Après la victoire du « non » au référendum, une légitime aspiration à rechercher l’unité pour la présidentielle est apparue. Certains ont voulu voir, dans l’échec, le produit d’un affrontement entre « chapelles » ou « appareils » politiques, d’autres celui du choc entre des ego hypertrophiés. À l’aune des campagnes menées par les candidats qui battaient l’estrade conjointement contre le traité constitutionnel européen, on s’aperçoit que cette situation est plutôt le fruit de divergences bien réelles. Elles démontrent que le « non » au référendum ne constituait pas un ciment suffisamment fort pour affronter en positif la définition d’un programme et la stratégie de pouvoir.
José Bové a passé son week-end à tacler Buffet et Besancenot. Interrogé, lui aussi, sur le « trop-plein » de candidats à gauche du PS, il cherche à habiller sa candidature comme celle des comités du « non » de gauche. « Cette alternative, je l’incarne, parce que je suis le seul à pouvoir réunir d’anciens communistes, des Verts, des trotskystes... ». Alors, Bové candidat « 29 Mai canal historique » ? Après avoir indiqué qu’il ne serait pas candidat si Fabius était celui du PS, puis si Buffet et Besancenot étaient candidats de leur parti, après avoir retiré sa « candidature à la candidature », Bové a fait le choix de se présenter en bout de course. C’est son droit le plus strict. Mais faire la démonstration qu’il s’agit d’une candidature de rassemblement relève plus de la mauvaise foi que de la science politique.
Cherchant à se démarquer, Bové fustige le « vote protestataire » pour Laguiller ou Besancenot, « qui, dans le passé, n’a servi à rien ». Cette critique-là est étonnante de la part de Bové, qui n’a cessé, à juste titre, de protester contre les OGM ou la mondialisation. Nous estimons que protester - même si cela ne suffit pas - est une attitude parfaitement légitime, tant la colère populaire est grande. Cela a, au moins, le mérite d’indiquer au Medef et au gouvernement le degré de détermination qui existe face à eux dans le pays.
Comme il fallait servir tout le monde, Bové en aura aussi mis une louche pour Buffet, accusée - en compagnie de Voynet -, de chercher à « se raccrocher au Parti socialiste, peut-être pour avoir un ministère ». On comprend mal alors pourquoi, à l’automne, quand la LCR refusait de ratifier le texte « Ambition-Stratégie » des collectifs unitaires, parce qu’il ne faisait pas suffisamment la clarté sur les alliances, en particulier du PCF avec le PS, José Bové y voyait un « prétexte » de la Ligue à ne pas faire l’unité...
Marie-George Buffet a critiqué, elle aussi, ces derniers jours, nos positions politiques. Elle a jugé notre orientation « désespérante » pour ceux qui sont « dans l’urgence sociale ». « Ce que les hommes et les femmes qui sont menacés de licenciement, qui ont du mal à finir les fins de mois demandent, ce n’est pas qu’on reste dans l’opposition pendant cinq ans, mais qu’on crée les conditions pour que la gauche bouge, quelle soit majoritaire, qu’elle batte la droite et que, cette fois-ci, elle fasse une politique qui réponde à leurs exigences, c’est ça l’urgence », a-t-elle déclaré, précisant ensuite qu’il s’agissait, pour elle, de se « rassembler pour créer une nouvelle majorité et un gouvernement qui changent la vie ».
Unité
Même si nous aurions aimé trouver des formules aussi dures à l’encontre de Royal, nous laisserons de côté les aspects les plus caricaturaux comme notre prétendue insensibilité à la souffrance humaine. Comme le PCF, nous souhaitons la défaite de la droite version Sarkozy ou version Bayrou. Et quand elle est au pouvoir, nous sommes toujours candidats pour une opposition unitaire et radicale à sa politique. Mais nous refusons de participer à entretenir l’illusion qu’un gouvernement de toute la gauche pourrait mener une politique qui « change la vie ».
Entre la politique défendue par Royal et celle que nous appelons de nos vœux, il n’y a pas de plus petit commun dénominateur. C’est une divergence réelle avec le PCF, et nous regrettons que celle-ci n’ait pas pu être débattue avec clarté dans les collectifs du « non » en temps et en heure. Reste que ces polémiques recoupent des débats qui sont intéressants et méritent d’être menés sereinement à l’avenir, et pas à la chaleur des sondages préélectoraux. Surtout pour celles et ceux qui pensent, comme nous, qu’il faudra trouver le moyen de rassembler les anticapitalistes dans un front politique. Il est infiniment plus important d’en discuter la base politique et la forme plutôt que, comme le fait Bové, de décréter que « les gens en ont assez de la logique des appareils politiques ». Flatter des sentiments antipartis tout en se préparant à la constitution d’une nouvelle organisation - un parti des antipartis ? - suite à sa campagne, c’est un droit, mais nous ne voyons pas en quoi cela ferait avancer la cause de l’unité.
Le bon état d’esprit, c’est plutôt de considérer que l’offre de candidature est aujourd’hui ce qu’elle est, et que le 22 avril au soir, il faudra aussi savoir faire des additions. Et continuer le débat dès le 23...