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Le collectif Lyannaj pou Dépolyé Matinik coordonne avec ténacité, depuis trois années, la lutte contre la pollution aux pesticides et exige que les coupables (grands békés agriculteurs et importateurs ainsi que les politiciens qui leur ont permis de déroger aux règles) soient condamnés.
Large mobilisation
Lyannaj a réussi à associer pour ce massif rendez-vous près d’une quarantaine d’organisations syndicales, écologiques, féministes, culturelles, sans compter la venue spontanée d’artistes et même la pastorale chrétienne qui a appelé d’elle-même à rejoindre le rassemblement. La quasi-totalité des partis politiques de gauche, malgré pour certains d’entre eux quelques réticences, ont finalement rejoint la démarche.
L’initiative se faisait aussi en liaison avec un dynamique collectif en Guadeloupe qui tenait à la même heure un appel dans la commune de Capesterre Belle-Eau, et avec un collectif à Paris qui appelait à un rassemblement de plus de 800 AntillaisES.
Il fallait aussi voir, à Fort-de-France, toutes ces personnes autour de la manifestation qui, sur les trottoirs, faisaient signe qu’ils et elles étaient des partenaires des revendications exprimées. Manifestement une fraction très significative de la population s’est emparée de l’occasion de l’appel unitaire d’une bonne quarantaine de structures pour exprimer son refus de l’impunité que l’on prévoit d’accorder aux pollueurs.
« Jijé yo ! Konané yo ! »
« Jugez-les ! condamnez-les ! » : c’était le cri massif ce jour-là.
Le peuple, jeunes et moins jeunes, a montré de l’enthousiasme pour faire face au mépris des dominants et de leur État. Le peuple semblait dire qu’il ne veut pas que le 27 février soit un simple baroud d’honneur avant enterrement mais le premier pas pour une nouvelle phase de mobilisation.
Tant l’État que ses procureurs et ses juges doivent comprendre que les quinze ans de silence judiciaire ne passent plus. La patience c’est fini.
Le peuple rend justice à celles et ceux qui depuis des dizaines d’années mènent le combat dans des conditions difficiles.
Le peuple salue celles et ceux qui se sont attachés à rassembler et accompagner les ouvrierEs agricoles dans leur combat pour la défense de leurs droits.
Le peuple s’unit pour exiger justice respect et réparation, car il y a trop de responsables pour qu’il n’y ait pas de coupables :
Ce sont les capitalistes békés de la banane, l’État qui les soutient et un certain nombre d’élus complices.
Ce sont ceux qui ont importé des États-Unis un produit connu pour sa toxicité.
Ce sont ceux qui ont acheté le brevet pour le produire, ceux qui l’ont vendu.
Ce sont ceux qui l’ont fait produire en France et au Brésil, ceux qui l’ont produit, ceux qui l’ont commercialisé et utilisé.
Ce sont ceux qui ont obligé les ouvrierEs à le répandre au mépris de leur santé et de leur vie.
Ce sont ceux qui ont demandé l’autorisation de mise sur le marché et ceux qui l’ont donnée.
Ce sont ceux qui ont demandé dérogation lors de l’interdiction en France et ceux qui l’ont donnée, ceux qui ont stocké, et utilisé malgré la fin de la dérogation.
Ce sont ceux qui le donnaient à leurs ouvrierEs pour qu’ils et elles l’utilisent dans leurs propres jardins.
Ce sont ceux qui ont exigé des petits planteurs qu’ils répandent le chlordécone pour bénéficier des subventions.
Tous ces délinquants, tous ces criminels doivent être jugés et condamnés. Les pollueurs doivent payer.
Il faut des réparations !
Les profits accumulés doivent servir à réparer les dégâts dont ils sont responsables.
Non à la prescription face à nos cancers de la prostate, à l’endométriose et à toutes les autres maladies causées par le chlordécone.
Pas de prescription pour les crimes d’empoisonnement.
Non à la prétendue prescription juridique.
Non à la maltraitance policière de nos camarades de lutte, à la répression contre les militantEs poursuivies quand les empoisonneurs sont laissés tranquilles dans leur coin.
Pour la réparation des crimes commis et que la condamnation des responsables s’accompagne des transformations fondamentales dans l’agriculture, dans l’économie, dans la santé, dans la société.
Non à l’insignifiance du plan chlordécone IV qui perpétue l’inanité des trois précédents. Que l’État qui a reconnu sa responsabilité répare ses crimes.
Pour une agriculture nourricière et saine sur place.
Pour une pêche répondant à nos besoins.
Pour une santé basée d’abord sur la prévention et sur des soins utilisant toutes les potentialités de notre pays.
CorrespondantEs Martinique