La confédération paysanne ne soutient aucun candidat à la présidentielle, même issu de ses rangs, mais, en ce début avril, son magazine Campagne solidaire affiche en « une » la question « Politique et syndicalisme : un couple inséparable ? ». Avec un entretien avec José Bové, son porte-parole de 2000 à 2004. Pas un coup de pouce, mais une façon de poser le débat, car quoi que décide le syndicat, trois ans après son départ, José Bové lui reste lié, fortement. Encore plus en ces temps de campagne. Du courrier à l’attention du candidat afflue au siège, à Bagnolet. Au téléphone, c’est devenu un réflexe quand un journaliste appelle : « Ça concerne José Bové ? Je vous donne le numéro de son attachée de presse. »
C’est en 2006 que la décision de ne pas soutenir José Bové a été prise, et discutée avec l’intéressé, alors candidat à la candidature unique. Dans un communiqué, la Confédération a rappelé que ses statuts stipulent l’indépendance entre politique et syndicat et précisé que « les militants qui s’engageraient le feront à titre individuel sans pouvoir se prévaloir de leur appartenance à la Confédération paysanne ». Parmi les anciens porte-parole, François Dufour a suivi Bové, mais pas René Louail et Jean-Michel Sanchez, encore aux responsabilités. Les avis sont partagés sur la décision de « José ».
PETITS MATINS ET GRAND SOIR
Depuis, ce texte est réutilisé, comme lors de la campagne pour les chambres d’agriculture en janvier, alors que le concurrent FNSEA tentait de « faire un amalgame » entre le syndicat et M. Bové. Une élection où la Confédération a dévissé, perdant le profit de la période Bové (7 points). Les questions fusaient avant même les résultats sur l’impact de l’absence de M. Bové pour défendre les couleurs du syndicat, et de sa présence sur la scène politique.
Depuis, le secrétariat national a demandé à des sociologues de se pencher sur le bilan des élections, et lancé le débat dans les départements. « Les paysans nous considèrent comme les défenseurs d’une agriculture marginale alors qu’il y a aussi chez nous des producteurs de lait classiques ; ils ne nous voient qu’à travers la lutte anti-OGM, la judiciarisation, et le prisme politique, par le biais de José », estime Régis Hochart, l’actuel porte-parole.
Si près de 20 % des agriculteurs ont voté Confédération aux élections professionnelles, seuls 6 %, selon un sondage Ifop publié en mars, s’apprêtent à voter Bové. Selon Jean-Philippe Martin, auteur d’Histoire de la nouvelle gauche paysanne, la Confédération a de bonnes raisons de ne pas le soutenir. « Tout d’abord, elle a toujours affirmé son indépendance par rapport à la politique, elle n’a en outre pas intérêt à soutenir un candidat très marqué à gauche, et enfin l’image actuelle de Bové ne colle pas avec ce qu’elle veut affirmer en ce moment », explique-t-il, rappelant que parmi les militants, beaucoup sont issus du christianisme social, et donc plus proches du PS que de l’extrême gauche.
La question du positionnement demeure. Si la Confédération paysanne a bâti son action sur deux piliers, la défense des paysans et l’ancrage dans le mouvement social, depuis 2004, les deux sont de nouveau mis en avant, alors que le premier s’était fait plus discret avec M. Bové. Surtout, le mode d’action fait débat. « On est souvent dans le »Il n’y a rien à négocier« , mais nous sommes un certain nombre à dire qu’on préfère plusieurs petits matins qu’un seul grand soir », affirme Gérard Durant, porte-parole qui vient de démissionner. Le sujet sera débattu en congrès, au Mans fin mai. Y fera suite la désignation du ou des futurs porte-parole. Mais tous sont d’accord sur un point : l’absence de charisme des successeurs de José Bové a nui à la visibilité.