Vétérane de Pékin, Wu Guiying (吴桂英) a été nommée le 10 février secrétaire du Parti pour la ville de Changsha dans le Hunan. Un poste qui s’accompagne d’une place au comité permanent du Parti de la province. Après plus de 28 ans dans la capitale, c’est la première fois qu’elle affectée ailleurs. Si Wu est a priori une cadre discrète, elle a tout de même su devenir chef du district pékinois de Chaoyang en 2012 puis secrétaire du Parti local en 2015. Elle a travaillé sous la direction de Ding Xiangyang (丁向阳), secrétaire général adjoint du Conseil d’État entre 2003 et 2007 [1], de Chen Gang (陈刚), ex-secrétaire du Parti pour le district de Xiong’an et actuel secrétaire du Parti pour la Fédération nationale des syndicats de Chine, mais aussi de Cheng Liangyuan (程连元), secrétaire du Parti à Kunming depuis 2015. Wu ne semble pas avoir d’affiliation forte avec l’ancienne élite de Pékin, ni avec la clique pékinoise du vice-président Wang Qishan. Wu Guiying fait partie de l’élite locale de la capitale sans être une pièce importante sur l’échiquier politique.

Ici en visite au Zimbabwe le 18 décembre 2019, Wu Guiying a été nommée secrétaire du Parti pour la ville de Changsha dans le Hunan au centre sud de la Chine. (Source : Compte Twitter du ministère de la Santé du Zimbabwe)
Ici en visite au Zimbabwe le 18 décembre 2019, Wu Guiying a été nommée secrétaire du Parti pour la ville de Changsha dans le Hunan au centre sud de la Chine. (Source : Compte Twitter du ministère de la Santé du Zimbabwe)
Comme pour la promotion de Ren Zhenghe (任振鹤) à la tête du Gansu, ou celles de Feng Fei (冯飞) comme gouverneur de Hainan et de Huang Qiang (黄强) comme gouverneur du Sichuan, le choix de Wu Guiying ne permet à aucun des clans informels de crier victoire. Cette promotion, qui suit celle de Wang Qingxian (王清宪) dans l’Anhui, ne fait que confirmer l’intensité des luttes qui existent à l’intérieur du Parti et que les alliés de Xi tout comme les mécontents du numéro un chinois peinent à placer leurs alliés en province. Enfin, la nomination de Wu dans le Hunan – pour la deuxième fois en un peu plus de deux ans – n’est pas non plus un simple geste pour féminiser les comités permanents ainsi que les gouvernements provinciaux ou les exécutifs des régions autonomes, puisque le Hunan compte à présent trois femmes cadres dans son comité permanent. Mais il est permis de penser que l’ascension de Wu pourrait permettre à Xi Jianhui (谢建辉), qui a déjà 59 ans, de se retirer de la scène politique ou, considérant son parcours, d’être envoyée dans une autre province. Les probabilités penchent vers sa retraite* [2]. Qu’en est-il alors des autres femmes cadres [3] dans les exécutifs de province [4] ?
Où sont les femmes ?
Sur les 607 membres des exécutifs provinciaux, seuls 47 sont des femmes (7,74 %). Parmi elles, seules 26 appartiennent à un comité permanent du Parti provincial. La répartition n’est pas égale sur tout le territoire : 12 provinces ou régions autonomes ne comptent aucune femme dans leur comité permanent, dont la moitié se situent sur la côte est. Ainsi, les 26 femmes cadres se retrouvent concentrées au centre (34,6 %) et à l’ouest du pays (38,5 %). Onze exécutifs n’ont aucune femme au poste de gouverneure adjointe ou de vice-présidente de région autonome. Trois provinces ne comptent aucune cadre au sein de leur comité permanent et gouvernement : le Shanxi, le Shaanxi et le Shandong.
Des 607 cadres exécutifs en province, 11,2 % appartiennent à des minorités ethniques, dont 20,5 % sont des femmes. Sur les 47 femmes cadres exécutifs, 29,78 % font partie des minorités [5], contre 9, 64 % des hommes. Parmi les femmes cadres 12,76 % ne sont pas membres du Parti communiste – soit affiliées aux partis partis vassaux du PCC, soit non encartées), contre seulement 4,1 % des hommes.
Concernant leur moyenne d’âge, elle est pratiquement la même entre les hommes et les femmes qui sont environ trois mois plus jeunes que leurs collègues masculins. La plus grande différence se trouve dans les générations : les femmes sont plus concentrées dans la 6e génération (1960-1969) que les hommes. Ces derniers forment encore 90 % des cadres de la 5e génération (nés entre 1950 et 1959) [6] et surtout, plus de 95,9 % de la relève, la 7e génération, nés entre 1970 et 1979 [7].
Par ailleurs, les femmes sont surreprésentées dans les groupes les moins favorisés par le PCC, ce qui, à terme, nuit grandement à leur potentiel avancement à l’intérieur du Parti-État, mais aussi au Comité Central et à la direction d’une province ou d’une région autonome.
À l’heure actuelle, deux femmes président une région autonome – la Mongolie-Intérieure et le Ningxia – et une seule est secrétaire du Parti en province – dans le Guizhou. Toutes trois sont membres du Comité Central, tandis sept femmes cadres en sont membre suppléantes [8]. La proportion est intéressante du point de vue de la scène politique provinciale, où les femmes seraient surreprésentées au Comité Central, mais pas du tout du point de vue du total des sièges disponibles dans cette instance.
Cependant, et c’est peut-être l’une des questions les plus importantes, quels postes occupent les femmes en provinces ? Sur l’ensemble, 22 sont gouverneures adjointes ou vice-présidentes de région autonome, 4 sont responsables du département du Front uni, 7 dirigent le département provincial de la propagande, 4 sont à la tête du département de l’organisation, 3 gèrent des villes représentées au comité permanent (Changsha, Hohhot et Ganzhou), 2 sont cheffes du comité disciplinaire et enfin une préside le comité des affaires politiques et légales [9].
Ainsi, les femmes cadres, qui ne constituent que 7,74 % des exécutifs en province, sont surreprésentées sur au département provincial de la propagande (22,6 %), au département provincial de l’organisation et au Front uni (12,9 %). Pour ce qui est des postes considérés comme plus sensibles (affaires politiques et légales et comité de supervision), elles demeurent largement sous-représentées [10].
Quel avenir pour les femmes sur la scène provinciale ?
De fait, les femmes cadres – à quelques exceptions près – continuent d’être placées sur des trajectoires qui ne favorisent pas leur avancement politique. Par ailleurs, elles semblent parfois remplir une double fonction de représentation pour le Parti : des symboles de féminisation des postes exécutifs et de diversité ethnique. Mais ce mélange n’aide en rien lorsqu’elles veulent se hisser vers les hauts postes. Sans parler de la limite d’âge plus basse avec laquelle elles doivent composer. Par ailleurs, sans affiliation claire à une faction du Parti, sans mentor ni famille politique, contrairement à plusieurs de leurs homologues masculins, devenir cadre dit « de première ligne » (yibashou, 一把手) demeure compliqué.
Nonobstant ces résultats parfois peu prometteurs, les cadres les plus en vue de la 8e génération (nés en 1980 ou après), demeurent des femmes. Elles représentent plus de 10 % des cadres de cette génération à avoir déjà atteint le rang de vice-préfecture (厅局级副职), ce qui est notable. En ce sens, entre 2022 et 2027, le nombre des femmes cadres en province pourrait augmenter. Pour l’heure, le Parti devrait maintenir a minima sa politique leur garantissant une place dans les comités permanents de provinces et de régions autonomes ainsi qu’au sein des gouvernements.
Alex Payette