La sortie de M. Sarkozy, lors de son discours du 29 avril, à Paris-Bercy, contre Mai 68 fait « froid dans le dos » à différents syndicats et acteurs de l’éducation.
Ce n’est pas la première fois que Nicolas Sarkozy, s’exprimant sur l’éducation, met en cause Mai 68 - responsable selon lui du « relativisme intellectuel et moral » et de la « baisse du niveau » - mais cela passait jusqu’à présent pour une figure convenue d’un discours politique de droite. La vigueur de la dernière charge du candidat UMP a changé la donne.
M. Sarkozy a notamment déclaré qu’il « s’agit de savoir si l’héritage de Mai 68 doit être perpétué ou s’il doit être liquidé une bonne fois pour toutes ». Il a jugé que cet héritage avait « liquidé l’école de Jules Ferry », introduit « le cynisme dans la société » et « le culte de l’argent roi » et « préparé le terrain au capitalisme sans scrupule et sans éthique des parachutes en or, des retraites chapeaux et des patrons voyous ».
Ces déclarations ont déclenché dans les milieux de l’éducation une vague de réactions indignées, dénonçant pêle-mêle un « retour à l’autoritarisme », une « intervention haineuse » et un « discours inquiétant ».
« C’est un discours que j’ai trouvé très revanchard et hargneux car Sarkozy soumet à la vindicte populaire les syndicalistes, les politiques, les fonctionnaires, cela rappelle des heures assez tristes de notre histoire et ça fait froid dans le dos », a déclaré, lundi 30 avril, Bruno Julliard, président de l’UNEF. « Il y a derrière tout cela, non pas un discours de compréhension du système éducatif, mais un discours de la nostalgie qui fait froid dans le dos » a également estimé Patrick Gonthier, secrétaire général de l’Unsa-Education.
« L’école de Jules Ferry était une école de tri social extrêmement forte ! On se donne l’illusion qu’avant on formait bien tout le monde alors que c’est totalement faux », s’est indigné Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU, principale fédération syndicale de l’éducation. Selon lui, « ce discours sur Mai 68, c’est de l’idéologie à l’état brut, avec un côté âge d’or qui n’a jamais existé ». M. Aschieri a rappelé qu’une enquête Insee « montre qu’il y a moins d’analphabétisme chez les jeunes autour de 18 ans aujourd’hui que chez les 55 ans ou plus », scolarisés avant 1968.
Pour le secrétaire général du Sgen-CFDT, Jean-Luc Villeneuve, le candidat UMP « s’inscrit dans le courant actuel des nostalgiques et, pour Sarkozy, depuis 68 c’est la chienlit ! » « C’est une intervention haineuse, Mai 68 a mis en avant l’exercice du droit syndical, l’école de la mixité, le droit des femmes et a déclenché ce qu’on appelle la massification, ce n’est pas rien », a ajouté M. Villeneuve.
Philippe Meirieu, professeur à l’université Lumière-Lyon-II, ancien directeur de l’IUFM (institut universitaire de formation des maîtres) de Lyon et figure des mouvements pédagogiques a eu les mots les plus durs. « Ce que dit Sarkozy sur l’autorité, a-t-il estimé, ressemble au discours de Pétain, avec un retour à l’autoritarisme, à une forme d’obéissance arbitraire fondée sur la force et non sur la compétence ».
« Il y a eu des excès libertaire en Mai 68, a-t-il poursuivi, mais ils ont très vite été cadrés, on est revenu aux notes depuis des dizaines d’années, et il n’y a jamais eu autant de sanctions, autant de conseils de discipline qu’actuellement, sans que cela ne fasse baisser la violence scolaire d’ailleurs ». « Ce qui a fait l’enfant-roi, ce n’est pas Mai 68, ce sont les médias et la publicité, qui exaltent les caprices de l’enfant consommateur », a conclu M. Meirieu, exhortant le candidat à s’attaquer au « crétinisme intellectuel » que promeuvent, selon lui, certains médias et les multinationales.
L’ancien ministre, Jean-Pierre Chevènement, président d’honneur du MRC et membre de l’équipe de campagne de Ségolène Royal, s’est également insurgé contre ces propos. « M. Sarkozy, a-t-il dit, s’est livré à une violente critique de Mai 68 au nom des valeurs républicaines, mais c’est la droite qui en 1968 a supprimé l’éducation civique et la distribution des prix au Concours général, et c’est moi comme ministre de l’éducation nationale qui les ai rétablies en 1985. »