“Des centaines de personnes se sont pressées le 1er mars aux portes du tribunal de Kowloon-Ouest en signe de solidarité avec 47 accusés comparaissant pour ‘subversion’”, rapporte le quotidien Apple Daily dans une couverture de l’événement en direct sur son site web. Des banderoles réclamant “la libération des prisonniers politiques” ont été déroulées par une foule majoritairement vêtue de noir, la couleur du mouvement contre l’extradition de 2019. C’est dans le même tribunal que se poursuit le procès de sept vétérans de la politique hongkongaise accusés de rassemblement illégal.
L’audience, entamée lundi à trois heures de l’après-midi, heure locale, n’était toujours pas terminée à la nuit, indique le site Hong Kong Free Press. De manière très inhabituelle dans un environnement juridique marqué par la tradition du droit anglais, les accusés avaient été placés en détention la veille, au moment de la notification de leur inculpation, et leurs avocats tentaient toujours lundi soir d’obtenir une libération sous caution.
Plus tôt dans la journée, la police, en nombre, avait fait ranger les banderoles et tenté de disperser la foule en bouclant la rue du tribunal. Les autorités invitaient le public “à se tenir à l’écart du bâtiment ‘pour des raisons de sécurité et de santé publique’” en agitant le drapeau violet, indiquant que le rassemblement pourrait être qualifié de manifestation non autorisée tombant sous le coup de la loi sur la sécurité nationale, selon l’Apple Daily.
Une vidéo insérée dans le live du quotidien montre les personnes présentes entonner le mot d’ordre du mouvement de 2019, “Cinq demandes, pas une de moins !”, mais aussi “Libérer Hong Kong, révolution de notre temps”. Cela, au mépris de l’interdiction explicite de ces slogans après la promulgation de la loi sur la sécurité nationale le 30 juin 2020.
Des primaires considérées comme de la subversion
L’inculpation de “subversion du pouvoir de l’État”, relevant de cette loi, a été signifiée le 28 février aux 47 accusés qui n’ont pas été autorisés à rentrer chez eux. Comme le rappelle le Ming Pao,, également en couverture live en direct, “tous les accusés faisaient partie de la cinquantaine de personnes arrêtées au début du mois de janvier (le 6)”. Ils avaient alors été libérés sous caution. Sur les 55 personnes interpellées, huit n’avaient pas été inculpées. Le chef d’inculpation fait encourir aux accusés des peines d’emprisonnement allant de trois ans à la détention à vie, selon le degré d’implication dans les crimes reprochés.
Cette accusation de subversion fait référence à la participation de ces militants démocrates à des primaires au sein du camp démocrate. Le scrutin organisé à l’été 2020 avait pour but de sélectionner les candidats capables de remporter un maximum de sièges – plus de 35 sur les 70 au total - au Conseil législatif à l’automne. Six cent mille Hongkongais avaient participé aux primaires, mais les élections ont finalement été reportées. Cette stratégie politique est interprétée par les autorités hongkongaises comme une tentative de paralyser l’action du gouvernement au pouvoir de manière illégale.
Parmi les 47 personnes comparaissant ce 1er mars se trouve le professeur de droit à la retraite Benny Tai, considéré comme l’un des artisans de cette stratégie d’union électorale des démocrates, souligne le site Hong Kong Free Press. Quatre anciens députés du camp démocrate et plusieurs conseillers de district en font également partie.
De nombreuses personnalités du camp démocrate ont tenté d’assister au procès, dont le cardinal Joseph Zen et l’ancien avocat Martin Lee, surnommé le “père de la démocratie à Hong Kong”, lui-même poursuivi dans une autre affaire.
Observateurs étrangers et condamnations internationales
Les représentants des consulats britannique, américain, néerlandais, allemand et canadien ont également dû rester dehors, la salle étant pleine, indique le South China Morning Post. “Nous sommes ici car nous avons des craintes quant à l’application de la loi sur la sécurité nationale”, a déclaré pour sa part le représentant britannique.
Le numéro deux de la représentation de l’Union européenne à Hong Kong, Charles Whiteley, présent également dans la foule, a réitéré les inquiétudes de l’UE quant à l’avenir de la démocratie à Hong Kong qu’il avait exprimées le 28 dans un tweet après l’annonce des inculpations :
“Les charges pesant sur les 47 [militants] prodémocratie inquiètent fortement l’Union européenne. Elles mettent en lumière le fait qu’un pluralisme politique légitime n’est plus toléré à Hong Kong. Nous pressons les autorités de respecter leurs engagements en faveur des libertés fondamentales et de l’État de droit, que cela soit dans le cadre de la Loi fondamentale ou du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.”
À Washington, le secrétaire d’État, Antony Blinken, a de son côté déclaré sur Twitter :
“Nous condamnons la détention et les accusations pesant sur les candidats du camp démocrate à Hong Kong et demandons leur libération immédiate. La participation à la vie politique et la liberté d’expression ne doivent pas être des crimes. Les États-Unis sont avec le peuple de Hong Kong.”
La recommandation de Pékin : sévir
Mais une semaine avant le procès, le 22 février, à Pékin, le directeur du Bureau des affaires de Hong Kong et Macao, Xia Baolong, avait prononcé un discours publié in extenso par la revue se qualifiant elle-même de “patriote” Zijing (Bauhinia Magazine), écrit le Ming Pao le 1er mars. Xia avait pointé nommément du doigt “une minorité d’anti-Chinois fomentant des troubles à Hong Kong”, parmi lesquels Jimmy Lai, patron du groupe Next dont fait partie l’Apple Daily, actuellement incarcéré, l’ancien vice-doyen du département de droit de l’université de Hong Kong Benny Tai, comparaissant ce 1er mars, et Joshua Wong, ancien président du groupe Demosisto, en prison également. Xia “a estimé que non seulement il ne fallait pas laisser ces personnes s’emparer de la moindre fonction publique de la Région administrative spéciale de Hong Kong, mais qu’il fallait ‘sévir sérieusement contre leurs atteintes à la loi’”, relève le quotidien.
Agnès Gaudu
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