Pendant cinq ans, ils ont pris fait et cause pour le Brexit. Encouragé les électeurs à voter pour le divorce avant le référendum du 23 juin 2016. Demandé une rupture franche pendant les interminables négociations de sortie entre Londres et Bruxelles. Exulté le 31 décembre dernier, au moment de la sortie définitive du Royaume-Uni de l’orbite de Bruxelles. Mais le Brexit désormais entériné, les tabloïds conservateurs se voient contraints de changer de sujet de prédilection. Résultat, The Sun, le Daily Mail et le Daily Express se sont tous mis au vert. “Surprenant”, souligne Bloomberg.
Longtemps, ces publications populaires se sont montrées particulièrement climatosceptiques. “Le Daily Express est l’un des médias qui a le plus nettement affiché sa méfiance vis-à-vis des données scientifiques sur le climat, comme en témoignait un article paru sous le titre ‘100 raisons qui montrent que le réchauffement climatique est naturel’, rappelle le site américain. Le Sun a quant à lui publié des chroniques qui accusaient l’Union européenne d’être à l’origine du changement climatique.”
Des lecteurs préoccupés par la question
Preuve de cette réorientation, les tabloïds ont accueilli favorablement le plan en faveur d’une “révolution industrielle verte” présenté par Boris Johnson en novembre dernier. “Certains ont critiqué l’interdiction des ventes de voitures neuves à essence à l’horizon 2030 annoncée par le Premier ministre, mais aucun n’a contesté les arguments scientifiques expliquant cette décision.”
Concrètement, ces tabloïds ont beau être “fermement ancrés à droite”, leur direction a senti le vent tourner. “Ce revirement a eu lieu quand ils ont compris que leurs lecteurs s’inquiétaient de plus en plus du réchauffement climatique, détaille Bloomberg. D’après les derniers sondages de l’institut YouGov, les Britanniques sont désormais plus préoccupés par l’environnement que par la criminalité ou l’immigration.” Avec la chute de leur diffusion papier (celle du Daily Mail continue de flirter avec le million d’exemplaires par jour), “ces journaux tentent également d’attirer de nouveaux lecteurs en ligne, souvent plus jeunes et sensibles aux questions climatiques”, complète le site économique.
À l’époque de la Première ministre Theresa May, déjà, le Daily Mail promouvait la réduction drastique du nombre de sacs en plastique vendus en supermarché. “Aujourd’hui, le Daily Express défend des exonérations d’impôts pour l’achat de panneaux solaires, tandis que The Sun donne à ses lecteurs des conseils pour réduire leur bilan carbone.” Certes, leurs valeurs restent les mêmes, relève Bloomberg :
“Les deux tabloïds expliquent comment un particulier peut adapter ses habitudes et ils défendent la réduction de la pollution sous un angle nationaliste. Les grands journaux de gauche abordent le sujet différemment, en s’attardant plus sur la coopération internationale et le rôle des marchés mondiaux.”
Promouvoir des mesures plus audacieuses
Mais leur soutien apporté à la poussée verte de Boris Johnson “pourrait bien doper la popularité de mesures plus audacieuses, comme cela a déjà été le cas pour le Brexit et pendant les périodes électorales”. Comme le rappelle le média américain, la presse britannique compte parmi les plus partisanes du monde et “si un journal peut difficilement faire changer les lecteurs d’avis, il peut au moins conforter leurs points de vue en insistant sur un sujet donné”.
À l’approche de la COP26 de Glasgow prévue en novembre, cette volte-face des tabloïds constitue un “bon baromètre” du basculement de l’opinion publique sur les questions environnementales, résume Bloomberg, “et le signe qu’elle gardera probablement ce cap”. Si certains militants écologistes crient à l’opportunisme, d’autres semblent s’en accommoder, remarque encore le site. Au fond, assurent-ils, “mieux vaut tard que jamais”.
Bloomberg
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