Le 4 juin 2005 il ne fait pas beau. La balade que je fais aux Beaumonts avec Pierre et Fred tient plus du changement d’idées que de la recherche naturaliste. Les quelques papillons présents sont frigorifiés et restent accrochés aux plantes qui les ont supportés depuis la veille au soir. Arrivés dans la prairie fleurie proche de la mare perchée, nous remarquons un petit papillon dont le dessous paraissant tout bleu attire l’attention de loin. Soupçonnant une rareté, je pars chercher un guide d’identification, laissant à mes compères le soin de suivre l’animal s’il décolle. De retour sur place, la vérification des critères n’est pas difficile car le papillon transi se laisse ausculter. À l’aide d’une brindille, nous n’avons aucun mal à lui faire écarter doucement ses ailes. Il dévoile alors sous l’aile du devant une série de gros points noirs disposés en un arc peu marqué, et un dessus d’un bleu profond margé de noir. L’Azuré des cytises !
Complètement inattendu et inespéré dans ce petit coin de banlieue, cet azuré est devenu si rare qu’il est considéré comme au bord de l’extinction en Île-de-France. Répondant au délicieux nom scientifique de Glaucopsyche alexis, il a d’ailleurs le triste privilège d’être sur la liste des insectes protégés dans la région. En fouillant alentour, nous avons la chance de découvrir une femelle de la même espèce. Les seules populations subsistant en Île-de-France étant situées à plus de 50 km au sud, il paraît clair qu’il s’agit ici d’une population relictuelle, dont les effectifs apparemment très faibles ont pu justifier qu’elle passe jusqu’ici inaperçue.
C’est donc un trésor de plus qui vient s’ajouter à la liste des insectes rares du parc des Beaumonts. Pourra-t-on sauver celui-ci s’il n’en reste que quelques individus ? Sa chenille vit sur des fleurs de la famille des légumineuses, telles que le mélilot ou la luzerne lupuline que l’on trouve aux Beaumonts. Le danger est pour cette espèce comme pour beaucoup d’autres la fermeture du milieu, c’est-à-dire le remplacement insidieux d’une prairie fleurie par des arbres et d’autres plantes à haute tige. La gestion par fauche automnale de la « savane », cœur de l’Espace naturel, est maintenant une urgence car les milieux riches en espèces ne représentent plus que quelques dizaines de mètres carrés. Souhaitons que la Mairie prenne vite conscience du besoin impératif d’intervenir et de sauver ce patrimoine d’exception dont elle souhaite assumer la charge.