Coup de semonce à Katmandou. Prenant toute la classe politique par surprise, le Premier ministre du Népal, Khadga Prasad Oli, a ordonné la dissolution de la chambre basse du parlement, dimanche 20 décembre au matin, à l’issue d’une réunion d’urgence de son gouvernement. “Dans la foulée, la présidente de la République a entériné la dissolution et annoncé l’organisation d’élections législatives anticipées pour les 30 avril et 10 mai prochains”, rapporte le quotidien Himalayan Times.
“Cette décision est intervenue à la suite de l’aggravation de la crise au sein du parti communiste népalais au pouvoir” depuis bientôt trois ans, précise le journal. Craignant de possibles violences, le chef de l’exécutif “a ordonné à toutes les forces de sécurité, armée, police, services de renseignement, de rester en état d’alerte”, indique de son côté le quotidien indépendant MyRepublica.
Dès le milieu de journée en effet, “d’importantes manifestations ont eu lieu dans diverses régions du pays, y compris dans la capitale Katmandou”, pour dénoncer le caractère “anticonstitutionnel” de la dissolution et réclamer son annulation. “La proposition surprise du Premier ministre de dissoudre la chambre en réponse à la contestation des partis rivaux est vivement critiquée”, observe l’hebdomadaire Nepali Times.
Une décision périlleuse
De nombreux dirigeants politiques, militants et commentateurs se sont précipités sur les réseaux sociaux “pour dire qu’il appartenait désormais à la présidente Bidya Devi Bhandari et à la Cour suprême d’annuler la décision du gouvernement”. Beaucoup considèrent cette décision “mal avisée” et susceptible de “détruire la démocratie durement acquise” au Népal, en poussant le pays “au bord de la falaise”.
Le Nepali Times a interrogé un expert du droit constitutionnel, lequel est formel : “La Constitution entrée en vigueur en 2017 ne donne pas au chef du gouvernement la possibilité de dissoudre le parlement, tant qu’existe la possibilité de former un autre gouvernement”. Cette disposition a été introduite il y a trois ans dans la loi fondamentale du petit État himalayen pour, précisément, “donner plus de stabilité politique” à un pays qui a pour habitude de changer de dirigeant très fréquemment, depuis la chute de la monarchie en mai 2008.
En fait, la dissolution est la seule solution qu’a trouvée Khadga Prasad Oli pour sortir du conflit qui l’oppose depuis de longs mois à Pushpa Kamal Dahal, dit “Prachanda”, l’artisan de la guerre civile (1996-2006) qui a abouti à l’instauration de la république. Les deux hommes, l’un marxiste, l’autre maoïste, ont fusionné leurs formations respectives en 2018, pour donner naissance au Parti communiste népalais (NCP).
Avant d’en arriver au déclenchement d’une énième crise de régime, Khadga Prasad Oli avait “soulevé cette année un différend frontalier avec l’Inde, puis invoqué la pandémie de Covid-19 pour suspendre les travaux du Parlement”. Une façon de jouer la montre qui n’a rien donné.
Courrier International - Paris
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