Cette année marque les 80 ans de l’armée indépendante birmane, devenue entre-temps la Tatmadaw, observe Frontier Myanmar. Or, depuis quatre-vingts ans, “les succès et les échecs des fondateurs de l’armée ont façonné l’image que les Birmans ont de l’institution militaire aujourd’hui”.
Dès lors, les décisions que prendront les dirigeants actuels sont vouées à forger la perception des quatre-vingts prochaines années, prévient le magazine, qui, à la suite du coup d’État du 1er février,, tente d’imaginer comment sortir de l’impasse.
L’image actuelle, la voici : “Les nombreuses années passées sous régime militaire [de 1962 à 2011] ont été rudes pour la population. L’incurie en matière économique a été dévastatrice, et l’institution militaire focalisée sur les questions de sécurité n’est pas apte à développer et à fournir des services publics de base comme la santé et l’éducation.”
Une réponse populaire massive
La Tatmadaw pensait probablement que, en renversant le gouvernement démocratiquement élu, elle pourrait compter sur la collaboration des acteurs politiques mécontents du régime de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), emmené par la chef de l’État de fait, Aung San Suu Kyi, qui a été arrêtée le 1er février et est détenue depuis. Elle pensait aussi pouvoir s’occuper de l’opinion internationale en mettant en avant des fraudes électorales.
“En tout cas, les militaires ne s’attendaient certainement pas à la réponse populaire au coup d’État, poursuit l’analyste, qui écrit sous pseudonyme. Des millions de personnes dans tout le pays ont rejoint les manifestations, dont des étudiants, des médecins, des fonctionnaires et même quelques policiers chargés de réprimer les manifestants.” Une large résistance laissant aux généraux deux options.
Plus de répression ou plus d’inclusion ?
La première consiste à poursuivre dans la même direction. Le coût serait terrible, l’armée devant alors “durcir la répression contre les opposants, sans garantie de succès. Le coup d’État et tout ce qui en résulterait seraient de toutes les façons entachés, tel un fruit empoisonné.” Impossible d’en sortir légitimes aux yeux des Birmans comme ceux de l’étranger.
Si l’armée choisit ce chemin, elle “devra également batailler pour maintenir à flot l’économie. La Birmanie connaît une récession due au Covid-19 qui risque de s’aggraver avec les sanctions et le boycott des consommateurs”, notamment envers les produits et les services liés aux conglomérats de l’armée.
La seconde option serait pour l’armée de tenir “ses engagements envers le peuple birman en cherchant à résoudre pacifiquement la crise avec tous les acteurs légitimes, en particulier le Comité représentant la Pyidaungsu Hluttaw, une coalition incluant déjà la LND, le Parti démocratique de l’État Kayah et le Parti national Ta’ang. D’autres partis devraient s’y joindre.”
Cette solution impliquerait d’accepter la transformation totale de l’actuelle Constitution : “Des réformes pour assurer une meilleure représentativité des minorités ethniques. Toutes les organisations armées, y compris la Tatmadaw, devront se mettre sous l’autorité des civils élus.” Frontier Myanmar poursuit :
“Certes, cette option semble difficile à mettre en place. Mais elle offrirait au pays une chance de construire un avenir meilleur.”
“Il est temps de se mettre à la table des négociations”, insiste l’auteur. Car sinon, “comment les dirigeants actuels pourront-ils justifier dans le futur ce qui se passe actuellement auprès de leurs familles, de leurs soldats et d’eux-mêmes ?”.
Frontier Myanmar
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