Dimanche dernier, un groupe interconfessionnel de dignitaires chrétiens – prêtres apostoliques, pasteurs, révérends, évêques – s’est réuni lors d’un rassemblement national de prière à Accra. Le thème central et l’intitulé de leurs prières ? “L’homosexualité : un odieux péché devant Dieu.”
Organisé avec le soutien de médias ghanéens, l’événement réunissait des représentants de l’Islam, des religions traditionnelles, de la société civile et du parlement. Ces influents personnages ont également évoqué la pénalisation de la communauté LGBTQI + et “la rééducation, l’assistance et l’accompagnement” de ces “âmes égarées”.
“Relations contre-nature”
Cette vague d’homophobie a débuté le 31 janvier, lorsque l’association LGBT + Rights Ghana a inauguré un espace de rencontre à Accra. C’était le premier du genre et il n’a pas duré longtemps, la nouvelle de son existence ayant été rapidement relayée par les médias locaux.
La première bordée est venue de la société civile. Le 11 février, Moses Foh-Amoaning, secrétaire exécutif de la Coalition nationale pour des droits sexuels et des valeurs familiales appropriés, a lancé une campagne exhortant le gouvernement à faire fermer le centre et à en arrêter les responsables. Son association, composée de représentants du christianisme, de l’Islam et des croyances traditionnelles, a pris la tête de la croisade anti-homosexuels depuis sa création en décembre 2013. Des membres du gouvernement se sont empressés de surfer sur son discours homophobe.
Chose peu courante, lors de la procédure d’examen de leur nomination devant le Parlement, des ministres se sont vu demander de faire connaître leur position sur les droits des homosexuels. Pendant la procédure, Adwoa Sarfo, la ministre de l’Egalité des sexes, de l’Enfance et de la Protection sociale, a invoqué l’article 104 du Code pénal qui interdit les “relations charnelles contre-nature”, passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à 25 ans de réclusion – même si la loi ne fait pas explicitement référence aux rapports homosexuels.
Agressions en hausse
Parallèlement, les médias ghanéens laissaient libre tribune à des députés pour exprimer leurs opinions homophobes. Dans les rares interviews de gays, les journalistes leur demandaient s’ils n’étaient pas eux-mêmes responsables des violences auxquelles ils ont été confrontés, à force de réclamer l’égalité des droits.
Le 24 février, tous ces événements conjugués se sont soldés par la fermeture par la police des bureaux de l’association, dont l’équipe est alors entrée dans la clandestinité. Aucune explication ou justification n’a été donnée.
Depuis cette fermeture, un certain nombre de militants affirment que les agressions verbales et physiques à l’encontre des homosexuels – déclarés ou présumés – se sont multipliées, notamment dans les campagnes reculées. Si LGBT + Rights Ghana n’est pas la seule association à défendre la cause des homosexuels au Ghana, elle est de loin la plus visible et la seule à bénéficier du soutien officiel de responsables étrangers, ce qui en fait une cible toute désignée.
L’homosexualité, un “mal occidental”
Ce n’est pas tout. Le 27 février, le président Nana Akufo-Addo a fait savoir qu’il n’autoriserait jamais la légalisation du mariage gay, alors que personne n’en portait la revendication. Le 5 mars, huit députés ont proposé une nouvelle mouture d’un projet de loi déposé précédemment, appelant explicitement à pénaliser l’homosexualité et à prescrire aux personnes reconnues coupables une thérapie de réorientation sexuelle obligatoire.
Beaucoup d’homophobes soutiennent que l’homosexualité est un produit d’importation occidentale. Or, comme dans bon nombre d’anciennes colonies, les lois homophobes du Ghana sont un reliquat de la domination européenne. Le Comité sur le mariage chrétien et la vie de famille (CCMFL), qui défend le modèle familial hétérosexuel, a été créé en 1966 grâce au financement d’une organisation britannique, Christian Aid. Plus récemment, des organisations comme la Coalition nationale pour des droits sexuels et des valeurs familiales appropriés ont repris le discours des évangélistes américains, avec le soutien officiel, entre autres, du Congrès mondial des familles, une organisation implantée aux Etats-Unis.
Combat de l’ombre
Si on peine à imaginer une réouverture prochaine des bureaux de l’association LGBT + Rights Ghana ou un débat public éclairé sur les droits des homosexuels, les homos du Ghana n’abandonnent pas l’espoir d’une société plus tolérante. LGBT + Rights Ghana a lancé une collecte de fonds en vue d’acquérir un local permanent qui accueillerait un nouveau centre social. Elle a levé pour l’heure plus de 40 200 dollars.
D’autres associations font pression sur des députés pour empêcher l’adoption d’une nouvelle législation pénalisant explicitement l’homosexualité. En raison du risque de persécution et de poursuites judiciaires, la plupart des militants s’organisent dans l’ombre.
À l’heure où nous célébrons le 64e anniversaire de l’indépendance du Ghana, , les homos du pays rappellent qu’ils ont le droit de bénéficier, comme les autres, de la protection de la loi. “Le local restera dans nos cœurs et dans nos esprits”, confie Alex Donkor, le président de LGBT + Rights Ghana. Tout comme leur détermination et l’espoir d’une délivrance.
Shakia Asamoah
Abonnez-vous à la Lettre de nouveautés du site ESSF et recevez par courriel la liste des articles parus, en français ou en anglais.