent sans doute l’une des plus grandes menaces pour l’homme et la nature… et l’une des plus diffuse et même inconnue dans ses nombreuses conséquences. Les très nombreuses molécules dispersées par l’agriculture intensive « moto-chimisée » dans les milieux naturels, et voyageant par l’eau et l’air, se retrouvent et se concentrent dans les chaînes alimentaires, voire « mutent » ou se combinent troublant ainsi la physiologie de nombreux être vivants (hermaphrodisme des poissons…), voire stérilisant les humains (une fraction significative d’agriculteurs se retrouvent ainsi après des années d’épandage de pesticides… avec ou sans protection). Les conséquences n’en sont pas connues à moyen ni long terme. Les réparations et corrections sont impossibles ex-post sauf à laisser la nature « digérer » et disperser ces molécules même si certaines se dégradent, les sous-produits en sont dangereux.
Les mesures de reconversion de l’agriculture intensive vers une agriculture respectueuse des écosystèmes doivent passer par des mesures coercitives (interdictions, sanctions… à court terme), incitatives (primes ou exonérations à court terme) mais aussi de planification de la reconversion de filières (à moyen et long terme) à partir d’une alliance entre consommateurs, salariés, écologistes et scientifiques et agriculteurs. Un transfert des subventions agricoles doit en effet de permettre aux agriculteurs qui le souhaitent de changer de pratiques, sans perte de revenus, et de pouvoir créer des coopératives biologiques à même de remplacer l’agro-industrie. Il s’agit là d’une réorientation fondamentale du produit du travail : les paysans doivent vivre dignement de leur travail.
Quant au secteur industriel, nous sommes partisans de remettre REACH (enregistrement, évaluation et autorisation des produits chimiques) en selle de façon beaucoup plus coercitive pour les industriels. Nous sommes pour l’instauration d’un réseau national de laboratoires publics indépendants de toxicologie qui factureraient aux industriels les tests obligatoires avant tout autorisation de mise sur le marché, comme cela est actuellement pratiqué en France pour obtenir l’agrément par le Ministère de la Santé lors de la mise sur le marché de matériaux destinés au contact avec l’eau potable (peinture, joints, tuyaux, vernis, etc.).
Nous souhaitons qu’aucun produit ne puisse être commercialisé sans que ses constituants n’aient été testés individuellement sur le plan toxicologique et sans que l’ensemble des produits mis en œuvre dans un produit soit testé globalement afin de détecter d’éventuelles synergies. Dans des mélanges commerciaux tous les constituants devront avoir été testés sur le plan toxicologique, y compris les “mises en œuvre”. Les listes dites positives seront interdites.
La mise en place de cette politique peut s’effectuer sur 5 ans, elle se heurtera aux lobbies de l’industrie chimique puisqu’elle remettra directement en cause leur politique du profit à tout prix.
De même que de tels tests doivent être effectués par des laboratoires indépendants des pouvoirs tant économique que politique, il est bien entendu nécessaire que la recherche épidémiologique puisse se développer en toute indépendance, tant il apparaît que les conséquences sur les organismes de nombreuses substances (suite au retraitement des déchets, à l’incinération, à l’implantation d’OGM…) sont aujourd’hui mal connues mais peuvent provoquer à l’avenir des dommages sur la santé des personnes et des animaux.
Proposition 17 : conversion des terres agricoles
Pour que le mode de production biologique représente 25% de l’agriculture française et que les produits phytosanitaires soient divisés par 2 il faut qu’une autre politique agricole soit mise en place. La situation de l’agriculture actuelle est complètement liée avec les orientations prises ces 40 dernières années où intensification et production à outrance n’étaient (et ne sont) que les seules « options » choisies.
Pour inverser réellement la tendance il faut dans un premier temps :
– une incitation financière pour les modes de production responsable telle que l’est l’agriculture biologique. Aujourd’hui les producteurs bio touchent en moyenne 50 % de subventions de moins que les autres agriculteurs. Ces techniques, bien que nombre d’entre elles soit encore à approfondir, sont écologiquement fiables.
– un encouragement financier pour l’agriculture paysanne qui est une passerelle agronomique pour parvenir vers le mode de production biologique. Le concept d’agriculture paysanne intègre, en plus d’une désintensification progressive relativement rapide des modes de production, une dimension sociale. C’est une agriculture à taille humaine qui n’a pas de « vocation exportatrice », qui privilégie ses ventes vers les bassins de consommation locaux, qui facilite la transmissibilité du moyen de production aux futurs paysans. C’est une agriculture économe et autonome qui respecte dans sa globalité l’homme et l’environnement et qu’il est donc nécessaire d’encourager.
– un plafonnement des aides par unité de travail (par individu qui travaille sur l’exploitation) et non pas par rapport à une quantité produite ou à une surface cultivée. L’aberration actuelle qui alloue plus de 84,6 % des subventions à 18,5 % des agriculteurs Européens (Source Commission Européenne pour 2006) ne peu plus durer car elles engraissent des empoisonneurs et paupérisent la majorité du monde paysan.
– supprimer tout de suite le système de « découplage » (droits à paiement unique) mis en place par le gouvernement français en 2006, alors qu’une marge de manœuvre existait de redistribution des subventions, et qui a au contraire accentué les inégalités en pérennisant ce système absurde d’inégale répartition des subventions.
En mettant rapidement en place ces orientations, cela permettrait d’enrayer les surproductions, qui tirent continuellement les prix payés au producteur vers le bas, et qui inondent les pays du sud.
De plus ces mesures représentent une économie car elles sont à même de diminuer l’enveloppe globale des subventions agricoles, avec une efficacité sociale et environnementale indéniable.
Proposition 18 : OGM
Aujourd’hui, les organismes génétiquement modifiés sont une technique scientifique : ils doivent donc rester dans des milieux confinés (serres, laboratoires).
Rien ne justifie les essais OGM en pleins champs si ce n’est la volonté de polluer génétiquement l’environnement pour ensuite généraliser les OGM.
Nous sommes opposés à ce que les OGM sortent des milieux confinés pour plusieurs raisons :
1) les OGM entérinent et développent le brevetage du vivant. Nous pensons que le vivant est un patrimoine commun de l’humanité et ne saurait être breveté
2) les OGM participent à la mise sous dépendance totale des paysans qui ne peuvent plus replanter leurs graines
3) la culture de plantes génétiquement modifiées (PGM) est une menace pour la biodiversité végétale et animale, comme l’ont montré de nombreuses études de grande envergure (en Angleterre et au Mexique notamment). Or la préservation de la biodiversité est pour nous un enjeu important (cf. question 21, 2e paragraphe, « l’union européenne »).
4) l’effet de la consommation d’OGM est encore inconnu mais un nombre croissant d’études montrent de possibles effets indésirables
Nous proposons donc :
– l’interdiction des OGM hors milieux confinés (ni en pleins champs ni dans l’alimentation animale)
– l’interdiction des OGM dans l’alimentation humaine et animale
– l’interdiction du brevetage du vivant
– l’application du moratoire au niveau européen, moratoire qui a été levé récemment.
– des contrôles plus stricts pour les importations, notamment sur le riz et le soja.
Propositions 19 et 20 : solidarité avec le Sud
Nous défendons le principe de la reconnaissance de la dette écologique des pays industrialisés envers les pays du en voie de développement. Cette dette résulte d’une part du pillage des ressources naturelles effectué lors de la période coloniale mais aussi après et qui perdure encore aujourd’hui, et d’autre part des dommages infligés à l’environnement, soit à l’occasion de la captation des richesses naturelles soit en considérant que les pays du Sud peuvent servir de poubelle aux pays du Nord et accueillir une part de leurs déchets. Une partie de cette dette écologique est constituée d’une dette du carbone dans la mesure où la majeure partie des émissions de gaz à effet de serre qui provoquent les dérèglements climatiques ont été émis par les pays industrialisés, mais que les conséquences de ces dérèglements vont toucher en premier les populations des pays pauvres.
La reconnaissance de cette dette doit notamment conduire les pays développés à :
– annuler la dette financière des pays endettés
– permettre un transfert gratuit vers le Sud de technologies propres afin que ces pays puissent adopter un mode de développement alternatif à celui promu par les puissances capitalistes et productivistes
– constituer un fonds d’aide mondial pour les pays pauvres afin qu’ils puissent se doter de structures adéquates pour faire face aux conséquences des changements climatiques et protéger leurs populations.
Dans la droite ligne de la reconnaissance de la dette écologique, il est bien entendu nécessaire de réorienter l’aide publique au développement qui bien souvent ne sert qu’à attacher aux pays les plus puissants des régimes corrompus. Cette réorientation implique donc un changement plus profond des rapports Nord-Sud et entre autres, pour ce qui nous concerne directement, la fin de la Françafrique et de la domination post-coloniale sur une grande partie du continent Africain. Seulement, si l’APD est réorientée et que les politiques de pillage des richesses naturelles se poursuivent, qu’il s’agisse du bois ou de produits miniers, les pays les plus puissants ne feraient que s’acheter à bas coût une bonne conscience écologiste. La réorientation de l’APD ne peut qu’accompagner la volonté de voir les peuples des pays dominés maîtriser leur avenir sans être soumis à un quelconque impérialisme et donc de reprendre le contrôle de leurs territoires et de leurs richesses naturelles.
Proposition 21 : subventions agricoles
La mondialisation de l’économie et des échanges concerne particulièrement l’agriculture et la pêche dans la mesure où il s’agit là de deux secteurs où même les pays pauvres sont producteurs. Leur intégration forcée dans le marché mondial s’accompagne bien souvent de crise des marchés intérieurs. Pour résoudre leurs crises de surproduction, la France et l’Europe se sont inventées une « vocation exportatrice » et se sont engagées à partir de 1986 dans les négociations internationales du GATT qui ont débouché sur la création de l’OMC et la libéralisation des marchés agricoles mondiaux. A Berlin en 1999, la Commission européenne a entrepris une réforme de sa politique de soutien à l’agriculture pour aligner progressivement les prix agricoles communautaires sur les cours mondiaux. Combinées avec le diktat du service de la dette imposé par les puissances impérialistes sous l’égide du FMI et de la banque mondiale, les règles commerciales instaurées par l’OMC, renforcent la domination des grandes multinationales du Nord. En imposant l’ouverture des marchés locaux à leurs produits, elles accentuent les dépendances (y compris alimentaires), minent les équilibres sociaux et accroissent irrationnellement les échanges internationaux, nourrissant ainsi la crise énergétique et écologique.
Plutôt que de réduire sa production , l(Union Europénne a progressivement accentué sa politique de subventions aux exportations agricoles. Permettant un véritable dumping des produits agricoles européens, cette politique a un effet dévastateur sur les petits producteurs des pays pauvres. En Afrique, les importations céréalières ont été multipliées par 3,5 entre 1965 et 1985, tandis que la production locale s’effondrait avec comme résultat global une baisse de 10% de la consommation de céréales par habitant…précisément à cause des importations à bas prix ! Les exemples sont innombrables : des producteurs de lait au Pérou ou au Kenya, de cochons en Pologne, de céréales en Chine, etc...,
tous ont subi de plein fouet cette politique.
La subvention à l’exportation est le Cheval de Troie de la mondialisation : en provoquant un exode rural elle fournit une main d’œuvre corvéable à nos entreprises et nos capitaux en quête de nouveaux profits.
La France et l’Union Européenne doivent reconnaître le droit à la souveraineté alimentaire, et donc la protection des agricultures et des pêcheurs des pays du Sud menacées par l’ouverture des marchés exigée par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Ceci passe par un certain degré de protectionnisme de la part des pays dominés mais aussi des collaborations Nord-Sud pour maintenir les cultures vivrières, dont la maîtrise doit être de la responsabilité des populations locales.
Proposition 22 : éducation, formation et sensibilisation
Toutes les opérations de sensibilisation sont bonnes à prendre, notamment sur des phénomènes dont les jeunes générations vont avoir à gérer les conséquences, comme par exemple les changements climatiques ou, à une autre échelle, les déchets nucléaires. Cela doit permettre de réorienter les pratiques de chacun vers des comportements écologiquement responsables mais aussi permettre aux citoyens de se forger des opinions en connaissance de cause sur des problèmes qui touchent à l’économie, à la science, à l’organisation du territoire. Mais une telle sensibilisation n’aura vraiment de sens que si les citoyens acquièrent un réel pouvoir dans les décisions collectives. Le savoir acquis par les citoyens doit servir à ne plus rester spectateur des décisions prises par une minorité mais à intervenir et à prendre toute sa place dans les choix publics. Cela nécessite une recherche et une information libres de toute pression politique ou économique.
Mais une information indépendante est-elle aujourd’hui possible ? Il y a clairement un problème d’information en France. La majeure partie des réseaux d’information est détenue par des groupes qui se soucient peu d’environnement. On ne peut pas se fier à une information filtrée par des marchands d’armes (Lagardère, Dassault) ou des entreprises du bâtiment (Bouygues)... De plus, la dépendance majeure vis-à-vis de la publicité rend le traitement de certains sujets impossible. Renault est un des principaux annonceurs en France. Un journal qui remettrait trop violemment en cause le règne de l’automobile y perdrait beaucoup.
Se pose aussi le problème de l’expertise. Sur les grands sujets environnementaux nous sommes pour développer une recherche publique indépendante et transparente. L’indépendance est primordiale car si les laboratoires sont financés par le privé, toutes les dérives sont possibles. C’est ainsi que l’Académie des sciences s’est ridiculisée en confiant une étude sur les dangers des OGM à un laboratoire co-financé par Aventis, fabriquant d’OGM. La transparence est aussi importante car aujourd’hui le Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA) est public et pourtant peu d’informations en filtrent. Afin d’éviter les dérives telles celles observée avec le CEA aux mains du lobby pro-nucléaire, nous proposons aussi de développer des financements pour des projets de recherche proposés par le tiers-secteur (les associations). Ceci permettrait de développer des analyses qui parfois n’intéressent pas les organismes de recherche publique. Quand on constate que la majeure partie des financements dans la recherche énergétique a été captée par le nucléaire au détriment des énergies renouvelables, on comprend la situation énergétique en France et le poids de l’industrie nucléaire. Le pouvoir politique est en mesure d’inverser l’ordre des priorités.
Proposition 23 : publicité
La publicité pose un certain nombre de problèmes : sexisme, mensonges, gaspillages, occupation de l’espace public, incitation à la consommation abusive… Le bureau de Vérification de la publicité semble avoir peu de pouvoir pour réglementer et contraindre les publicitaires à une certaine déontologie. Et des entreprises, comme Total que vous citez, mais aussi EDF qui, à écouter les publicités, semble être un grand promoteur des énergies renouvelables, redorent leur blason par le biais de la publicité tout en poursuivant leurs activités polluantes. Une réglementation est en effet nécessaire pour éviter les mensonges de ces entreprises qui vendent de l’écologie comme elles peuvent vendre du pétrole, mais aussi pour interdire la promotion de produits manifestement polluants.
Proposition 24 : exemplarité de l’Etat
L’Etat et les collectivités locales, de par les structures placées sous leur responsabilité, ont effectivement une grande responsabilité pour permettre aux productions qui respectent un certain nombre de normes environnementales de se développer. En systématisant dans les cantines publiques des produits issus des cultures répondant à des normes (en matière de pesticides, d’engrais…), on permettra aux agriculteurs de ne plus dépendre de subventions mais de vivre de leur travail. De même concernant les bâtiments : les infrastructures appartenant aux collectivités doivent être les premières à bénéficier d’une isolation efficace et de modes de production d’énergie propre. Enfin, concernant les véhicules, il est important que les représentants de l’Etat et l’administration publique fassent preuve d’exemplarité quant à leurs modes de déplacement, au choix des véhicules… même si cela aurait sûrement plus une fonction pédagogique et incitative vis-à-vis de la population que réellement efficace quant au degré de pollution.