Rome,
Ces dernières semaines, les Démocrates de gauche (DS) [1] et La Marguerite [2] ont définitivement décidé de fusionner pour donner naissance au Parti démocratique. Le choix de l’aile gauche de DS de ne pas entrer dans le Parti démocratique a provoqué une convergence, à la gauche de celui-ci, dans laquelle se retrouvent le Parti de la refondation communiste (PRC), le PDCI [3], mais aussi une partie des Verts et diverses autres petites formations. Le PRC souhaite arriver, dans les meilleurs délais, à une « nouvelle construction politique », sociale-démocrate, à gauche du nouveau parti de la bourgeoisie italienne voulu par DS et La Marguerite. Cette réorganisation se situe dans le cadre gouvernemental sur lequel, malgré des projets politiques différents, tous s’accordent.
Les forces s’opposant à ce énième tournant sont peu nombreuses. Il s’agit avant tout de La Gauche critique, le courant de gauche du PRC, qui s’est transformée en association autonome et dont le sénateur Franco Turigliatto a été expulsé du PRC pour avoir voté contre la politique étrangère du gouvernement Prodi. J’ai moi-même abandonné mes fonctions au sein du groupe parlementaire à la Chambre des députés et à la direction, en solidarité avec Turigliatto. Malheureusement, l’autre minorité interne au PRC, Être communistes, a décidé de rejoindre la majorité. Seule une partie de cette minorité s’y est refusée, peut-être la moitié, en donnant naissance à un nouveau courant interne, l’Ernesto, et se déclare opposer à la transformation du parti en une nouvelle « Refondation socialiste ». En dépit des forces réduites qui s’y opposent, la volonté est forte de ne pas céder à cette véritable dérive de la gauche italienne et de laisser ouverte la perspective d’une gauche anticapitaliste, de classe, qui ne soit pas engloutie dans le cadre gouvernemental.
La Gauche critique a choisi de ne pas provoquer une scission avec le PRC - malgré l’expulsion de Turigliatto -, mais de matérialiser l’existence de deux projets différents, deux Refondations : celle de la gauche sociale-démocrate et celle de la gauche anticapitaliste. Pour concrétiser cette deuxième perspective, une grande assemblée nationale s’est tenue le 15 avril, réunissant près d’un millier de participants, dont presque toute la gauche sociale qui s’oppose au gouvernement Prodi. Des Désobéissants de Luca Casarini aux Cobas de Bernocchi, de la gauche de la CGIL de Giorgio Cremaschi aux comités NO TAV [4] de Val di Susa, de ceux qui agissent contre la base de Vicence aux collectifs étudiants qui ont précisément contesté Bertinotti à l’université de Rome sur la guerre en Afghanistan. Environ vingt structures très diverses - tout le syndicalisme « de base » - ont accueilli la proposition de La Gauche critique de réaliser un « front de l’opposition sociale », autour de quatre points : le refus de la guerre, le rejet des coupes claires dans les dépenses sociales de l’État, le refus de l’offensive intégriste du Vatican et le combat contre la dégradation environnementale (comme le projet TAV). Pour concrétiser un véritable « pacte », ces forces sociales et politiques préparent une mobilisation unitaire pour le 9 juin, à l’occasion de la visite de George Bush en Italie.
On ne parle donc pas, pour l’instant, d’un nouveau parti, mais il est clair que la question d’une nouvelle construction politique est posée. Pour la première fois depuis la fin du Parti communiste italien, la gauche italienne tente de se réunifier sur une base de compromis social et sur une ligne de « réalisme gouvernemental ». Pour ceux qui pensaient que, ces dernières années, la question du gouvernement était uniquement une question secondaire, le nouveau cas italien recèle des enseignements essentiels.
Notes
1. Ex-communistes désormais convertis au social-libéralisme et membres de l’Internationale socialiste.
2. Parti centriste, fondé par Prodi et Rutelli.
3. Scission de droite de PRC.
4. TGV italien en Piémont.