La peur de la mort ne les arrête pas. Les manifestants birmans sont à nouveau descendus dans les rues des principales villes du pays lundi malgré une journée sanglante la veille. Au moins 18 personnes ont été tuées dans le pays durant la journée de dimanche par des tirs à balles réelles. Bilan le plus lourd de la répression depuis la prise de pouvoir par les militaires le 1er février dernier, mettant fin à une transition démocratique en cours depuis dix ans.
Frontier décrit des quartiers transformés en “zones de guerre avec des milliers de manifestants se rassemblant derrière des barricades de fortune et des protections en métal et en bois”.
Chaos dans les rues
Certains couraient pour se mettre à l’abri dans les immeubles ou les petites rues face aux volées de tir des forces de sécurité. Un journaliste de Frontier dans le quartier de Sanchaung, dans la capitale économique Rangoon, a entendu un officier de la police crier tout en tirant sur les manifestants :
“Nous sommes violents non seulement parce que c’est notre rôle, mais aussi parce que nous aimons cela. Toutes les personnes qui sont dehors seront tuées.”
Lundi, comme la veille, les forces de sécurité ont ratissé les rues à la recherche des manifestants, comme ici dans une vidéo mise en ligne par Myanmar Now, dans le quartier de Sanchaung.
Security forces fired guns on Monday afternoon as they combed through alleys in Yangon’s Sanchaung township in search of protesters, who had fled after being attacked with teargas and stun grenades. #WhatsHappeningInMyanmar pic.twitter.com/NVxqfADcxt
— Myanmar Now (@Myanmar_Now_Eng) March 1, 2021
The Straits Times remarque l’apparition sur les réseaux sociaux d’un nouveau mot-clé : #WeNeedR2PInMyanmar (“Nous avons besoin de R2P en Birmanie”).
Appels à une intervention étrangère
“R2P”, explique le quotidien de Singapour, fait référence à la “responsabilité de protéger”, “un principe adopté au lendemain du génocide de 1994 au Rwanda qui oblige la communauté internationale à intervenir si un État manque à protéger sa population contre des crimes de guerre ou un nettoyage ethnique”. Il peut s’agir, ajoute The Straits Times, d’aide humanitaire, diplomatique, ou d’un recours à la force.
“Pour de nombreux manifestants birmans transportant les corps ensanglantés de leurs pairs à travers les rues, cela ne signifie qu’une chose : une intervention militaire.”
“Jusqu’à il y a deux jours, je ne voulais pas d’intervention militaire”, explique au journal une jeune femme ayant véhiculé dans sa voiture des manifestants pour les mettre à l’abri.
“Mais, maintenant, la situation a changé. Le peuple birman attend impatiemment une intervention des Nations unies.”
Plus de 1 300 arrestations
“La violence accrue pourrait être une stratégie du régime militaire pour intensifier et élargir la répression contre le mouvement de protestation, estime Nikkei Asia. Selon la chaîne de télévision officielle MRTV, près de 500 personnes ont été arrêtées durant le week-end.” Avec les plus 800 personnes détenues depuis le 1er février, selon le décompte établi quotidiennement par l’Association d’assistance aux anciens prisonniers politiques, le total s’élève à 1 300 personnes, dont le sort est incertain.
Si on ne sait pas où elle est retenue, Aung San Suu Kyi, la chef de l’État de fait, arrêtée le 1er février, est apparue rapidement lors d’une audience qui s’est tenue par vidéo, lundi. L’accusation a ajouté de nouveaux chefs d’inculpation aux poursuites déjà engagées contre elle, au titre notamment de la détention illégale de talkie-walkie.
Elle doit donc également répondre de “publication d’information pouvant entraîner la peur et le trouble”, un délit poursuivi dans le cadre du Code pénal datant de l’époque coloniale, explique Nikkei Asia. Son avocat, Min Min Soe, qui n’a pas pu la voir depuis son arrestation, indique que la prochaine audience aurait lieu le 15 mars. Elle encourt jusqu’à trois ans de prison.
Courrier International
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