“À une époque qui exige transparence et flux rapide des informations, le Pakistan semble nager à contre-courant.” Tel est le constat de Dawn dans son éditorial du 20 octobre, à propos de la “censure croissante” qui frappe les médias et des “restrictions imposées à la liberté d’expression” pourtant inscrite dans la Constitution, “depuis que le gouvernement dirigé par Imran Khan est arrivé au pouvoir”, il y a un peu plus de deux ans maintenant..
On l’a encore vu à l’occasion des grands rassemblements organisés le vendredi 16 octobre près de Lahore, et le dimanche 18 octobre à Karachi. Ils étaient organisés à l’instigation de onze formations de l’opposition, qui exigent que l’armée cesse d’interférer dans la vie politique du pays, et que des élections anticipées soient organisées dans les plus brefs délais, note le journal, qui observe :
“Les organisateurs ont fait en sorte que les dirigeants de tous les partis puissent parler en public. C’est une approche mature et progressiste de la politique. Mais en censurant les discours de ses détracteurs, la machine officielle a anéanti cette initiative.”
Une marche sur Islamabad
Les deux partis de gouvernement qui se sont alternés au pouvoir jusqu’en 2018, le PPP (Parti du peuple pakistanais) de la famille Bhutto et la PML-N (Ligue musulmane du Pakistan – Nawaz) de la famille Sharif, cherchent à faire tomber Imran Khan, ancienne star de l’équipe nationale de cricket, qui s’est fait élire avec le soutien des militaires et la promesse d’établir un “nouveau Pakistan”. “Aujourd’hui, ce n’est un secret pour personne que les médias sont constamment sous pression pour s’abstenir de dire, d’écrire et de montrer tout ce qui ne correspond pas à la version officielle des événements. Dire la vérité au pouvoir est apparemment considéré comme pittoresque et démodé”, dénonce Dawn.
L’opposition, réunie sous une nouvelle bannière, le Mouvement démocratique du Pakistan, prévoit d’autres meetings et manifestations jusqu’à la fin de l’année, avec en point d’orgue une marche sur Islamabad. De son côté, le Premier ministre reste droit dans ses bottes. Le lundi 19 octobre, Imran Khan a ironisé sur le “cirque politique” de ses adversaires et s’en est pris à son prédécesseur Nawaz Sharif qui, selon lui, “cherche à semer la discorde au sein de l’armée, de la magistrature et du gouvernement pour échapper à la justice” qui le poursuit dans des affaires de corruption, rapporte The Nation.
Le chef du gouvernement affirme que le peuple “veut qu’on lui rende l’argent qu’on lui a volé” et que l’exécutif est prêt, à cet effet, “à offrir tout type de soutien logistique aux tribunaux et à l’organisme en charge de la lutte contre la corruption”.
Promesses non tenues
“Il est difficile d’avoir de la sympathie pour les principaux acteurs” de la fronde qui agite actuellement le Pakistan, si l’on est partisan de la démocratie et que l’on connaît le passé peu glorieux des partis qui la fomentent, admet un chroniqueur de l’Express Tribune. Mais ce Mouvement démocratique du Pakistan a le mérite de prendre ses distances vis-à-vis de “la collusion entre civils et militaires” qui est à l’œuvre au sommet de l’État.
“Bon nombre des problèmes de notre pays découlent de notre histoire d’amour avec les régimes hybrides […] et il est nécessaire de rappeler à ceux qui sont au pouvoir que c’est la rue qui a fait tomber le régime du général Musharraf et que cette force populaire existe toujours”, estime le chroniqueur. En outre, si Imran Khan est aussi contesté aujourd’hui, c’est qu’au cours des deux dernières années il n’a pas tenu ses promesses sur l’économie en général, et sur l’inflation en particulier, conclut-il. L’opposition est donc simplement dans son bon droit.
Guillaume Delacroix
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