« Parmi elles, on retrouve certaines des personnalités les plus respectées de la lutte pour les libertés dans la région chinoise, dont l’avocat Martin Lee ».
C’est une décision qui illustre l’implacable répression en cours dans la région administrative spéciale de Hongkong. Neuf vétérans de l’opposition ont été déclarés coupables, jeudi 1er avril, de l’organisation d’un rassemblement le 18 août 2019, qui avait été l’une des plus grandes manifestations en sept mois de contestation.
Parmi eux, on retrouve certaines des personnalités les plus respectées de la lutte pour les libertés dans ce territoire, souvent des apôtres de la non-violence qui sont mobilisés depuis des décennies pour l’instauration d’un véritable suffrage universel.
L’un des plus célèbres est l’avocat de 82 ans Martin Lee, fondateur du Parti démocratique (HKDP) et souvent qualifié de « père du mouvement démocratique de Hongkong ». Avant la rétrocession, en 1997, il avait été choisi par Pékin pour rédiger la Loi fondamentale, qui sert de mini-Constitution dans la région semi-autonome.
Etaient également poursuivis l’ex-députée de l’opposition et avocate Margaret Ng, 73 ans, le magnat des médias Jimmy Lai et l’ex-député Leung Kwok-hung, connu sous le surnom de « Long Hair ».
Ces deux derniers sont actuellement en détention provisoire du fait de poursuites distinctes au nom de la loi sur la sécurité nationale que Pékin a imposée à la fin de juin 2020.
Les autres sont des figures de proue du Front civil des droits de l’homme (CHRF), la coalition qui avait organisé les plus grandes manifestations en 2019, quand la ville avait connu sa pire crise politique depuis la rétrocession, avec des actions et des mobilisations quasi quotidiennes.
Jeudi matin, quelques-uns de leurs partisans s’étaient rassemblés près du tribunal, tenant des pancartes dénonçant la « répression politique ».
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Le tribunal de district de Hongkong en a déclaré sept coupables d’organisation et de participation à un rassemblement illégal. Les deux autres avaient plaidé coupables. Ils risquent jusqu’à cinq années de prison.
On ignore quand les peines seront prononcées. « Nous sommes très fiers, même si nous devons aller en prison pour cela », a déclaré aux journalistes l’ancien député et leader syndicaliste Lee Cheuk-yan. « Quoi que nous réserve l’avenir, nous n’arrêterons jamais de défiler. »
Une affaire emblématique de l’ambiance actuelle
L’affaire est particulièrement emblématique du climat qui règne dans l’ex-colonie britannique puisqu’elle porte sur l’organisation d’un rassemblement non autorisé. Les organisateurs avaient fait état de 1,7 million de manifestants ce jour-là, ce qui représenterait près d’un Hongkongais sur quatre. Ce chiffre n’a pu être vérifié indépendamment.
L’utilisation par les autorités de la qualification d’« organisation et participation à un rassemblement non autorisé » est dénoncée de longue date à Hongkong par les associations de défense des droits humains.
Et l’avocat britannique David Perry, qui avait été choisi par le gouvernement hongkongais pour diriger l’accusation contre les neuf vétérans, avait renoncé à le faire en raison de vives critiques de Londres et d’organisations britanniques de juristes.
Un des angles d’attaque de l’accusation a été de dire que ces neufs personnes avaient bravé l’interdiction de manifester, ce qui avait perturbé le trafic automobile dans la ville. Et, dans son verdict, la juge AJ Woodcock a prévenu qu’elle était encline à infliger la peine maximale et laissé entendre que le caractère pacifique de la manifestation n’était pas une excuse recevable.
Reprise en main musclée
La popularité de la contestation populaire s’était traduite dans les urnes par un triomphe de l’opposition aux élections locales de novembre 2019. Mais le mouvement avait subi au début de 2020 un coup d’arrêt brutal sous l’effet cumulé des restrictions de rassemblement prises contre l’épidémie de Covid-19 et des milliers d’arrestations, mais aussi d’une certaine fatigue des manifestants.
A l’exception de l’abandon de la loi controversée sur les extraditions qui avait été le déclencheur de la contestation, les manifestants n’avaient rien obtenu.
Le pouvoir chinois a engagé en 2020 une reprise en main musclée de la région, au travers notamment de la loi sur la sécurité nationale. Aucune manifestation n’est désormais possible dans la ville et les autorités ont, au prétexte de l’épidémie, reporté d’un an des élections législatives où l’opposition avait toutes les chances de voir la popularité de son combat confortée.
Nouveau clou dans le cercueil de l’exception hongkongaise, la réforme du système électoral local que la Chine a promulguée mardi et qui aura pour conséquence de marginaliser totalement l’opposition au Conseil législatif (LegCo, le Parlement hongkongais).