28 février : 47 personnes inculpées au nom de la loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin
Un mois après une vague de répression au cours de laquelle plus 50 personnes, dont certaines des figures les plus connues du mouvement prodémocratie, avaient été arrêtées, la police hongkongaise a annoncé, dimanche 28 février, à nouveau des poursuites pour « complot en vue de commettre un acte de subversion » contre 47 membres de la mouvance prodémocratie.
Les personnes inculpées représentent un spectre très large de l’opposition locale, avec d’anciens députés chevronnés comme James To ou Claudia Mo, des universitaires, des avocats, des travailleurs sociaux et nombre de militants plus jeunes.
Poursuites passibles de la prison à perpétuité
Il s’agit du groupe le plus important inculpé le même jour au nom de la loi draconienne sur la sécurité nationale que Pékin a imposée à Hongkong l’an dernier en réponse aux mois de manifestations qui avaient ébranlé la ville en 2019. L’ex-colonie britannique avait alors traversé sa pire crise politique depuis sa rétrocession en 1997 à la Chine.
Et Pékin a entrepris l’année dernière une reprise en main musclée de sa région théoriquement semi-autonome. Celle-ci s’est notamment concrétisée par le nouveau texte de loi qui a été imposé fin juin 2020 sans débat au sein du Conseil législatif de Hongkong et qui s’attaque à quatre types de crimes : la subversion, la sécession, le terrorisme et la collusion avec les forces étrangères. Ces poursuites sont passibles de la prison à perpétuité.
« Nous condamnons l’arrestation et l’inculpation des candidats pro-démocratie aux élections de Hong Kong et exigeons leur libération immédiate », a tweeté dimanche le secrétaire d’Etat des Etats-Unis Antony Blinken.
1er mars : Des centaines de personnes manifestent pour soutenir des opposants
Des centaines de militants prodémocratie se sont rassemblés, lundi 1er mars, aux abords d’un tribunal de Kowloon, à Hongkong, pour soutenir 47 figures du camp prodémocratie qui ont été inculpées dimanche en vertu de la loi de sécurité nationale.
Les personnes inculpées dimanche avaient été arrêtées au début de janvier lors d’une importante opération policière. Elles représentent un spectre très large de l’opposition locale, avec d’anciens députés, comme Claudia Mo, des universitaires, comme Benny Tai, des avocats, des travailleurs sociaux et nombre de militants plus jeunes comme Joshua Wong, déjà détenu dans une autre affaire.
La subversion est avec la sécession, le terrorisme et la collusion avec les forces étrangères, un des quatre crimes visés par la loi sur la sécurité nationale que Pékin a imposée à la fin de juin 2020 et qui prévoit des peines de prison à vie.
Ces militants sont accusés d’avoir organisé et participé à des « primaires » officieuses en juillet 2020 dans le but de désigner les candidats prodémocratie pour les élections législatives, lesquelles ont été reportées par le gouvernement, qui a argué de la crise sanitaire du coronavirus.
Manifestation inédite depuis plusieurs mois
L’audience de lundi, au cours de laquelle ces inculpations devaient être confirmées a été l’occasion d’un rassemblement d’ampleur de protestation, qui n’avait plus été vu depuis plusieurs mois dans la ville. Les interdictions de rassemblement quasi permanentes ordonnées pour lutter contre le coronavirus ont permis aux autorités d’empêcher presque toutes les velléités de manifestation.
Les manifestants dont certains tenaient des parapluies jaunes, un symbole du mouvement prodémocratie, scandaient « Libérez les prisonniers politiques ! », « Debout pour Hongkong ! », tandis que d’autres reprenaient « Libérez Hongkong, la révolution de notre temps ! » : ce slogan de la mobilisation de 2019 est désormais illégal en vertu de la loi sur la sécurité nationale. Certains faisaient le salut à trois doigts, symbole de résistance dans plusieurs pays asiatiques, comme la Thaïlande ou la Birmanie.
Des élèves d’une école voisine ont par ailleurs été entendus lançant des encouragements aux prévenus depuis les fenêtres de leur établissement.
Tensions avec les forces de l’ordre
Tout au long de l’après-midi, la tension n’a pas cessé de fluctuer. La police a brandi des pancartes avertissant que le rassemblement ainsi que les chants entonnés étaient illégaux.
Devant le tribunal, les forces de l’ordre ont dispersé les manifestants, invoquant les restrictions liées au Covid-19. La foule a largement accepté de se plier à cette injonction. Certains, en quittant les lieux, n’ont pas manqué de bousculer des policiers et d’entonner des chants.
Kwan Chun-sang, un conseiller local, a passé la nuit dans la rue, près du tribunal, pour être sûr de figurer parmi les premiers dans la file d’attente permettant d’accéder aux bancs du public, dans la salle d’audience. « Peu après que les poursuites ont été lancées hier, j’ai décidé de venir et de passer la nuit ici », a-t-il commenté auprès de l’Agence France-Presse (AFP). « Je veux montrer mon soutien aux militants pro-démocratie. »
Un petit groupe de partisans du gouvernement se tenait également aux abords du tribunal pour crier leur soutien aux autorités. « Punissez sévèrement les traîtres, appliquez la loi sur la sécurité et jetez-les derrière les barreaux », pouvait-on lire sur une banderole.
L’audience reportée
Les accusés étaient si nombreux que trois salles d’audience avaient été réservées. Après une brève comparution, l’audience a été déplacée à la fin de l’après-midi.
Ils sont poursuivis dans le cadre des primaires organisées par l’opposition sans l’autorisation des autorités, auxquelles 600 000 personnes ont participé en juillet, dans l’optique de capitaliser sur l’immense popularité de la mobilisation de 2019 aux législatives de septembre – finalement reportées d’un an au prétexte de la crise sanitaire.
Ces primaires avaient déclenché les foudres de la Chine, qui les a présentées comme une « grave provocation », une tentative de paralyser le gouvernement de la ville, et a prévenu que la campagne pouvait relever de la « subversion », en vertu de la loi sur la sécurité nationale.
La plupart de ces candidats avaient par la suite été disqualifiés par les autorités. Mais les détracteurs de Pékin estiment que son rejet des primaires signifie que toute forme d’opposition est désormais illégale à Hongkong.
« Toutes les voix importantes du mouvement prodémocratie à Hongkong sont désormais soit emprisonnées, soit en exil, soit inculpées pour subversion », a dénoncé dans un tweet la militante Sophie Mak.