Les parlementaires militants ont pour préoccupation constante de lier leur action au sein de l’institution législative aux combats des mouvements citoyens et sociaux. Il ne suffit pas ici de participer ponctuellement à des manifestations, de venir soutenir un comité de grève ou d’accueillir au Parlement une délégation syndicale. Des formes de collaboration plus régulières sont aussi indispensables. De telles formes de collaboration furent, par exemple, mise en œuvre par la délégation LCR, durant la législature 1999-2004, sur le dossier explosif, tout à la fois social et environnemental, des marées noires (en lien avec les syndicats et comités locaux) ou sur la question des services publics.
Le développement des résistances à la mondialisation capitaliste a permis de tester dans la durée de nouvelles formes d’engagement, d’association. Il s’agit en particulier du comité Attac des Institutions européennes (Attac-IE), du Forum parlementaire mondial (FPM) et de son prolongement : le Réseau parlementaire international (RPI). En cette fin de législature, il est possible de tirer un premier bilan de cette expérience, très nouvelle par son contexte et son ambition. L’expérience fut fort intéressante ; pourtant, ce bilan initial reste, comme on le verra, mitigé.
Attac-Institutions européennes
Le comité Attac des Institutions européennes a été créé, peu avant l’élection législative de juin 1999, par des fonctionnaires, salariés des Communautés européennes, notamment par des traducteurs travaillant pour la Commission ou pour le Conseil. Il ne faut pas croire que le personnel de ces institutions ne comprend que des commissaires et autres agents des gouvernants. Il comporte aussi des milliers d’emplois normaux, avec une particularité : celles et ceux qui les occupent vivent en quelque sorte de l’intérieur le déploiement des contre-réformes libérales. Ils peuvent aussi aisément juger du rôle de l’Europe dans la mondialisation capitaliste (vis-à-vis du tiers-monde...). La politique de l’Union européenne n’est pas pour eux une lointaine abstraction, comme c’est encore trop souvent le cas pour la population des pays membres.
Dès l’automne 1999, des eurodéputés ont décidé de se joindre au comité Attac-IE : membres de la GUE/NGL (dont le président du groupe, Francis Wurtz, ainsi, bien évidemment, que Roseline Vachetta et Alain Krivine), des Verts ou de la gauche socialiste. Ce comité a pour originalité de réunir plusieurs dizaines de fonctionnaires employés par trois pôles institutionnels (Conseil, Commission et Parlement), d’assistants ou d’« agents temporaires » (ces derniers travaillent pour les groupes politiques au PE) et d’élu.e.s.
Une première période durant, le comité Attac-IE a joué un rôle fort important tant pour engager des initiatives unitaires impliquant un large éventail de forces politiques que pour lier intervention législative et investissement militant dans le processus extraparlementaire des contre sommets européens ou des forums sociaux. L’expérience fut, de ce point de vue, très positive. Mais des difficultés de plusieurs ordres sont apparues.
Bruxellois et itinérants. Une première difficulté a été immédiatement perçue. Le comité comprend à la fois des « bruxellois » et des « itinérants ». Le siège réel du Parlement européen, comme de la Commission et du Conseil, est à Bruxelles. Il n’y a que les Français pour croire qu’il est à Strasbourg, où les bâtiments du PE restent vide 26 jours par mois et où des milliers de personnes sont obligées de se rendre à l’occasion des grandes plénières pour la seule grandeur de la France. Bien des membres d’Attac-IE habitent donc dans la capitale belge et militent, en quelque sorte, dans un comité de très grande entreprise, naturellement lié aux activités locales et nationales du mouvement. Les autres membres sont des « itinérants », en déplacements perpétuels entre la capitale belge, Strasbourg, leur pays d’origine, le lieu destination de leurs missions : c’est le cas pour la plupart des députés, mais aussi pour nombre d’assistants et d’agents temporaires. Leur activité collective est plus centrée sur le Parlement lui-même.
Le champ d’intervention d’Attac-IE n’est pas monothématique. Il concerne l’ensemble du terrain de l’altermondialisme. Néanmoins, pour réunir en pratique « bruxellois » et « itinérants », il a besoin de campagnes ciblées qui trouvent un répondant à la fois dans l’enceinte législative et en Belgique. Ce sont les initiatives en faveur de la taxe Tobin qui ont tout d’abord fourni cette armature commune. Puis cette campagne a perdu de sa force. Attac-France en avait été l’initiateur, néanmoins la brutalité des offensives libérales l’a amené à donner la priorité à d’autres dossiers sociaux (retraites, etc.). Le thème de la taxation des mouvements de capitaux reste toujours présent, en particulier au PE, mais sans déboucher sur de véritables mobilisations durables. Le lien entre intervention législative et campagne militante s’est ainsi distendu. Ni la question des paradis fiscaux ni celle de la dette du tiers-monde, par exemple, n’ont pris le relais.
Strasbourg. Avec le premier rendez-vous de Porto Alegre (janvier 2001), une partie du comité Attac-IE a dû se consacrer de plus en plus à la question des forums parlementaires mondiaux, à la création et à l’animation du Réseau parlementaire international. Or, il est plus facile de réunir les députés à Strasbourg, durant les sessions plénières, qu’à Bruxelles. Un nombre croissant de réunions ont commencé à se tenir dans la capitale alsacienne, auxquelles les « bruxellois » (notamment les salariés de la Commission et du Conseil) ne pouvaient plus participer. Le comité Attac des Institutions européennes existe toujours. Mais, progressivement, un écart croissant est apparu entre les activités menées de Bruxelles et l’intervention liée au RPI.
Le Forum parlementaire mondial
Le Forum parlementaire mondial s’est réuni en janvier 2001. Le gouvernement PT du Rio Grande do Sul (l’Etat brésilien dont Porto Alegre est la capitale) est à l’origine de cette initiative, que le noyau parlementaire du comité Attac-IE a immédiatement faite sienne. Les trois premiers FPM ont été, pour l’essentiel, préparés conjointement du Brésil et du Parlement européen. Le quatrième, réunit à Mumbai (Bombay) en janvier 2004, l’a été du PE et de New Delhi.
Déclaration initiale. Le Forum parlementaire mondial s’est réuni « au sein » du Forum social mondial, tout en étant préparé de façon indépendante. Dès l’origine, la question du lien entre ces deux types de forums, ainsi qu’entre législateurs et mouvements, a été au cœur de ce projet. Ainsi la « Déclaration finale » (voir section documentaire), qui conclut les travaux du premier FPM, appelle à la création d’un réseau capable d’agir dans la durée et qui aura deux fonctions principales : coordonner sur le plan international l’action de ses membres dans les assemblées législatives et soutenir les combats sociaux et citoyens. Citons la déclaration :
« Il est de notre rôle de parlementaires de soutenir l’action des syndicats et associations à finalité sociale, démocratique ou environnementale qui s’engagent ensemble dans la mise en œuvre d’alternatives à l’ordre néolibéral. Il est de notre rôle d’agir dans la durée avec ces organisations pour que leurs combats trouvent véritablement une traduction législative. (...)
« Nous voulons agir pour le respect de la souveraineté démocratique et populaire, donner la priorité aux objectifs de développement humain face, notamment, à la multiplication des accords de libre-échange et aux libertés croissantes accordées au capital au détriment des droits sociaux et des exigences écologiques. Nous refusons la marchandisation et la privatisation des biens publics et des services publics répondant aux besoins essentiels des populations.
« A cette fin, nous constituerons un réseau international de parlementaires pour coordonner nos actions sur ces thèmes dans nos assemblées respectives, pour soutenir plus efficacement l’action des mouvements sociaux et citoyens et en faire des interlocuteurs privilégiés de nos assemblées, pour réfléchir ensemble aux solutions alternatives. ».
Cinq forums parlementaires. Le Forum parlementaire mondial s’est réuni en session régulière à l’occasion de chaque Forum social mondial (à Porto Alegre de 2001 à 2033, puis à Mumbai en 2004). Les principales résolutions adoptées lors de ces sessions sont intégralement reproduites dans la section documentaire de ce cahier.
Le FPM s’est aussi réuni à l’occasion de la cinquième Conférence interministérielle de l’OMC, à Cancun (Mexique), en septembre 2003, préparé par une déclaration du Réseau parlementaire international : « Nous, Membres du Réseau parlementaire international (RPI), créé lors du Forum Parlementaire Mondial de Porto Alegre/Brésil, avons pris l’engagement de défendre fermement l’idée qu’un autre modèle économique et commercial dont bénéficierait les peuples du monde, est possible.
« Nous croyons que l’ordre mondial économique actuel, avec les organisations de Bretton Woods comme institutions dirigeant les questions économiques et financières d’un côté, et l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) de l’autre, ne conduit pas à ce but. Depuis la création de l’OMC en 1995, le fossé entre les riches et les pauvres s’est creusé de façon dramatique. L’accord obtenu à la quatrième Conférence Ministérielle en novembre 2001 dans le Capitale du Qatar, Agenda de Doha sur Développement, ne vaut pas son appellation.
« Dans le cadre de la cinquième Conférence Interministérielle de l’OMC qui se tiendra à Cancún/Mexico, du 10 au 14 septembre 2003, nous, en tant que parlementaires, proposons un ensemble de revendications minimales qui devront être traitées par la Conférence. (...) » Ces dix revendications minimales, auxquelles l’OMC devrait se soumettre, incluent : la surveillance démocratique et le refus d’élargir les compétence de l’Organisation, alors que bien des dossiers antérieurs restent sans solution ; le maintien et le renforcement des services publics ; le droit d’accès aux médicaments et l’interdiction du brevetage du vivant ; la protection des accords internationaux en défense de l’environnement et l’application du principe de précaution ; la reconnaissance de la « multifonctionalité » de l’agriculture et l’abolition des subventions à l’exportation pour les produits agricoles.
Quel forum parlementaire ?
Le premier Forum parlementaire mondial (janvier 2001) avait été considéré comme un important succès. Le bilan du second (février 2002) était plus mitigé. La participation avait été nombreuse et un pas en avant avait été réalisé dans l’organisation du Réseau international. Mais les débats avaient déçu et la question de la guerre en Afghanistan avait provoqué de vives tensions. La préparation du troisième FPM (janvier 2003) a donc été l’occasion de faire le point, notamment avec le secrétariat du Forum social mondial, rencontré à ce sujet le 29 octobre 2002 à Sao Paulo.
Lettre du 8 octobre 2002. Pour préparer cette réunion, nous avions envoyé, le 8 octobre, une lettre au secrétariat du FSM précisant la conception que nous avions, au Parlement européen, du processus de FPM. Il peut être bon de la citer ici assez longuement, car elle touche au cœur même du projet que le noyau animateur du Réseau parlementaire international en Europe a tenté de mettre en œuvre durant la législature 1999-2004, un projet original qui tentait de répondre à l’originalité même du développement des forums sociaux :
« La délégation européenne avait été très satisfaite du premier Forum parlementaire mondial, en 2001. Ce n’a pas été le cas pour le second, en 2002. Des problèmes d’ordre différents se sont posés. La question politique de la guerre d’Afghanistan. Des questions d’organisation : nous avons, notamment, dû consacrer beaucoup de temps à résoudre la « crise afghane » et la distribution des projets de résolutions a été très tardive. La nature des débats en plénières a aussi déçu : une ennuyeuse succession de monologues. Le second FPM a été un succès numérique, mais un avertissement politique.
« Le troisième FPM doit être conçu différemment et nous pensons combiner travail en ateliers et en réunions plénières, préparation d’un calendrier d’activités et réels débats politiques, etc. Nous avons commencé à faire des propositions en ce sens. Mais il apparaît nécessaire de clarifier la conception même du Forum parlementaire. Disons pour simplifier que deux conceptions fondamentales sont possibles. Dans le vocabulaire d’aujourd’hui : privilégier « l’événement » ou le « processus ».
« Bien entendu, une réunion du FPM sera toujours un « événement », notamment dans le pays d’accueil. Mais nous partons du « processus », c’est-à-dire ici de la construction et de l’animation dans la durée du Réseau parlementaire international. C’est pour nous l’objectif premier : constituer un réseau capable de prendre des initiatives et de poursuivre une activité permanente tant sur le terrain législatif qu’en lien avec les campagnes de la société civile, en solidarité avec les mouvements sociaux. C’est, pensons-nous, l’esprit et la lettre de la résolution adoptée au premier Forum parlementaire mondial, qui initiait la constitution du Réseau dans une perspective militante. L’esprit et la lettre, aussi, de résolution adoptée au second forum, sur le fonctionnement du réseau.
« Dans cette optique, le Forum parlementaire doit évoluer. Il doit exprimer de plus en plus la réalité et les perspectives du réseau. Il doit tendre à devenir, en quelque sorte, une assemblée mondiale du réseau. Ouverte certes, mais qui affiche clairement des ambitions militantes (choix de campagnes, définition d’un calendrier annuel d’activités, affirmation d’un lien solidaire avec la société civile et les mouvements sociaux). Il devrait aussi être capable d’assumer sur des questions d’actualité des débats, des échanges clairs, quitte à ne pas conclure quand des divergences sont trop manifestes.
« Dans cette optique, toujours, le lien entre le Forum parlementaire et le Forum social doit être préservé. Le Forum social est évidemment « premier », et le Forum parlementaire « second ». Le FPM n’existe que parce que le FSM s’est créé ; le Forum parlementaire s’est réuni « au sein » du Forum social... Mais ce lien entre Forum parlementaire et Forum social fait partie de l’identité même du réseau parlementaire tel qu’il a été initié lors des deux premiers FPM.
« Or, le lien politique (et symbolique) implique un lien physique. Ne serait-ce que pour des raisons pratiques. On ne peut pas espérer que des parlementaires vont pouvoir rester 10 jours ou plus à Porto Alegre. Si le Forum parlementaire se tient plusieurs jours avant le Forum social, il y aura des députés qui iront au premier mais ne resteront pas au second et d’autres (les plus engagés) qui laisseront tomber le premier au profit du second. Bien rares seront celles et ceux qui feront le lien entre les deux.
« Si le Forum parlementaire est détaché du Forum social, il va se vider de sa substance militante et se réduire à « l’événement » médiatique, au détriment du « processus » militant : il ne sera plus l’occasion de renforcer le Réseau parlementaire international et sa capacité d’action dans la durée. Il perdrait alors beaucoup de son intérêt à nos yeux. Et sans l’appui de « l’événement » FPM, nous risquerions d’échouer dans la construction du RPI.
« Dans la lignée des résolutions adoptées lors des deux premiers FPM, nous soulignons donc le lien directe qui existe entre le Forum parlementaire mondial et la construction du Réseau parlementaire international, ainsi que le lien solidaire entre ce réseau et les combats de la société civile, des mouvements sociaux.
« Pour résumer, à nos yeux :
« 1. L’objectif est la construction du Réseau parlementaire international agissant dans la durée sur le terrain parlementaire et en lien avec la société civile, en solidarité avec les mouvements sociaux. Après avoir initié le RPI (en 2001) puis avoir discuté de son mode d’organisation par pôles régionaux (en 2002), le Forum parlementaire mondial doit évoluer pour répondre mieux aux besoins et activités du réseau. Il doit devenir le forum du réseau.
« 2. Nous sommes dans une phase de transition. Les décisions de principes concernant le réseau ont été prises en 2001 et 2002. Le pôle européen du réseau prend forme et a commencé à agir. Ces activités ont un répondant international (voir la « Déclaration Rio + 10 »). Mais le secrétariat international ne fonctionne pas encore et les autres pôles régionaux sont largement virtuels. En Amérique latine, il s’agit pour l’essentiel d’impulsion initiale : les parlementaires sont connus et se sont rencontrés à Porto Alegre. Dans les autres parties du monde, il faudra probablement encore du temps pour constituer des pôles régionaux. Le prochain Forum parlementaire doit aider à « internationaliser » le réseau et ses pôles régionaux.
« 3. Le prochain Forum parlementaire peut et doit commencer à refléter l’activité et les perspectives du réseau. Pour cela, il ne suffit plus d’adopter quelques résolutions sur des questions d’actualité. Le forum doit aussi consacrer une partie notable du temps à discuter (en ateliers et plénières) d’initiatives, de campagnes et d’un calendrier pour 2003. Il faut, par ailleurs, repenser les débats politiques sur les questions d’actualité pour éviter la succession des monologues et permettre de véritables échanges.
« 4. Le RPI, réseau progressiste de parlementaires, a pour originalité sa volonté de tisser des liens solidaires avec la société civile et les mouvements sociaux. Il souhaite articuler son action parlementaire avec leurs combats, favoriser des convergences. En conséquence, le Forum parlementaire ne doit pas être déconnecté du Forum social mondial. C’est pourquoi nous apprécions la formule utilisée en 2001 et 2002 : il se réunit « en son sein ». Ce qui implique évidemment que le FPM et le RPI acceptent l’esprit de la Charte des principes du FSM, ne portent pas atteinte à se visibilité et respectent dans les faits l’authenticité de l’espace « société civile » ouvert par le forum social. »
Eléments initiaux de bilan
Chaque forum parlementaire se tient dans un pays et à un moment donnés. Il faut évidemment en tenir compte pour jauger ses résultats. Ainsi, le FPM de Cancun, en se réunissant sur place, a pu mettre très directement en question les politiques de l’OMC. Il a largement été organisé par le réseau latino-américain (mexicain) et a favorisé d’intéressants débats. Autre exemple, le Forum parlementaire de Mumbai a permis à des députés pakistanais de rencontrer leurs collègues indiens et d’envisager des initiatives communes pour rompre l’état de guerre latente qui règne entre les deux pays.
Mais, quatre ans après le premier FPM, comment juger du processus d’ensemble ? On peut commencer par relever les points suivants :
1. L’organisation du RPI. Le Réseau parlementaire international a pris forme. Il s’organise, conformément à la résolution adoptée en février 2002, autour de pôles régionaux ; une liste email assurant sa vie interne. Cette formule semble bien adaptée : elle est souple et permet de mener des initiatives tant au niveau mondial que régional. Mais la construction du RPI reste lente et très inégale suivant les pays. Elle a commencé en Europe, puis en Amérique latine. Ailleurs, le réseau comprend des membres, mais pas de pôles régionaux organisés.
Les difficultés d’organisation ne doivent pas être sous estimées. Le réseau bénéficie de l’engagement de groupes parlementaires (comme celui de la GUE/NGL au PE), mais il ne possède aucun secrétariat ou financements propres.
2. La vie des pôles régionaux. Le pôle européen a un avantage de taille : un cadre commun (pour les pays membres de l’Union au moins) et une institution opérant à cette échelle : le PE, où les principales composantes politiques du réseau peuvent collaborer en impliquant des élu.e.s de pays divers. Le Parlement européen a effectivement servi de base d’appui. Au point que le noyau animateur du pôle européen a été l’interlocuteur des Brésiliens dans la préparation des trois premiers FSM, des Mexicains pour Cancun et des Indiens pour Mumbai : il a ainsi contribué à la continuité du processus. Mais l’association de membres des parlements nationaux, en Europe, s’avère toujours bien marginale, malgré l’organisation de réunions à cet effet ; quant à l’équipe animatrice, elle reste par trop française.
Le pôle latino-américain prend forme à l’occasion d’initiatives (forum de Cancun, participation au forum de Mumbai...), mais il n’a pas encore trouvé les moyens d’un fonctionnement régulier.
3. La capacité d’action. Le Réseau parlementaire international a commencé à intervenir en 2002. Il a, pour l’essentiel, mené trois type d’actions : inciter ses membres à participer à des mobilisations sociales et citoyennes, initier des appels et préparer les forums. L’ordre du jour des forums parlementaires est ainsi devenu plus militant (voir par exemple la résolution du troisième FPM de Porto Alegre).
Trois appels ont été initiés par le RPI : une déclaration en défense des droits sociaux et du développement durable préparée pour la conférence de Johannesburg (Rio + 10) en août 2002 ; un appel en défense des services publics et contre l’Accord général sur le commerce des services négocié au sein de l’OMC ; la déclaration sur la conférence de Cancun citée plus haut. Chacun de ces appels a été signé par plusieurs centaines de parlementaires de très nombreux pays. C’est une nouveauté et cela montre l’importance de ce que nous pouvons faire avec un tel instrument. Mais pour que ces initiatives deviennent plus efficaces, il faudrait qu’elle soient relayées par un investissement collectif dans les campagnes associatives et syndicales, ce qui n’est aujourd’hui qu’imparfaitement le cas.
4. Une question de fond. Pour être utile aux processus des forums sociaux comme aux mouvements sociaux et citoyens, le Réseau parlementaire international doit rassembler assez largement les élu.e.s progressistes. Il s’agit d’une initiative unitaire, pas de construire un (tout petit) un réseau révolutionnaire. Mais, toujours pour être utile, le RPI doit être libre de s’engager auprès des mouvements, de les appuyer effectivement, sans subir la contrainte des politiques gouvernementales (fussent-ils des gouvernements de gauche). L’adhésion au réseau est individuelle ; c’est une structure militante, pas une institution. Les parlementaires qui le rejoignent y trouvent une liberté d’action, pour affirmer leurs solidarités. Le réseau peut alors vivre. Mais s’il devient prisonnier de la realpolitik gouvernementale, il sera paralysé.
Le premier Forum parlementaire européen, réuni en novembre 2003 à Bobigny, à l’occasion du second FSE, a été un échec. Il y a plusieurs raisons à cela. La principale, c’est que les divergences qui se manifestaient au sein du réseau, sur l’Europe (notamment sur le projet de Constitution-Giscard) n’ont pas pu et ne pouvaient pas être surmonté. De cet échec, on peut tirer deux leçons : Quand les divergences sont manifestes, il vaut mieux les discuter ouvertement dans le forum même, plutôt que de tenter de les estomper ou de les noyer dans une déclaration faussement unanimiste ; ce qui peut au moins susciter un débat intéressant. Et, on en revient toujours à cette question, la préoccupation première du forum (comme du réseau) doit être son lien à l’action des mouvements, des acteurs sociaux.
5. Le lien avec les forums et mouvements sociaux. Ce lien constitue en quelque sorte le test ultime pour juger du succès. Il s’avère aujourd’hui, comme indiqué en introduction, ambivalent. Les forums parlementaires et la création du RPI ont suscité espoir et intérêt chez de nombreux acteurs des forums et des mouvements sociaux. Mais aussi pas mal de réserves, de prises de distances. Le FSE a ainsi préféré accueillir le FPE « à ses côtés » (à l’instar d’autres forums comme celui des autorités locales) plutôt que « en son sein »...
La confiance des acteurs et mouvements sociaux se mérite ; elle ne se décrète évidemment pas. Il est clair que le Forum et le Réseau parlementaires n’ont pas encore su convaincre. Disons pour conclure que ce qui a été fait ces quatre dernières années illustre ce qui pourrait être fait. Ce qui est important. Mais que beaucoup reste à faire. La prochaine législature...