C’est une idée si séduisante qu’à peine lancée elle a été victime de son succès. C’était il y a un an tout juste, au Togo. Le 8 avril 2020, Novissi débute et le ministre de l’Énergie est obligé de se rendre le soir même dans les studios d’une radio nationale, Kanal FM, rapporte alome.com. “Le système a planté”, reconnaît-il alors. Près de 4 millions de personnes ont tenté de se connecter en même temps à un système conçu pour en supporter 200 000. Le bug géant a vite été résolu, et le succès de Novissi ne s’est jamais démenti. Avec un principe aussi novateur que sa méthode.
Alors que les Togolais sont durement affectés par la pandémie de Covid-19, les autorités ont mis en place un revenu de solidarité. “Il a pour but de fournir aux personnes vulnérables des soutiens financiers tout au long de l’état d’urgence sanitaire décrété par le chef de l’État. Le programme s’adresse aux zémidjans [taxis-motos], couturières, vendeurs ambulants, taximen et aux personnes ayant perdu leur gagne-pain à cause du coronavirus”, détaille le Journal du Togo.
Identifier les plus pauvres
Avec 13 dollars par mois pendant cinq mois pour les hommes, 15 dollars pour les femmes, censées avoir de plus lourdes charges familiales, Novissi, “solidarité” en langue ewe, s’adresse aux plus démunis. Eric Dossekpli est l’un des heureux élus. “Je ne savais plus comment nourrir ma famille”, confie cet agriculteur de 49 ans à la radio publique américaine NPR. À cause des confinements, il ne parvient plus à vendre son maïs et son manioc. C’est alors qu’il entend parler de Novissi, et tape *855# sur son portable pour savoir s’il est éligible. C’est oui. “Je n’y croyais pas. J’ai été enregistré et l’argent m’a été viré sur mon téléphone”, dit-il au journaliste.
Les moyens sont limités, alors il faut choisir les bénéficiaires. Comment identifier les plus pauvres parmi les pauvres, dans un pays où le travail est souvent informel ? Le Togo sollicite Ester Duflot, lauréate du prix Nobel d’économie, qui renvoie sur Joshua Blumenstock, de l’université de Berkeley. Ce chercheur spécialiste des données propose de travailler à partir d’images satellite de haute résolution. Dans les régions les plus pauvres, les toits sont en matériaux précaires, les routes ne sont pas bitumées et les parcelles sont petites. “Les points d’eau, comme les rivières, sont plutôt associés à des régions riches”, explique le chercheur.
Utiliser les données téléphoniques
Mais la liste des bénéficiaires, selon ces critères, est encore trop longue pour les fonds disponibles. C’est alors aux données téléphoniques qu’il s’intéresse. Une idée inédite, explique Joshua Blumenstock à la radio américaine
“Les données téléphoniques permettent de savoir beaucoup de choses. Les plus riches appellent à l’international. Ils passent plus d’appels qu’ils n’en reçoivent.”
Les pauvres appellent peu, et dans une zone plus proche de celle où ils habitent. “Sans contact et sans besoin de se rendre sur le terrain”, note la Radio télévision suisse, une liste est enfin établie. En un an, 600 000 Togolais ont bénéficié du dispositif et 5 millions de dollars ont été, à ce jour, provisionnés pour le projet.
“La démocratisation de cette méthode d’aide directe pourrait être un moyen efficace pour intervenir rapidement lors de crises humanitaires ou de catastrophes naturelles”, analyse le média suisse. Et elle a l’avantage de “donner de l’argent directement aux personnes dans le besoin”.
Anna Sylvestre-Treiner
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