Le mardi 9 mars, la barre des 1000 malades atteints du Covid-19 hospitalisés en soins critiques en Île-de-France était franchie. Le palier de 1127 lits disponibles retenu par l’agence régionale de santé (ARS) sera dépassé dans quelques jours. L’ARS a ordonné la déprogrammation de 40% des activités médicales et chirurgicales, et déjà des malades sont transférés hors Île-de-France. Les effectifs « libérés », épuisés par cette crise sans fin et les engagements non tenus, pourront-ils faire face ?
Depuis maintenant un an, l’hôpital est au cœur de la tourmente pandémique. Il y a eu quelques accalmies. Ont-elles été mises à profit pour restaurer et consolider le seul recours qui vaille pour préserver la santé de la population, en l’absence d’un service public de proximité et d’une politique de prévention efficace (traçage et isolement, vaccination) ? Le constat est sans appel, l’hôpital est en danger et les annonces récentes le concernant sont un véritable écran de fumée jeté sur la réalité. À vouloir préserver l’économie capitaliste sans se donner les moyens d’endiguer l’épidémie, Macron et son équipe ont tout faux !
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Décisions de rupture ?
Les milliards promis s’égrènent pour relancer l’investissement, restaurer les capacités de financement… Un plan sur 10 ans qui ne s’attaque pas à la racine de ce qui fait vaciller l’hôpital. L’austérité budgétaire, le mode de financement par la « tarification à l’activité » et sa « gouvernance » aux mains de la haute administration, loin de celles et ceux qui assurent au quotidien les missions du service public de santé, ne sont pas remis en cause. Tout le contraire de ce que, le 12 mars 2020, Macron, le chef des bonimenteurs, affirmait : « Ce que révèle d’ores et déjà cette pandémie, c’est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre Etat-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. (…) Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture en ce sens. Je les assumerai. »
Le « Ségur » de la santé a montré que ces paroles n’étaient que du vent. La revalorisation des salaires n’a été que de 183 euros au lieu des 300 revendiqués, et encore par pour touTEs, mais surtout rien n’a été fait pour pallier, ni immédiatement ni dans le futur, le problème principal : le manque de personnel. Au contraire, les restructurations et suppressions de postes se poursuivent. L’annonce de l’augmentation du nombre de lits de réanimation est restée lettre morte faute de personnel disponible et formé.
Aujourd’hui, la saturation des réanimations et les déprogrammations privent des dizaines de milliers de personnes d’accès aux soins, de diagnostics de pathologies graves, sans oublier les soins psychiatriques dont sont privés, notamment, les jeunes qui font les frais d’une politique que l’atteinte aux libertés n’embarrasse pas. Restent les victimes du virus dont les variants démultiplient la diffusion face à une campagne vaccinale désastreuse. Vaccination que certainEs veulent imposer de manière autoritaire et non par le débat et la conviction, aux hospitalierEs. Hier, c’était les applaudissements, aujourd’hui ils et elles sont traités de moins que rien, et d’irresponsables. Cela permet de détourner l’attention de la réalité.
La casse continue
La réalité reste un hôpital public amputé des moyens de remplir ses missions. Loin d’être devenu attractif, l’hôpital voit les personnels le fuir.
En Île-de-France, l’AP-HP vient de confirmer la fusion des hôpitaux Bichat et Beaujon dans une mégastructure hospitalo-universitaire à implanter à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis. Cette décision contre laquelle une mobilisation exceptionnelle, notamment le vœu exprimé par trois conseils municipaux dont celui de Paris, en faveur d’un moratoire, est restée sans effet. En effet, des lits seront fermés et il y aura du personnel en moins, dans un bassin de vie où la réponse aux besoins sanitaires de la population est déjà largement défaillante. À Tours, 360 lits seront fermés d’ici 2026. À Grenoble, en un an, 33 lits de réanimations et 37 lits de soins critiques en moins. 121 lits en moins à Lyon. À Nancy, depuis mars 2020, 78 lits fermés et 204 postes supprimés. Au CH d’Aix-en-Provence, depuis mars 2020, 65 lits ont été fermés. À Caen, est programmée, d’ici 2026, la suppression de 299 lits. À Reims, ce sera la fermeture de 184 lits. Une menace de fermeture pèse sur l’hôpital de Fourmies… Et ce ne sont là que quelques exemples qui soulignent la cause réelle du débordement des services de réanimation et la décision de déprogrammer à l’origine de la surmortalité déjà observée depuis le début de cette crise sanitaire.
Les résistances à cette politique existent, mais peinent à se coordonner. Des collectifs unitaires rassemblant hospitalierEs, syndicalistes, éluEs et habitantEs se mobilisent localement, et remportent au mieux des succès partiels. Pour la défense de l’hôpital public c’est à l’unification de toutes les forces qu’il faut travailler. Collectifs, organisations nationales, professionnelles, syndicales comme politiques se doivent de construire une mobilisation nationale, seule à même d’imposer une autre politique.
CorrespondantEs