Capture d’écran d’une interview vidéo de Pham Doan Trang par The 88 Project, publiée sur Youtube en mai 2019.
Pham Doan Trang a été arrêtée dans la soirée du 6 octobre 2020 à son domicile de Ho Chi Minh City. Dans un premier temps placée en détention au secret, elle est inculpée pour avoir « produit, conservé et diffusé des informations, des contenus, des objets hostiles à la République socialiste du Vietnam » (article 117 du Code pénal de 2015). Elle risque jusqu’à 20 ans de prison.
Journaliste de formation, Pham Doan Trang a dans un premier temps travaillé au sein de médias officiels vietnamiens en tentant de couvrir des sujets généralement visés par la censure. Puis, elle s’engage de plus en plus publiquement en faveur des droits humains et de l’environnement sur Internet, notamment sur Facebook, et lors de manifestations. Elle écrit plusieurs ouvrages sur la politique, la démocratie et les droits humains qui doivent être publiés en dehors des circuits traditionnels pour éviter la censure. Pham Doan Trang est également à l’origine de Luat Khoa Tap Chi, un site d’informations sur la politique et les droits humains au Vietnam, et la fondatrice de l’association de défense de l’environnement Green Tree. Lors du déversement toxique de Formosa en avril 2016, Pham Doan Trang s’est jointe aux activistes tentant d’apporter leur soutien aux populations affectées. Plus récemment, elle a produit un rapport sur la violente opération policière du 9 janvier 2020 à Dong Tam. Extrêmement solidaire des autres défenseurs des droits vietnamiens, elle apporte régulièrement son soutien aux familles des prisonniers de conscience, malgré les risques que cela implique au Vietnam. Sa détermination, son courage et ses sacrifices ont fait de Pham Doan Trang l’une des figures les plus reconnues de la dissidence vietnamienne.
A cause de ses travaux, cette journaliste de 42 ans a fait l’objet d’années de persécutions de la part des autorités. Depuis 2015, elle a été arrêtée à une trentaine de reprises par la police pour être interrogée sur ses activités ou empêchée de participer à des évènements. Elle a également subi de nombreuses violences de la part de la police dont elle garde des séquelles physiques. Consciente des risques qu’elle prenait en défendant corps et âme les droits fondamentaux de ses concitoyens, Pham Doan Trang avait laissé derrière elle une lettre à publier si elle était arrêtée, dans laquelle elle souhaite que son emprisonnement serve à médiatiser sa cause. Elle encourage également ceux qui la soutiennent à lire ses ouvrages et à réclamer des réformes légales au Vietnam :
« Je ne veux pas de liberté pour moi-même, ce serait trop facile. Non, je veux quelque chose de plus grand : la liberté pour le Vietnam. »
Vous souhaitez soutenir Pham Doan Trang ?
– Téléchargez ce modèle de lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et adressez-la à l’ambassadrice de la République socialiste du Vietnam auprès des Nations Unies par courriel ou par voie postale. Vous pouvez également adresser une copie de votre lettre à l’ambassade du Vietnam en France.
– Tweetez, postez sur Facebook, faites-le savoir autour de vous !
CONTEXTE
Une répression qui n’a pas faibli en 2020
Si le Vietnam a pu faire la Une en 2020 grâce à une gestion relativement efficace de la pandémie du COVID-19 sur son territoire, cela n’a pas empêché la répression à l’égard des voix indépendantes de se poursuivre, au contraire. En mai 2020, trois blogueurs de renom ont été arrêtés. En septembre 2020, de sévères condamnations ont été prononcées à l’encontre des citoyens de Dong Tam qui luttaient contre des expropriations forcées, allant de 10 ans d’emprisonnement à la peine capitale. Quelques mois auparavant, en juin, plusieurs militants des droits fonciers ayant dénoncé les violences policières commises lors de l’opération policière à Dong Tam avaient également été placés en détention et sont en attente de leur procès.
Les écrits en ligne de plus en plus criminalisés
En l’absence d’une presse indépendante, et dans un pays où la société civile est bâillonnée, Facebook est devenu en dix ans l’un des derniers espaces d’expression libre des Vietnamiens. Les défenseurs des droits humains, mais également les citoyens en général, y commentent l’actualité sociale, environnementale et politique, partagent des livestreams de manifestations ou des photos attestant des brutalités policières. Conscient du potentiel de mobilisation qu’offre la plateforme, le Vietnam a pris des mesures pour en contrôler les contenus. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur la loi sur la cyber sécurité qui, sous couvert de lutte contre la cybercriminalité et au nom de la sécurité nationale, porte gravement atteinte à la liberté d’expression en ligne. Les autorités vietnamiennes bénéficient parfois de la complicité des plateformes telles que Facebook, qui ont eu à plusieurs reprises recours à la censure de publications jugées sensibles.