PARTI COMMUNISTE : Résultat désastreux
Alain Krivine
Le PCF a rassemblé seulement 1,93 % des voix au premier tour de l’élection présidentielle. Un résultat qui plonge le parti dans une crise majeure.
Les résultats du premier tour de l’élection présidentielle témoignent d’une pression exceptionnelle du « vote utile » sur toutes les listes à la gauche du PS. C’est vrai pour le PCF, mais cela n’explique pas complètement sa déroute électorale. En 2002, le score de Robert Hue (3,37 %) avait soulevé une profonde inquiétude dans le parti, mais les militants en rejetèrent la responsabilité sur la très mauvaise campagne du candidat, qui dut quitter son poste de secrétaire général.
Par la suite, Marie-George Buffet, bien mieux acceptée dans le parti, fit une bonne campagne en faveur du « non » au référendum, et elle contribua à redonner une sorte d’identité au parti. On vit ainsi renaître une certaine mobilisation pour les meetings, avec un public, certes souvent relativement âgé, mais qui était resté passif pendant des années. Ceux qui avaient enterré ce parti virent alors que cette organisation, forte de ses centaines de municipalités et de ses 12 000 élus, avait encore une capacité d’intervention, qui allait se manifester un peu plus tard dans les comités unitaires antilibéraux.
La création de dizaines de comités liés au parti, l’invasion de comités déjà existant, les référendums internes au PCF, mobilisant quelques dizaines de milliers de militants, afin de présenter Marie-George Buffet comme candidate à l’élection présidentielle de 2007 viendront confirmer ce constat. Cette aventure unitaire dans les comités du « non », puis parmi les antilibéraux, permit à quelques milliers de militants de découvrir la gauche radicale, notamment la LCR, et d’y prendre goût, après les expériences malheureuses de la gauche plurielle.
Mais cette nouvelle pratique unitaire allait susciter l’opposition des principaux courants oppositionnels du parti : les partisans de Robert Hue, qui rêvent d’un rapprochement avec le PS et redoutent toute alliance avec les « gauchistes », et les nostalgiques, regroupés autour du député André Gerin ou de la fédération du Pas-de-Calais, qui veulent une affirmation solitaire du parti mais, eux aussi, sans les « gauchistes ». C’est en s’appuyant sur cette majorité hétéroclite que la direction du PCF a fait la campagne Buffet. Sa seule opposition ? Le petit courant des Refondateurs, surtout composé d’élus dont une minorité a choisi de soutenir José Bové. Durant cette campagne présidentielle, on a retrouvé la même mobilisation que lors du référendum, avec encore plus d’enthousiasme. Mais la mobilisation militante ne remplace pas la crédibilité. Le message de Marie-George Buffet expliquant qu’il fallait un gouvernement de toute la gauche, du PS à la LCR, sur une base antilibérale était inaudible : la direction du PS antilibérale ? Qui pouvait y croire ?
Dimanche 22 avril, les électeurs ont tranché : 707 327 voix (1,93 %), le score est sans appel. Plus de 200 000 voix et 1,40 % de moins que le résultat de Robert Hue en 2002. En dehors de l’île de la Réunion, présidée par Paul Vergès, secrétaire général du Parti communiste réunionnais, Marie-George Buffet obtient, dans chaque département, un score inférieur à celui d’Olivier Besancenot, y compris dans les bastions du PCF comme la Seine-Saint-Denis ou le Val-de-Marne. À Calais, avec plus de 7 %, ou à Saint-Denis, avec plus de 5 %, Olivier Besancenot est en tête de la gauche antilibérale, et là où des élus PCF ont soutenu José Bové, comme Patrick Braouezec ou Jacques Perreux, le score du leader paysan ne progresse pas.
Un tel échec va susciter un débat de fond dans le PCF, où toutes les tendances vont se déchaîner contre la direction sortante, au risque de l’éclatement. Pour le moment, à la veille du second tour, les couteaux sont restés aux vestiaires lors du conseil national du 24 avril. Le débat de fond est fixé au 9 mai, avec la perspective d’un congrès extraordinaire à la fin de l’année. Mais le rapporteur, Olivier Dartigolles, a tout de même réussi à ne pas dire un mot sur l’épisode des comités antilibéraux, ou sur les raisons de la défaite, si ce n’est « la grande fragilité de notre influence dans le contexte d’un vote utile exacerbé » et le « vieillissement ». En revanche, il note le « recul de 4,65 % des trois candidats d’extrême gauche »... Il fallait oser ! Quant à nous, nous sommes prêts à tirer ensemble, avec les militants communistes, tous les bilans et, surtout, à envisager toutes les actions communes, notamment contre Sarkozy si par malheur il gagnait les élections.
LUTTE OUVRIÈRE : Net recul
François Sabado
Avant tout commentaire, un coup de chapeau à Arlette Laguiller, pour ses six campagnes électorales présidentielles depuis 1974. Elles auront marqué ces 30 dernières années. Arlette a apporté au mouvement révolutionnaire, y compris à la LCR, une manière de s’adresser à des millions d’électeurs, qui aura fait progresser une série d’idées fondamentales au monde du travail. C’était sa dernière campagne présidentielle, mais nous savons qu’Arlette est une militante que nous retrouverons dans les combats et débats à venir...
Cette élection aura néanmoins enregistré un net recul des positions de Lutte ouvrière (LO) : en 2002, 1 630 118 voix se portaient sur la candidature d’Arlette ; en 2007, elle ne réunit que 488 119 suffrages (1,33 %). Comme toutes les candidatures à la gauche du PS, elle a souffert du vote utile. Mais comment expliquer cette perte de plus de 1 million de voix, alors qu’Olivier et Arlette ont développé, chacun à leur manière, des thèmes communs : augmentation du Smic à 1 500 euros net, interdiction des licenciements, suppression des aides publiques, contrôle des salariés et de la population, etc. ?
Sans doute, LO n’a pas su saisir des changements de la situation sociale et politique, l’émergence de nouvelles générations, la nécessité d’un renouvellement de certaines propositions et porte-parole. Plus substantiellement, une vision trop pessimiste de la situation et l’extériorité de LO par rapport à certains événements socio-politiques - luttes de jeunes salariés précaires, mouvement altermondialiste, campagne du « non » au référendum - l’ont empêché de créer les conditions d’un vrai dialogue avec des secteurs importants de la jeunesse et des classes populaires. S’auto-affirmer comme la seule candidate représentant le camp des travailleurs n’a pas arrangé les choses...
Une inflexion de sa ligne politique, afin d’interpeller la candidate socialiste pour qu’elle applique des mesures d’urgence, a également pu brouiller le message de LO. Comme si la campagne sociale-libérale de la candidate socialiste pouvait donner prise à ce type de demande. Cette orientation explique peut-être aussi la manière si peu critique avec laquelle Arlette a appelé à voter pour Ségolène Royal contre Sarkozy.
JOSÉ BOVÉ : Faible score
Anne Leclerc
José Bové a recueilli 1,32 % des voix : sa candidature est loin d’avoir créé une dynamique. Alors qu’en octobre 2006, José Bové était sorti de la course à la candidature unitaire à la présidentielle dans le cadre du collectif national antilibéral, il annonçait sa candidature, le 1er février, suite à un mouvement pétitionnaire sur Internet la sollicitant. Il s’est alors présenté, de façon abusive, comme le candidat unitaire antilibéral...
José Bové représente un courant que l’on peut qualifier d’alternatif-écologiste et, s’il était logique que ce courant soit représenté à l’élection présidentielle, il ne pouvait légitimement prétendre représenter les collectifs unitaires antilibéraux et affirmer que sa candidature en était l’émanation. D’ailleurs, pendant sa campagne, bon nombre de collectifs antilibéraux ont estimé qu’il ne pouvait représenter les collectifs et, le plus souvent, ont fait le choix de ne pas « choisir » entre Buffet, Bové et Besancenot.
Le résultat n’est donc pas à la hauteur de ce qu’espérait cette mouvance alternative-écolo. L’analyse des motivations de ceux et celles qui ont voté Bové montre que 88 % d’entre eux l’ont choisi pour ses positions sur l’écologie.
La campagne que José Bové a menée a été ponctuée d’attaques de sa part contre « les appareils bureaucratiques du PCF et de la LCR », mettant sur un pied d’égalité deux organisations qui n’ont ni la même histoire, ni les mêmes pratiques... ni le même « appareil ». Se présentant comme le seul candidat - sur les douze ! - incarnant une autre façon de faire de la politique, il a privilégié cet aspect identitaire au détriment des questions de fond.
L’explication de l’échec de sa candidature qu’il a commencé à avancer - celui-ci serait dû « aux diviseurs dont la LCR fait partie » - ne nous convainc pas. Car, si nous portions la responsabilité de cet échec, comment comprendre qu’Olivier Besancenot ait eu une telle écoute et le résultat que l’on connaît ?