Pas question de coopérer avec la Cour pénale internationale (CPI), a annoncé ce mardi 15 juin le porte-parole de la présidence philippine. Une réaction sans appel à l’annonce la veille par la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, de la poursuite d’une enquête sur les crimes commis par la police du pays dans le cadre de la guerre contre la drogue.
Dès sa prise de fonction, le 30 juin 2016, le président Rodrigo Duterte avait lancé une politique agressive contre le trafic de stupéfiants dans l’archipel. Selon les organisations des droits de l’homme, près de 30 000 personnes auraient ainsi été assassinées par les forces de sécurité philippines.
Pour Harry Roque Jr, la CPI n’est tout simplement pas compétente car le président Rodrigo Duterte avait acté le retrait de son pays de la juridiction internationale. Une décision annoncée après le lancement en février 2018 d’enquêtes préliminaires par la CPI sur les crimes commis par la police philippine. Aux yeux du porte-parole, la volonté de la procureure d’aller de l’avant dans ce dossier est donc erronée et motivée politiquement, rapporte le Manila Times.
Mettre les Philippines sous pression internationale
Une réaction émotionnelle pour cet ancien avocat des droits de l’homme devenu porte-parole du très controversé président philippin. Roque a pourtant été un des principaux instigateurs de l’adhésion de son pays à la CPI, rappelle le site Internet Rappler, dont les enquêtes ont mis en lumière les dérives des forces de sécurité et lui ont valu d’être dans le collimateur des autorités..
Fatou Bensouda quittant ses fonctions le 15 juin, c’est son successeur, le juriste britannique Karim Khan, qui suivra le dossier. “Khan est un familier de la guerre contre la drogue”, précise Rappler. Car il avait participé à des formations dispensées par la commission philippine des droits de l’homme en 2018.
Reste à savoir combien de temps il faudra aux juges de la chambre préliminaire pour donner un éventuel feu vert à la poursuite des investigations. Si la chambre valide la demande, “l’administration Duterte sera sous pression internationale”. La CPI pourra engager des poursuites et délivrer des mandats d’arrêt contre les personnes incriminées dans le dossier.
Une “décision insultante” pour les Philippines
Pour Harry Roque, la requête de Fatou Bensouda est insultante. Car elle sous-entend que le système judiciaire philippin est défaillant. La CPI se substitue aux juridictions nationales quand celles-ci se voient empêchées de se saisir de crimes contre l’humanité.
Harry Roque accuse également Fatou Bensouda de partialité car elle utiliserait comme sources “des ennemis du président”. Il cite en particulier le sénateur Antonio Trillanes IV et le fondateur du Parti communiste des Philippines, Joma Sison. “Ce dossier serait-il politiquement motivé ?”
Trillanes a annoncé sa candidature aux postes de président et de vice-président pour les élections de 2022. Pourtant, remarque Rappler,
“Les notes de bas de page dans la requête de Bensouda renvoient à des informations puisées dans la presse, des rapports d’organisation de la société civile ou des entretiens menés par des membres de la CPI.”
Courrier International
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