Lorsque notre association Acrimed fut créée en 1996, nos combats étaient précurseurs. Critiquer les dérives médiatiques. Combattre l’appropriation des médias par les capitalistes. Dénoncer les mensonges d’État relayés par la presse inféodée aux gouvernements et aux intérêts militaires. S’attaquer à la « circulation circulaire de la désinformation ». Défendre la réappropriation démocratique des médias. Soutenir les journalistes face aux directions autoritaires. Proposer des outils pour reconstruire la presse. Et s’élever contre toutes les formes de censure.
Agir. Critiquer. Proposer.
Et pour nous, l’évidence première était la défense de la liberté d’expression et de la liberté de la presse. Toujours. Le droit à la caricature, naturellement ; et à sa critique, inlassablement.
Comme en 2015, nous aurions aimé ne jamais avoir à le rappeler.
Un enseignant, Samuel Paty, qui avait montré des caricatures à ses élèves, a été assassiné par un intégriste islamiste. Encore une fois, un homme est mort, cinq ans après les attentats contre Charlie Hebdo. Nos pensées vont vers ce professeur, ses proches, ses collègues, ses élèves. Et aussi vers les journalistes et les dessinateurs qui, en France et partout dans le monde, ont péri pour avoir fait usage de leur liberté d’expression et pour avoir voulu informer.
Cet acte ignoble, et l’émotion qu’il a légitimement suscitée, ont été accompagnés de graves dérives médiatiques. Recherche obsessionnelle de boucs émissaires, stigmatisation des musulmans, déluge de fausses nouvelles ou d’informations non vérifiées, course aux « scoops », piétinement du pluralisme, mise en scène de « débats » où le commentaire hystérique prime sur la réflexion, surenchère sécuritaire et prescription de mesures liberticides, débats irresponsables sur de possibles renoncements provisoires ou partiels à l’État de droit…
L’instrumentalisation d’un drame ajoute du malheur au malheur. Ce contexte grave nous appelle à redoubler d’efforts dans notre critique des médias, et dans notre lutte contre toutes les menaces à la liberté d’expression.
Pour Acrimed, le combat continue. Et le travail est immense.
Acrimed, lundi 26 octobre 2020