Le ministre indonésien de la Défense, Prabowo Subianto, veut faire de la formation de la réserve civile une des neuf mesures de la politique de Défense nationale en 2021. “La complexité des menaces doit être comprise par tous les éléments de la défense nationale”, a déclaré à Koran Tempo l’ancien chef des forces spéciales indonésiennes au Timor Oriental sous la dictature du général Suharto dont il est le gendre. Rival de Joko Widodo lors des deux dernières élections présidentielles, Prabowo Subianto n’en est pas moins devenu le ministre de la Défense en 2019.
Le décret présidentiel signé à la mi-janvier stipule qu’après une sélection administrative environ 25 000 civils suivront une formation de combat de base dans l’armée de terre, la marine ou les forces aériennes. Ils se verront alors attribuer un rang égal au personnel militaire, mais ils ne seront mobilisés qu’en cas de menace nationale.
Muradi, expert en stratégie militaire à l’université Padjadjaran de Bandung, estime que les guerres potentielles ne prendront plus la forme d’une invasion militaire : “Elles sont aujourd’hui transférées dans le cybermonde. Même la guerre conventionnelle utilise désormais des véhicules sans pilote, comme les drones”, explique l’universitaire à Koran Tempo.
La défense de l’État
Dans son édito, le quotidien s’interroge, comme le public, sur l’urgence d’un tel décret : “Dans cette nouvelle réglementation, toutes les menaces pesant sur le pays sont imaginées comme étant de nature militaire, et toute défense nationale ne peut être menée que militairement. Ce point de vue est tout simplement dépassé. Trois mois de formation militaire de base pour chaque recrue de la réserve ne suffiront pas à faire face aux cyberattaques ou aux catastrophes naturelles. En fait, cette loi sur la gestion des ressources nationales pour la défense de l’État a cartographié les diverses menaces potentielles récentes. Outre l’agression militaire, elle a inscrit dans ce paysage le terrorisme, les idéologies séparatistes, la destruction de l’environnement et les épidémies. Au lieu de traiter de questions non urgentes comme celle-ci, toute l’énergie du gouvernement devrait se concentrer sur la gestion de la pandémie de Covid-19,, qui fait toujours rage”, note Koran Tempo.
Pour Usman Hamid, directeur exécutif d’Amnesty International en Indonésie, ces citoyens de la réserve militaire risquent de provoquer de violentes frictions au sein de la société. Ces troupes civiles peuvent en effet être déployées pour affronter les manifestants qui s’opposent aux nouvelles lois autoritaires votées par le Parlement : “Ces deux dernières années, les décisions du président, Jokowi, se sont souvent heurtées à des mouvements de protestation”, met en garde Usman.
Il craint que cette réserve civile soit dans le même esprit que l’idée du nouveau chef de la police nationale de restaurer une force de défense civile dite “Pam Swakarsa”. “La Pam Swakarsa a été créée en 1998 sur les ordres du général Wiranto, qui était alors commandant des forces armées de la République d’Indonésie et ministre de la Défense et de la Sécurité. À l’époque, les autorités ont utilisé cette force pour disperser les étudiants qui manifestaient pour réclamer la fin de la dictature”, rappelle Koran Tempo.
Koran Tempo
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