Alors que la grogne sociale gagne le pays [depuis le dixième anniversaire de la révolution tunisienne, le 14 janvier 2021, les manifestations se multiplient], les réseaux sociaux jouent un rôle important en relayant images et vidéos des protestations.
Outre Facebook et Twitter, TikTok s’est récemment imposé en Tunisie, notamment lors du confinement de mars 2020. Les images d’accrochages avec la police déferlent sur la plateforme et sont largement visionnées. Le réseau social est notamment prisé par les plus jeunes, la catégorie d’âge en première ligne des protestations qui secouent le pays.
La jeunesse, cœur de cible de la plateforme
Lancée en 2016 en Chine, la plateforme compte aujourd’hui 800 millions d’utilisateurs actifs dans le monde. En Tunisie, il n’y a pas de données sur le nombre d’utilisateurs de cette application, ni leur moyenne d’âge. Mais les statistiques à l’échelle mondiale montrent que 41 % de ses utilisateurs sont âgés de 16 à 24 ans. Plus globalement, selon les données de 2020, le nombre des internautes tunisiens a atteint 7,55 millions, soit 64,20 % de la population.
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Habiba Alaya, 27 ans, community manager, constate l’influence grandissante de l’application chinoise en Tunisie, notamment lors des protestations. “Beaucoup d’utilisateurs partagent des chansons patriotiques ou des scènes de manifestations”, affirme-t-elle à Nawaat. D’après elle, l’engouement pour cette plateforme en de telles circonstances est dû au fait qu’elle est “plus safe” que d’autres médias sociaux.
“Contrairement à Facebook [très utilisé durant la révolution de 2011] ou Instagram, par exemple, TikTok accorde plus de liberté aux utilisateurs. Il n’y a pas de risques de censure ou de blocage des publications.”
Autre différence avec d’autres réseaux sociaux, TikTok permet de toucher un plus grand nombre d’internautes sans restrictions. C’est pour cette raison que le Youtubeur Louay Cherni, alias Must Last, a choisi d’y publier des contenus. “Je peux atteindre beaucoup d’internautes qui ne sont pas forcément abonnés à mon compte”, affirme-t-il à Nawaat. Il précise que la plateforme ne lui permet pas de déterminer l’âge de son public mais il estime que ses abonnés ont entre 13 et 24 ans.
Une plus grande “liberté de ton”
Permettant de poster de courtes vidéos accompagnées de musique, des saynètes, des chorégraphies agrémentées d’effets spéciaux, TikTok est “facile à consommer : il n’y a ni écrits, ni publicités”, précise Habiba Alaya. Cette caractéristique de la plateforme rend ses utilisateurs “plus addicts”, ajoute-t-elle. Les utilisateurs de l’application y passent en moyenne cinquante-deux minutes par jour, et 90 % d’entre eux se connectent à l’application chaque jour et à plusieurs reprises.
La community manager insiste également sur la liberté de ton de mise sur TiKTok. “Il y a plus de liberté par rapport aux autres réseaux sociaux. Les utilisateurs ne guettent pas la vie privée. Il n’y a pas l’aspect voyeuriste qu’on trouve sur Facebook ou Instagram, par exemple”, dit-elle. D’ailleurs, une jeune utilisatrice de TikTok préférant rester anonyme confie :
“Toute ma famille et nos voisins sont sur Facebook. Mes parents, mes tantes, mes oncles… Ils y sont tous. Même ma grand-mère y est. Du coup, si je veux faire ce que je veux, c’est sur TikTok que je dois être.”
Influence politique
La liberté de création qu’offre l’application et sa simplicité d’usage rendent n’importe quel utilisateur capable de devenir un créateur de contenus sur ce réseau social. Cependant, depuis son ascension mondiale, TikTok est critiqué pour ses pratiques abusives concernant les données personnelles et certaines failles de sécurité. En Tunisie, l’Agence nationale de la sécurité informatique (Ansi) a recommandé, en avril dernier, de ne plus utiliser cette application après la révélation d’une faille de sécurité.
Devenue objet d’un bras de fer entre les États-Unis et la Chine, TikTok est aussi une arme politique. Plusieurs personnalités politiques à travers le monde ont débarqué sur la plateforme dans l’ambition d’atteindre un public plus jeune. Elle attise également la méfiance des politiciens craignant son influence, comme lors des récentes élections américaines.
Rihab Boukhayatia
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